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Aliaume Delalande
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

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Aliaume Delalande
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Lun 18 Déc 2023 - 20:17

1


Samedi 10 Juin 2017.

Des instruments de toutes sortes s’animaient aux quatre coins de la pièce — bien qu’elle fut tout à fait ronde. Des rouleaux de parchemin palpitaient au bord des tables de travail comme des langues assoiffées, faute d’être entièrement imbibés de cette encre bleue qui valdinguait dans les encriers-cavaleurs — de magnifiques objets dont les petits pieds en cristal avaient un goût prononcé pour les courses effrénées sur le plancher. Des ballons de verre contenant d’étonnants liquides — qui aurait trouvé normal qu’une solution bleue lui adresse un clin d’oeil charmeur ? — tournicotaient sur leur support, chauffés ou non (les feux magiques étaient des êtres capricieux). Bref, des plumes se toilettaient, des cartes revoyaient leurs contours, des plantes croisaient la feuille (le fer étant davantage ancré dans les habitudes des fleurets et autres sabres décoratifs), des chaises jouaient à qui bougerait la première, dans l’indifférence la plus totale du maître des lieux.

Cet Aliaume Delalande dont l’énergie des quatre-vingt-treize hivers trouvait encore le chemin des lectures passionnées — comprendre par là l’admirable faculté de cette vieille branche de lire, au même moment, quatre grimoires disposés, parfois à l’envers, autour de lui. Ce qui suscitait naturellement l’envie et l’agitation des innombrables ouvrages qui occupaient une bonne partie de l’espace : en colonnes sur le plancher, en quinconce dans les caisses en bois, en épi sous les tables, et coude-à-coude sur les étagères. Il en fut même un — un gros bras de huit cent quarante-neuf pages jaunies — qui ne trouva rien de mieux à faire pour se distinguer que de s’écraser sur le plancher, préface contre terre. Cette lamentable tentative ne décolla pas un seul œil d’Aliaume. A vrai dire, elle ne décolla même pas le moindre grain de poussière.

Peut-être parce que la poussière n’avait jamais réussi à trouver la moindre place dans cet endroit ensorcelé jusqu’à la moelle.

Odin — du nom d’un dieu scandinave réputé pour son unique œil vicelard — le corbeau du maître, qui, comble de l’ironie, ne possédait pas un mais bien deux yeux scrutateurs, était la seule tache au tableau. Ce maudit volatile domestiqué était la seule marque de bon sens et de normalité dans cet univers sans dessus dessous. Le seul être digne, présentable — il aimait à bomber son poitrail d’un noir luisant — qui réussissait à tirer le vieil homme du monde de la rêverie pour le rappeler à ses obligations terrestres : ouvrir la porte contre laquelle une pauvre âme venait de toquer deux fois.

Mais la porte était par deux fois trop aimable — elle connaissait les problèmes d’arthrose dont souffrait parfois son maître, cette terrible maladie qui l’empêchait de faire tout ce qu’il n’aimait pas faire. Elle s’ouvrit toute seule, offrant à la vue des spectateurs (l’esprit consciencieux d’Aliaume n’en était pas encore à les ranger dans la case des invités) la vision du vieil homme assit sur un fauteuil aux pieds nerveux, habillé d’une longue robe verte, la capuche prisonnière du bec d’un corbeau immobile, comme pris sur le fait.

Un frisson parcourut le plumage du volatile qui s’empressa de voler vers une étagère tandis qu’Aliaume daignait enfin repousser sa très longue barbe d’un cinquième grimoire posé sur ses genoux. Son regard, d’un vert limpide, s’arrêta sur la professeurs d'Éducation Historique et Citoyenne avant de coulisser vers l’illustre inconnu qui l’accompagnait.

« Un parent d’élève mécontent ? demanda-t-il d’une voix que beaucoup de personnalités du monde de la sorcellerie prétendaient douce et rassurante. Je suis désolé, je sais bien que nos gargouilles peuvent tenir un langage châ… »

Santana Uharte avait secoué la tête en signe de négation.

« Ô… je vois… lâcha le vieil homme en comprenant qu’il n’était pas nécessaire de prendre la défense des gargouilles.  »

Au grand désarroi d’Odin qui lui lança un regard noir parfaitement inaperçu.
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Lun 18 Déc 2023 - 20:22

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Ma deuxième année d'enseignement au sein de Beauxbâtons touchait bientôt à sa fin. Je ne pouvais toujours pas croire qu'Aliaume Delalande mais aussi le Conseil d'Administration m'avaient fait confiance, moi, une tout juste trentenaire à l'époque. Le pari avait été fou et risqué mais fort heureusement pour tout le monde, il s'avérait payant. Contre toute attente, c'est un métier dans lequel je m'épanouis et malgré mes doutes, je pense que je ne suis pas mauvaise dans l'exercice. Avoir été confrontée à des membres de grandes familles sorcières me permettait de savoir rebondir quand il le fallait.

En ce samedi, une mission de la plus haute importance m'avait été confiée. Le poste de professeur de métamorphose serait vacant à la rentrée prochaine. Il fallait donc trouver quelqu'un digne de pourvoir cet emploi prestigieux. Un seul nom m'était venu en tête , Leandro Dias. Certes, ce n'était pas à moi de décider des recrutements mais je n'avais pas pu m'empêcher de proposer ce nom à mon supérieur. Ce n'était pas parce que je considérais Leandro comme mon deuxième grand frère non, mais parce que c'était le sorcier le plus doué en métamorphose que je connaissais; ce que je n'avais pas manqué de souligner lors de ma recommandation.

A l'heure que nous avions convenu, nous arrivâmes, par poudre de cheminette dans mes appartements. Après la présentations des lieux, nous nous sommes dirigés vers le bureau de notre ancien professeur. Bien sûr, Leandro n'avait absolument pas besoin de moi pour y aller, il connaissait évidemment le chemin, bien qu'à l'époque de notre scolarité, nous avions madame Maxime comme directrice. Mais il me paraissait nécessaire que je l'accompagne. Nous avons traversé la cour sous les regards curieux de certains élèves.     Arrivés à destination,  je frappai à la porte du directeur et attendis une réponse, en vain. Je regardai Leandro et haussai les épaules. Je réitérai mon geste en chuchotant:  

- Il se fait sourd, pire que quand nous étions élèves.

A ma surprise, la porte s'ouvrit toute seule et je découvris mon supérieur dans une position atypique comme il avait l'habitude de faire. J'avais beau être déjà venue plusieurs fois dans ce bureau, il m'étonnait toujours autant. Je lorgnais sur certains objets avant de faire un signe de tête à Aliaume pour répondre à son interrogation. Se pourrait-il qu'il ne se souvienne pas du rendez-vous? M'étais-je trompée de date ou heure, ou avais-je mal compris?

- Bonjour pro...Aliaume. Non, je vous présente Leandro Dias. Vous savez l'homme dont je vous avais parlé pour le poste de professeur de Métamorphose. Serions-nous en avance?

Je sais que parfois je pouvais être tête en l'air mais il me semblait pourtant que c'était bien à cette heure là. Je me tourne vers Leandro, un peu gênée.
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Lun 18 Déc 2023 - 20:36

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Le portugais n’était pas en avance, mais il avait, une fois n’était pas coutume, réussi à limiter son retard. La ponctualité n’avait jamais été son fort et il remerciait intérieurement Santana de ne pas lui en tenir rigueur, la soupçonnant même d’avoir avancé le véritable horaire de rendez-vous. En s’extirpant de la cheminée, il apprécia distraitement le charme du vaste appartement, qui était à l’image de son amie, avant de la suivre à travers les dédales de la tour du personnel.

Alors qu’ils traversaient la cour intérieure, Leandro se retint de déloger le boulet du canon le plus proche pour y découvrir un quelconque présage sur l’entretien à venir. Il avait été surpris qu’on lui propose le poste de professeur de métamorphose, mais il y voyait là une belle occasion de se rapprocher de sa fille unique. Ana vivait désormais à Paris avec sa mère, suite à leur séparation en début d’année, mais elle aurait également bientôt l’âge d’entrer à Beauxbâtons. Un brin nostalgique, il observait les jeunes élèves avec toute la bienveillance qui le caractérisait, repensant à ses propres années d’insouciance passées à l’académie. Il n’y était pas revenu depuis l’obtention de son diplôme et pourtant, il se sentait un peu comme de retour à la maison.

« Quand faut y aller... » s’exclama-t-il devant la tour de l’Horloge en lançant un clin d’œil complice à Santana. Que la basque soit devenue enseignante ne l’avait pas étonné le moins du monde ; elle en avait toutes les qualités requises. Le lusitanien n’avait pas son sens de la pédagogie, mais il avait pour lui une véritable maîtrise de la métamorphose, ainsi que l’envie de partager son savoir.

En voyant la porte s’ouvrir, Leandro retrouva un semblant de sérieux. Il ne savait pas à quoi s’attendre – sans aucun doute pas à ça – et très vite, sa première impression se résuma en une simple question : "Mais qu’est-ce que je fais là ?" Il adressa un regard interloqué à la professeure d’éducation historique et citoyenne, avant de laisser courir ses yeux sur les nombreuses curiosités dont regorgeait la pièce. Il régnait ici un désordre qui lui semblait organisé, mais dont l’ordonnancement lui échappait pourtant.    La voix du vieil homme le détourna de l’ouvrage dont il cherchait à déchiffrer le titre. Le portugais reporta son attention sur son ancien professeur d’artisanat magique devenu directeur. Celui-ci ne l’avait manifestement pas reconnu, mais le trentenaire ne s’en formalisa pas, vu les nombreuses générations de sorciers qui avaient défilé dans ses cours. "Il est encore plus... qu’avant..." Leandro ne trouva pas le qualificatif qui exprimait pleinement le fond de sa pensée, bien que déroutant ou excentrique aurait sans doute pu faire l’affaire.

Lorsque Santana le présenta, il s’avança d’un pas, avant de saluer d’un hochement de tête respectueux. « Professor Delalande » Le lusitanien esquissa un large sourire pour se redonner de la contenance et masquer son appréhension quant à la suite de l’entretien. Le directeur de Beauxbâtons allait-il lui demander de métamorphoser son bureau, ou encore son corbeau ? Avec Aliaume Delalande, il pouvait s’attendre à tout, ce qui lui donnait la désagréable sensation de ne pas être prêt.
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Lun 18 Déc 2023 - 20:40

2

Leandro Dias… bien sûr… mais si, enfin, voyons ! Leandro ! Ce bon vieux Leandro ! Non, en fait, non… pas du tout. L’âge a ceci de fâcheux qu’il a tendance à déconnecter quelques fils là-haut. Indéniablement, l’âge est un animal de la famille des rongeurs, avec un goût très prononcé pour les neurones et les synapses. Heureusement, Santana Uharte n’était pas disposée à laisser un rat dicter la bonne marche de cette réunion. Elle reconnecta une partie de la machine en un instant, sans même avoir recours à sa baguette magique. Prodigieux !

« Le temps ne s’écoule pas tout à fait au même rythme dans la tour de l’horloge, Santana, dit Aliaume avec un brin de malice. »

Son regard glissa sur ce pauvre Leandro. Le poste de professeur de Métamorphose donc… très bien, très bien… depuis quand le poste était-il vacant au juste ? La réponse lui échappait. Oups.

« Leandro, c’est bien ça ? Quel plaisir. Asseyez-vous je vous prie, asseyez-vous. Tenez Santana, prenez une chaise vous aussi. Mettez-vous à votre aise. »

Si Odin était un être humain, il aurait certainement levé les yeux au ciel en implorant tous les dieux de la Création de faire pleuvoir une pluie de pierres sur le vieil homme. Histoire de l’ensevelir une bonne fois pour toutes. Au lieu de quoi, le corbeau se contenta d’un croassement sinistre auquel Aliaume ne prêta aucune espèce d’attention — il était bien trop occupé à déplacer le grimoire de ses genoux à sa table de travail sur-encombrée. A vrai dire, il était tellement occupé qu’il n’avait pas du tout réalisé que la seule chaise de la pièce se trouvait en ce moment même sous ses fesses fripées. Un comble quand on invitait deux jeunes gens à s’asseoir, non ?

Mais comme il n’était pas complètement fou — enfin, selon ses propres critères — Aliaume épia le duo du coin de l’oeil et insista :

« Ne m’obligez pas à vous céder mon siège. »

Les bonnes manières, si chères aux professeurs d’Éducation Historique et Citoyenne, conféraient un avantage certain au vieil homme. Il le savait et ne manquait pas d’en jouer quand cela pouvait servir ses intérêts — et ils étaient nombreux ! Son intérêt, dans l’immédiat, était de retrouver comment il devait s’y prendre pour conduire cette discussion : il fouilla dans le tiroir de son bureau, dans le grimoire consacré à la Baguette de Sureau, et jusque dans sa barbe dont il n’obtint qu’un bout de parchemin froissé, rien. Le voilà fait comme un rat ! Mais c’était sous-estimer son incroyable raisonnement par l’absurde, sa remarquable faculté à diluer les obstacles pour en faire des alliés de circonstance.

« Et bien Leandro… dit-il en fouillant dans son fatras. Qu’attendez-vous d’un professeur de Métamorphose digne de cette académie ? Et par académie, vous comprenez que je parle de son prestige… Nous sommes montés à la quatrième place. Vous vous rendez compte ? Quatrième ! Plus rien ne peut nous arrêter. Le ski est la limite ! comme disent les anglais. »
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Lun 18 Déc 2023 - 22:54

Surtout que l'horloge ne fonctionne pas lorsque vous êtes là, pensais-je. C'était connu et reconnu, sauf par le créateur. Ou du moins il n'avait pas l'air de s'en soucier s'il avait réellement connaissance du dysfonctionnement de sa production. Mais en même temps que conclure de ce vieil homme farfelu? Farfelu comme son invitation à prendre place dans la pièce. J'avais beau regardé autour de moi, je ne voyais pas l'ombre d'une surface qui aurait pu accueillir mon postérieur et celui de Leandro.

Heureusement, celui-ci prend les choses en main et transforme de pauvres plantes en des fauteuils qui feraient très bien l'affaire! Ils étaient même confortables. Je le remerciais même si je ne comptais pas m'éterniser. J'avais déjà eu mon entretien d'embauche, inutile de le repasser une deuxième fois. Il avait été tout aussi loufoque cependant. Pauvre Leandro... Je ne me rappelle plus si je l'avais prévenu cet échange risquait de ne pas être très conventionnel. En tout cas, il ne paraissait pas plus perturbé par la situation que cela, il avait réagit efficacement selon moi, avec rapidité et lucidité face aux frasques du directeur. Je suis fière de lui même si je n'avais aucune raison de douter, sinon je n'aurais pas proposé son nom. Le seul moment où il fut déconcerté c'est sur la fin des paroles de mon supérieur. Et pour tout avouer, j'étais dans le même état que lui. Je lui répondis par une moue aussi dubitative que son regard. Je n'arrive déjà pas avec les expressions françaises alors les anglaises n'en parlons pas! Je ne voyais pas le rapport avec le ski et la notoriété de notre académie. Les montagnes? Quelque chose m'échappait. Néanmoins, j'étais contente d'apprendre notre place dans le classement des meilleures écoles de magie. Je fais un grand sourire.

- C'est une formidable nouvelle. Le travail paie toujours et nos efforts pour livrer une éducation de qualité ne sont pas vains.

Je faillis rajouter une phrase sur les enseignements passés avant de me rendre compte qu'Aliaume avait lui aussi été professeur, le mien qui plus est. Oups. J'insinuais que nous étions meilleurs que lui.

- Mais bon, les classements ça va, ça vient, il ne faut pas se relâcher.  

Il valait mieux que je me taise. Heureusement pour moi, Leandro entreprend de répondre à la question que lui avait posé l'homme agé. Je ne me sentais pas forcément à l'aise de rester là durant les échanges, même si les propos de mon ami me paraissaient plus que pertinents. Je voulais l'encourager par des signes de victoire mais cela n'aurait, évidemment, pas été discret. Je reportais mon attention sur la pièce et mon regard se pose sur le corbeau domestiqué. Je pouvais jurer qu'il voulait faire une grimace dédaigneuse, parfois.
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Lun 18 Déc 2023 - 22:59

L’entrevue prenait une tournure des plus étranges. Le vieil homme l’avait confondu avec un parent d’élève, et voilà maintenant qu’il semblait avoir oublié l’objet de leur rencontre. C’était à se demander si l’académie cherchait véritablement un nouvel enseignant. Dans d’autres circonstances, Leandro aurait probablement ri aux éclats devant l’incongruité de la situation. Il esquissa tout de même un sourire amusé en regardant son amie avec des yeux ronds. "Il n’y a pas qu’o tempo qui désartibule dans cette tour de l’Horloge..." soupçonna-t-il alors qu’Aliaume leur intimait de s’asseoir.

Un rapide coup d’œil circulaire lui confirma qu’il ne trouverait aucun siège dans la pièce.

« Je m’en occupe » souffla-t-il à Santana en glissant sa main dans la poche de sa robe pour se saisir de sa baguette. D’un regard avisé, il cherchait les cibles les plus adéquates à métamorphoser en chaises ou en fauteuils. Les animaux, tels que les chats ou les lapins notamment, étaient l’idéal, puisqu’ils fournissaient généralement des meubles solides et confortables. Il hésita quelques instants à ensorceler le corbeau, dont le regard noir ne lui inspirait pas confiance depuis son arrivée ; mais à défaut de mieux, il se décida finalement pour deux plantes vertes qui s’affrontaient à coups de feuille depuis leurs pots respectifs.

Lorsque le directeur insista une nouvelle fois, il s’empressa d’exécuter sa métamorphose, créant ainsi deux chaises identiques en chêne clair, avec de discrets accoudoirs, et dont l’assise et le dossier étaient rembourrés et recouverts d’un épais tissu pourpre. Puis, il les fit léviter jusqu’à les déposer devant le bureau encombré et s’approcha pour prendre finalement place en face d’Aliaume Delalande, qu’il écouta avec attention.

« E bem... »

"Quatrième place ? De ski ? C’est pas un truc não-mag, ça ?" Le portugais fronça légèrement les sourcils en se tournant vers Santana, d’un œil interrogateur. Il n’était d’ailleurs pas mécontent que le vieil homme l’ait invitée à rester pour la suite de l’entretien. "Et c’est bien ça, quatrième ?" Il s’éclaircit la voix avant de reprendre.

« Je dirai qu’um bom professor, c’est avant tout quelqu’un qui maîtrise son sujet. Neste caso, pour la métamorphose, il ne s’agit pas juste d’apprendre des sorts aux élèves... Il faut aussi leur montrer son utilité au quotidien, les rendre attentifs aux risques et aux limites, leur enseigner porque certaines métamorphoses fonctionnent mieux que d’autres... C’est tudo un ensemble qu’il faut transmettre aux élèves, au-delà des simples formules et gestuelles... » expliqua-t-il avec enthousiasme. « Um bom professor se met au niveau de ses élèves pour leur apprendre à maîtriser leur magie. Il leur fait confiance et se doit de leur donner confiance en eux-mêmes et en leurs capacités. Il les encourage, leur permet de pratiquer en toute sécurité... »    

Leandro marqua une pause. Quand il était lancé, il pouvait se montrer très loquace. D’ailleurs, il avait encore bien des choses à ajouter sur la relation enseignant-élèves, pierre angulaire du métier à ses yeux, mais il préféra ne pas inonder son interlocuteur. Il serait toujours temps de compléter sa réponse par la suite. « Oh... je vous ai parlé de responsabiliser les élèves ? » ne put-il s’empêcher d’ajouter.
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Lun 18 Déc 2023 - 23:03

3

Aliaume, ce brillant énergumène, n’avait rien manqué des prouesses de Leandro. Très jeune déjà, Aliaume avait réalisé comment les autres s’écartaient de lui, le jugeaient trop bizarre pour intégrer leurs bandes ou jouer à leurs jeux. Très tôt, il avait appris à observer quand plus personne ne l’observait. Plus tard, il avait développé tout un attirail de techniques qui lui permettaient de détourner l’attention de n’importe qui, dans n’importe quelle circonstance, dans le seul but de recueillir chez les autres tous les détails qu’il avait besoin de connaître. Leandro s’était exécuté sans savoir que son examen critique avait dores et déjà commencé. L’homme était doué de ses cinq doigts — ceux de sa main de baguette — c’était une évidence pour le vieil homme qui en connaissait un magasin sur la Métamorphose.

Mais la technique ne faisait pas tout. Aussi, Aliaume prêta-t-il une oreille attentive aux explications du portugais ; des explications guindées à son propre goût qu’il prétexta ne pas entendre dans leur totalité en marmonnant le refrain d’une comptine pour enfant dans sa barbe blanche comme neige. Aliaume poussa le vice plus loin en se penchant sur un grimoire tourné dans le mauvais sens de lecture pour, très justement, le lire.

« Les élèves ? Ô oui, des gens bien vous verrez, dit-il, distrait par sa lecture inversée du traité de paix signé entre sorciers hollandais et géants deux siècles plus tôt. »

Tant est si bien que les paroles de Santana résonnèrent comme un entrechoquement de pierres précieuses à ses oreilles poilues. Aliaume hocha la tête, comme toujours dans ces cas-là, en lâchant, au passage, son célèbre :

« A qui le dites-vous, Santana ! A qui le dites-vous. »

Le signe, s’il en fallait un, qu’il n’était pas celui à qui on s’adressait dans ce bureau.

Au comble du désespoir sur son étagère, Odin s’en serait arraché les plumes si seulement ça n’était pas aussi douloureux. Excédé par les bêtises de son maître, le corbeau agita ses ailes en croassant comme si on l’étranglait. Aliaume leva un regard circonspect sur son compagnon avant de se répandre en excuses :

« Veuillez l’excuser pour ce tintamarre Lewis, ce vieux bougre n’a plus toute sa tête, dit-il à l’attention de Leandro dont le prénom avait vraisemblablement volé en éclats en heurtant la paroi de son cerveau avant que deux miettes posées sur le tapis de sa mémoire ne se mélangent pour former le prénom Lewis. »

Sur quoi, un éclair de génie illumina les yeux du vieux directeur.

« Et si vous le transformiez en quelque chose d’utile tandis que vous me racontez votre parcours et ce qui vous a poussé à m’être recommandé par Santana ? »

Aliaume n’avait pas conscience de la bizarrerie de sa dernière tournure de phrase mais il avait conscience que les croassements répétés d’Odin étaient tout à fait inconvenants en présence d’invités.
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Lun 18 Déc 2023 - 23:05

C'était de pire en pire, dire que les minutes paraissent être des heures serait un euphémisme. Ma présence me posait de plus en plus question. Je crois que je me suis toujours demandée comment cet homme avait pu devenir directeur, aujourd'hui n’échappe pas à la règle. Et en plus, il a la gestion de la meilleure école de magie du monde entre les mains (bon d'accord la quatrième mais la meilleure à mes yeux)! Mon regard fut de nouveau attiré sur le corbeau de mon ancien professeur. Je l'imaginais comme un personnage dans ce que les non mag’ appellent les dessins animés. Ne lui manquait que la parole. Absorbée par ma contemplation, je n’ai pas bien saisi les paroles du professeur Delalande. Lewis ? Son oiseau ne s'appelle pas Lewis aux dernières nouvelles. Mais qu'est-ce qu'il raconte encore… Il commençait à ne plus se souvenir des noms de ses “proches” ? Il faut que j'en parle au sous-directeur. Cela en devient inquiétant, voire perturbant. Perturbante comme sa dernière question à l'intention de Leandro. Mais comment, diable, voulait-il que Leandro réponde à cela ? Cela sonnait l'heure pour moi de m'éclipser discrètement. Seulement, je ne voyais pas comment le faire sans paraître impolie. Il serait inconcevable de partir sans le signaler. Avant que mon ami ne réponde, je me racle la gorge.

- Hum...Hum.. Excusez-moi je pense que je vais y aller, je vais retourner à mes appartements si vous le voulez bien.

Je me lève tout en faisant un regard d'excuses et de compassion en direction de Leandro. Je place ma main sur son épaule pour lui souhaiter bon courage. Du moins j'espère qu'il en comprendra la signification.

- Tu sais où me trouver pour retourner chez mes parents. Je lance un coup d'œil furtif à mon supérieur. Il était plongé en pleine lecture d'un ouvrage que je connaissais bien mais que je ne trouvais pas particulièrement passionnant. Chacun ses goûts après tout.

- Aliaume. J’incline ma tête pour saluer le directeur. Arrivée devant la porte, je me retourne vers Leandro et j'articule un je crois en toi avant de sortir de la pièce. Cette histoire de Lewis me tracasse.
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Lun 18 Déc 2023 - 23:08

"Il... canta ???" Leandro avait mis quelques instants à comprendre ce que le vieil homme marmonnait, reconnaissant vaguement l’air pourtant familier d’une comptine que lui chantait sa mère autrefois ; comptine qu’il avait d’ailleurs lui-même régulièrement fredonnée pour bercer sa fille. Il n’avait pas véritablement saisi le sens des paroles françaises – Aliaume avait bien trop mâché ses mots pour cela – mais dans ses souvenirs, la version portugaise évoquait des chaudrons et des dragons.

Voir le directeur de Beauxbâtons pousser la chansonnette avait quelque peu douché son enthousiasme. Non seulement il ne l’écoutait pas vraiment, mais il ne cherchait même pas de faire semblant... "Bonjour la discrétion..." soupira-t-il en lançant un nouveau regard déconcerté à Santana. Elle au moins, elle l’écoutait ! Le trentenaire repensa aux cours d’Éducation Historique et Citoyenne, que son amie dispensait désormais. À coup sûr, le professeur Delalande n’avait jamais suivi cette matière, à moins que son âge avancé ne lui ait déjà tout fait oublier.

N’osant pas le déranger, le lusitanien attendit en silence que le vieil homme ne daigne lever les yeux de sa lecture manifestement passionnante. Il n’était pas dupe et avait bien compris sa petite comédie, mais il lui en fallait plus pour se laisser abattre. Alors que le croassement rauque de son corbeau qui le tira de son épais grimoire, l’hôte de la tour de l’Horloge lui porta, sciemment ou non, le coup de grâce. « Leandro, Professor... Le-an-dro » corrigea-t-il en détachant chaque syllabe, sachant pourtant que cela ne servait probablement à rien. Et dire que Santana l’avait présenté il y a quelques minutes seulement.

"C’est Port au Plâtre qui se fout de la Medibruxaria..." se disait-il en fixant le corvidé que lui demandait de métamorphoser Aliaume. Le portugais déglutit, restant un moment interdit face à l’oiseau de malheur, qui n’avait tout bonnement pas l’air d’accord pour être transformé en un vulgaire secrétaire ou en toute autre pièce d’ameublement. "Vous êtes sûr ? Il n’a pas l’air consentant..." se retint-il néanmoins d’objecter. Son amie lui offrit une courte diversion en se levant pour prendre congé. Leandro leva les yeux vers elle, mimant un air de Matagot battu pour tenter de l’attendrir et la faire ainsi rester, mais cela semblait être peine perdue. Il acquiesça finalement de la tête à ses paroles, murmurant un « Obrigado » empli de sincérité.

Le trentenaire reporta son attention vers le directeur de l’académie avec un sourire aimable. Le message était passé et il tenterait cette fois-ci d’être plus concis dans ses explications, bien que ce soit complètement contre nature pour lui. « Mon parcours... Então, à la sortie de Beauxbâtons, je me destinais à devenir magizoologista. J’ai d’ailleurs commencé par intégrer o Serviço de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques au Ministério da Magia de la République portugaise, en tant que stagiaire. » Il marqua une pause, réalisant le manque de pertinence de cette introduction, d’autant plus que sa courte expérience au département des nuisibles n’était pas des plus passionnantes. Après tout, il ne postulait pas au poste de professeur de Créatures Magiques, bien que cette matière fût l’une de ses favorites lorsqu’il était lui-même élève à Beauxbâtons. C’était bien en Métamorphose qu’il excellait et avait obtenu ses meilleures notes tout au long de sa scolarité, sans doute bien aidé par son don rare de métamorphomage.

« Mas, j’ai rapidement rejoint o Centro ibérico de recherches magiques, au départamento des enchantements, puisqu’il n’y en a aucun dédié aux métamorphoses... » rectifia-t-il rapidement. « C’est d’ailleurs bien dommage, si vous voulez mon avis... Enfim, j’y travaille depuis 13 anos. Mes recherches portent essencialmente sur les contre-indications à métamorphoser les créatures magiques et comment les contourner... J’ai d’ailleurs publié plusieurs articles dans la revue Transfiguração Hoje... Vous en avez peut-être lu certains, não ? » Le lusitanien secoua légèrement la tête, se rendant compte qu’il était peut-être en train de divaguer, et préféra se taire.

En guise de conclusion, il adressa au vieil homme un large sourire, comme pour lui signifier qu’il s’en tiendrait à cette présentation succincte. Surtout, il ne voulait pas lui laisser l’occasion de recommencer son petit manège. Aussi, il reporta son attention sur l’oiseau noir, tout en resserrant ses doigts autour de sa baguette en poirier.

"À nous deux, Lewis !" pensa-t-il intérieurement, décrétant que ce prénom saugrenu correspondait bien plus au corbeau qu’à lui-même. « Domus Hora » lança-t-il finalement, sa baguette pointée vers le haut de l’étagère.

Il aurait pu simplement le rendre muet ou même le faire disparaître, pour démontrer une métamorphose de niveau plus élevé, mais le professeur Delalande avait demandé quelque chose d’utile. Leandro ne put donc pas s’en empêcher ; la lourde horloge comtoise, dont le pendule dysfonctionnait, avait fait son temps et méritait sans doute d’être remplacée.
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Lun 18 Déc 2023 - 23:13

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Son regard traînait toujours sur son traité de paix lorsque Lewis crut bon de le reprendre. Il préférait vraiment qu’on l’appelle… Leandro ? Qu’à cela ne tienne… même si Lewis lui collait beaucoup mieux à la peau du goût du vieux directeur. Sans même s’en rendre vraiment compte, Aliaume acquiesça en remuant les lèvres bien qu’aucune parole ne s’échappa de cette bouche habillement cachée sous un buisson de moustache. Le mouvement de Santana fut la seule chose qui détourna durablement son attention. Loin d’être surpris, Aliaume lui adressa un geste digne d’un gentleman du siècle passé : tête baissée, la main sur le bord d’un chapeau melon qu’il venait de retirer de sa tête.

« Santana. »

A ceci près qu’il n’y avait pas de chapeau melon sur sa tête. Pas même dans son imaginaire. L’agitation du bureau se calmant quelque peu après le départ de Santana (la cavalcade des encriers-cavaleurs s’étant terminé par la victoire du plus petit, un bel encrier en cristal incrusté d’une pierre bleue) Aliaume adressa un sourire encourageant à Leandro puis il reprit sa lecture là où il l’avait laissé. Le candidat Leandro parla de choses et d’autres, des choses certainement très intéressantes — Aliaume n’en doutait pas — peut-être même des choses très intimes, du genre qu’on confie à quelqu’un qu’on estime vraiment, mais de tout ça le vieux directeur de Beauxbâtons ne retint que 2 mots : Transfiguração Hoje. Le fidèle lecteur de revues qui dormait en lui se réveilla en sursaut en se cognant à la poutre un peu trop basse de cet esprit tortueux.

Aliaume abandonna aussitôt son pauvre traité de paix et pivota tout son corps vers Leandro, les coudes en appuis sur ses maigres cuisses, au moment où celui-ci réduisait Odin à l’état d’horloge décorative — mais une horloge dont les aiguilles ne tournaient curieusement pas. Une horloge qui ne donnait pas l’heure, en voilà un objet parfaitement inutile. Leandro avait réussi sa métamorphose, cela ne faisait aucun doute, mais pour une raison incompréhensible, les aiguilles ne tournaient pas. Pourtant, Aliaume ne sembla pas s’en émouvoir, il considéra même la métamorphose du candidat très réussie.

« Très joli choix, commenta-t-il avec un grand sourire. Vous êtes doué. »

Un compliment glissé au passage. Il lui semblait avoir vaguement souvenir que c’était quelque chose qu’il fallait faire de temps à autre dans un entretien ou bien était-ce l’inverse ? Il n’en était pas sûr. Mais son esprit était tourné vers quelque chose de plus important, quelque chose de primordiale même :

« Est-ce que vous pouvez m’obtenir une ristourne sur mon abonnement ? Transfiguração Hoje n’a cessé d’augmenter ses tarifs depuis leur dossier primé sur les multitransformations de la matière. Je trouve ça un peu cher pour ma petite bourse. »

Il adressa un clin d’œil au candidat qui n’en était plus vraiment un. Quand Leandro était devenu un partner in crime ? Personne ne le savait. Pas même les deux intéressés.

« Ô et oui comptez sur moi, je demanderai à mon majordome de vous fournir un contrat en bonne et due forme, murmura-t-il en se penchant comme si leur conversation était soudainement écoutée par quelques oreilles indiscrètes. Emilien est doué pour la paperasse. Il aurait fait un excellent notaire si je ne l’avais pas emmené dans mes valises. Ne vous inquiétez pas, une signature et cette histoire de poste sera réglée. »

Il se releva légèrement, les coudes toujours appuyés sur ses cuisses, puis il s’éclaircit la voix.

« Vous pensez pouvoir faire quelque chose pour mon abonnement ? »
Le Narrateur
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Ami des Lettres

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Lun 18 Déc 2023 - 23:16

D’un coup, d’un seul, le vieil homme sembla plus attentif que jamais. À aucun moment il n’avait paru aussi concerné par ce que Leandro racontait jusque-là. Celui-ci ne put s’empêcher de remarquer que cet intérêt soudain coïncidait avec la fin de son curriculum pourtant succinct. À moins que ce ne soit sa démonstration ?

En effet, sous l’effet de son sortilège, le rapace avait pris la forme d’une large horloge murale, en bois d’ébène vernis. Le portugais avait poussé la ressemblance en surmontant le cadran d’un corbeau croassant, ailes déployées et bec grand ouvert. « Voilà qui devrait mieux f... » commenta-t-il, observant le résultat avec satisfaction. Très vite pourtant, ses sourcils se froncèrent ; malgré le mouvement de balancier du pendule, les aiguilles restaient désespérément fixes, indiquant midi pile – ou minuit pile, c’est selon. Sa métamorphose se trouvait donc tout aussi inutile que l’imposante horloge de parquet, encombrant ainsi encore un peu plus le bureau du doyen de l’académie. Perplexe, le trentenaire baissa les yeux vers sa baguette magique avec suspicion.

Malgré cet échec notable, Aliaume Delalande crût bon de le féliciter. Décidément, ce dernier n’avait plus toute sa tête, mais l’avait-il seulement déjà eue ? Surpris, et surtout incapable de comprendre comment il avait pu manquer une simple métamorphose trans-substantielle, Leandro se demandait si le facétieux vieillard n’était pas en train de se payer son chaudron. "Doué..." se questionna-t-il en fixant à nouveau les aiguilles récalcitrantes, espérant s’en sortir un peu mieux à la prochaine mise en pratique.

Seulement, le directeur de Beauxbâtons en avait terminé avec la pratique et préféra exprimer une demande, que l’on pouvait qualifier de surprenante, mais qui avait toutefois le don d’expliquer le soudain intérêt manifesté pour sa candidature. Il se résumait en deux mots : Transfiguraçāo Hoje. Voici donc ce qui avait réellement retenu l’attention du vieil homme. "Il parle portugais ?" s’étonna le lusitanien avant même de relever les considérations salariales de celui qui était pourtant fort probablement le mieux payé de l’académie.

« La revue a connu plusieurs augmentations, é verdade... » abonda-t-il dans le sens de son interlocuteur, avant de répéter pensif. « A redução ? » Voilà quelques temps qu’il n’avait pas publié dans la revue de métamorphose, mais celle-ci faisait partie du même groupe d’édition que le journal quotidien O Mago Brincalhao où travaillait sa mère en tant que correspondante locale en Algarve. Elle pourrait sans aucun doute lui obtenir la fameuse ristourne. Comme quoi, on pouvait toujours avoir besoin de ses parents, même en ayant passé la trentaine et en étant soi-même père de famille.

Aliaume ne lui laissa pas le temps de répondre qu’il lui promettait déjà un contrat, le prenant quelque peu au dépourvu. "Só isso ?" C’était déjà terminé ? Sans remettre en doute les méthodes de recrutement, l’ancien élève de Dagda ne pouvait cacher sa surprise, l’entretien ne ressemblant en rien à ce qu’il s’était imaginé. Il prit quelques instants pour se projeter, pour la première fois véritablement, sur le poste de professeur dans l’académie où il avait étudié.

« Je devrais pouvoir faire quelque chose, sim... » assura-t-il finalement en hochant la tête, devant l’insistance du doyen. « Je vous remercie, Professor... Vous ne le regretterez pas ! » ajouta-t-il en guise de conclusion, avant que le directeur ne change d’avis. Ses lèvres s’étiraient en un large sourire et il lui tardait désormais d’annoncer la bonne nouvelle à son amie. Ne lui restait plus qu’à prendre congé de son hôte. « Faut-il que je prenne contact avec Senhor Emilien ? » demanda-t-il pour ne pas paraître trop pressé de quitter cette étrange tour de l’Horloge.
Aliaume Delalande
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

Aliaume Delalande
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Lun 18 Déc 2023 - 23:20

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Le même sourire s’étira sur les lèvres d’Aliaume lorsque Lewis-qui-voulait-qu’on-l’appelle-Leandro lui assura pouvoir régler ses problèmes d’abonnement à l’excellente revue lusitanienne. Parfait ! Tout s’emboitait à merveille ! Le vieil homme se fendit même d’un « À la bonne heure ! » en écartant les bras de satisfaction — ce qui crispa le peu de muscles qui lui restaient le long du dos. Le vieil homme poussa un soupir en réponse à la gêne occasionnée. Il abaissa ses bras par la même occasion.

« Ne vous inquiétez pas pour votre contrat, déclara Aliaume. L’académie regorge de fées postales qui seront ravies de vous le glisser sous le nez à la première heure, demain. Vous n’aurez qu’à le signer et il atterrira aussi sec dans l’un de mes tiroirs. »

Le vieil homme fit un geste vers un secrétaire qui semblait au bord de l’asphyxie : le meuble toussait feuille de papier sur feuille de papier par des tiroirs qui s’ouvraient et se refermaient aléatoirement. Un regard un peu plus appuyé du directeur l’obligea à retenir sa respiration : les tiroirs arrêtèrent aussitôt de s’agiter bien que secoués par de légers tremblements nerveux.

« La magie est prodigieuse n’est-il pas ? »

La question purement rhétorique relevait davantage du commentaire alors que le vieil homme remettait le nez dans ses lectures.

« Je vous laisse néanmoins vous organiser avec lui pour votre visite de l’académie. Des choses ont certainement changé depuis votre scolarité et Emilien est un guide adorable ! Pensez à jeter un liard dans la fontaine de Nicolas et Pernelle Flamel à l’entrée des jardins. On dit que ça porte chance aux nouveaux professeurs. »

L’affaire était entendue. L’académie avait un nouveau professeur de Métamorphose qui savait obtenir de jolies pendules à partir d’un corbeau désagréable !

« Au plaisir, professeur, conclut le vieil homme en plongeant peu à peu tout son esprit dans le grimoire renversé devant lui. Si vous voulez bien refermer la porte derrière vous, vous seriez bien aimable. »

Quand le nouveau professeur referma la porte derrière lui, n’y tenant plus — il oscillait dangereusement sur ses quatre pieds — le secrétaire relâcha enfin sa respiration, expirant une centaine de feuilles en papier dans tout le bureau. Y compris sur le crâne d’Aliaume.


[FIN]
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