Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
L’incompréhension le disputait à la fébrilité dans le réfectoire. A toutes les tables, y compris celle réservée aux professeurs et membres du personnel, on se demandait où pouvait bien être le professeur Delalande et qui prononcerait le discours de rentrée si le vieil homme ne pointait pas le bout de sa barbe. Les plus observateurs — ce qui n’étaient pas difficile en l’état — avaient également remarqué pas moins de six nouvelles têtes à la table principale. Les plus à plaindre étaient les première année qui avaient été accueillis non pas par leur directeur mais par le majordome, monsieur Gautier, qui s’était montré quelque peu expéditif à ce qui se racontait.
Une bien étrange rentrée, qui aurait pu être encore plus étrange si au premier mouvement d’impatience de la professeure Yapara, les portes principales du réfectoire ne s’étaient pas ouvertes sur le professeur Delalande et… deux corbeaux. Les murmures reprirent de plus belle. Quiconque avait passé ne serait-ce qu’une année à Beauxbâtons savait que l’homme était pratiquement toujours accompagné d’un corbeau qui répondait au nom d’Odin. Alors le voir se faufiler parmi les tables, appuyé sur son bâton de marche épais et noueux comme une branche, accompagné non pas d’un mais de deux corbeaux suscitait forcément des interrogations.
L’homme de quatre-vingt-dix-neuf ans paraissait plus maigre et plus vieux qu’il ne l’était au mois de juin dernier, mais peut-être n’était-ce qu’une impression laissée par les deux mois de vacances loin de ces murs. Son sourire était toujours présent, lui. Son aura réconfortante également. Peu importe le visage sur lequel ses yeux verts se posaient, un sourire s’animait forcément. Le vieil homme avait l’étrange pouvoir d’apaiser les consciences, c’était ainsi. Au terme de sa longue déambulation, il prit position derrière le pupitre qui ne put s’empêcher de lui adresser une révérence — comme tous les objets qui se retrouvaient dans son giron, celui-ci s’anima en sa présence. Les corbeaux se posèrent dessus.
Le professeur Delalande porta sa baguette magique à sa gorge avant de déplier le pense-bête que le majordome avait laissé sur le pupitre à son intention.
« Soyez toutes et tous les bienvenus dans ce qui sera, à jamais, votre maison ! annonça-t-il. Avant de commencer, je vous demande d’accueillir comme il se doit nos nouveaux professeurs : madame Landi, votre nouvelle professeure d’Artisanat Magique et maîtresse de la confrérie de Lug ; madame Rosecieux, votre nouvelle professeure de Métamorphose ; madame Vaugrenard, votre nouveau professeure de Conjuration du Mal qui a souhaité exercer au niveau des fondations ; monsieur Figueiredo, votre nouveau professeur d’Éducation Historique et Citoyenne ; monsieur Kieffer, votre nouveau professeur de Créatures Magiques et maître de la confrérie de Dagda ; et enfin monsieur Phillierre, votre nouveau professeur d’Étude du Secret Magique. »
Sur ces mots, le vieil homme se tourna pour décocher un clin d’œil à l’attention de toutes ses nouvelles recrues au moment où le réfectoire vibrait d’applaudissements. Heureusement qu’il n’avait pas eu à se souvenir de tous ces noms…
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
« Je laisserai volontiers vos maître et maîtresses de confréries vous distribuer vos emplois du temps, en temps et en heure… Madame Cornedebrume se chargera des enregistrements pour le championnat de Quattequin — à ce nouveau mot, de nouveaux murmures se répandirent aux quatre coins du réfectoire dans l’indifférence la plus totale du vieil homme — une toute nouvelle variante du Quidditch, dont elle est la créatrice… Vos délégués vous interdiront, à raison, l’accès à la forêt qui encercle l’académie… encore qu’elle vous l’interdira d’elle-même… et… »
Le vieil homme sembla se perdre dans ses pensées, bien que son regard se promena de visage en visage. On entendit les chaises craquer, les froissements du satin… bref, tout le monde attendait de savoir ce qui mettait le directeur à l’épreuve même si un consensus commençait à se dessiner dans l’imaginaire collectif — consensus qui s’accordait à dire que la mémoire du vieil homme lui jouait certainement des tours. Ce qui n’aurait pu être plus éloigné de la vérité qu’en cet instant.
Aliaume aurait bien voulu oublier, mais il ne le pouvait pas. Personne ne le devait…
« … hum… ce que je m’apprête à vous dire n’est pas simple mais je préfère que vous l’appreniez de ma bouche au lieu de le découvrir dans les journaux qui viennent, dit-il, le visage grave. Nous avons eu l’honneur et le privilège, l’année dernière, d’accueillir à l’intérieur de nos murs un jeune homme pétri de talents et de qualités. Un jeune sorcier valeureux couronné champion des Trois Sorciers malgré une opposition exceptionnelle… »
Son regard s’arrêta sur Lorie Fleury à qui il adressa un hochement de tête.
« Ce garçon s’appelait Hinrich Ahidjo et il était notre ami… Il est malheureusement décédé la nuit dernière dans des circonstances pour le moins troubles. »
Comme on pouvait raisonnablement s’y attendre, des discussions animées éclatèrent un peu partout.
« SIIII-LEEEENCE ! »
On regardait à présent le vieil homme avec des yeux ronds : craintifs, estomaqués, inquiets. De mémoire, c’était bien la première fois qu’on l’entendait faire preuve d’autorité.
« J’ai dit… ce garçon était notre ami, reprit-il calmement. Durmstrang est une école-soeur. Alors je vous demande de respecter un moment de recueillement en sa mémoire. »
Sur ces bonnes paroles, le vieil homme ferma les yeux et baissa la tête. Les corbeaux sautillaient sur le pupitre devant lui, leurs yeux noirs semblant couvrir chaque recoin de la salle.
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
« Ayant terminé juste derrière notre regretté camarade au classement du dernier tournoi des Trois Sorciers, mademoiselle Fleury a malgré tout accepté de représenter les écoles européennes lors du tournoi international qui s’enracinera, cette année, de l’autre côté de l’Atlantique, chez nos homologues de Castelobruxo. Bonne chance, mademoiselle. »
Il posa sa baguette magique sur le pupitre et y appuya son bâton de marche pour applaudir l’adolescente des deux mains. D’autres applaudissements se répandirent dans tout le réfectoire, certains élèves reculèrent même leurs chaises et se mirent debout pour témoigner leur respect à leur championne. Aliaume ne manqua pas une seule goutte du spectacle, un sourire traînant discrètement sous sa moustache.
En lisant les informations demain, certains s’imagineraient peut-être — Lorie en tête — qu’elle se mettait en danger en acceptant de participer à ce tournoi malgré les circonstances. Le vieil homme ne comptait rien faire pour dissiper cette impression, bien qu’elle fut tout à fait fausse. Des Mages Noirs venaient de sortir de l’ombre. Il était nécessaire que Lorie grandisse au contact d’autres magies et de nouveaux défis. Le monde voulu par ces hommes et ces femmes corrompus par la magie noire ne lui promettait aucun répit. Telle était la voie qu’elle avait décidé de suivre en rejoignant les rangs des Mages Blancs… quand bien même, le vieil homme la protégeait au-delà de tout ce qu’elle pouvait soupçonner.
« A celles et ceux qui ne suivraient pas les futurs cours du professeur Figueiredo, ou qui ne les écouteraient pas assez attentivement, je rappelle que l’académie est une forteresse impénétrable et que rien ni personne ne peut vous y atteindre. Aussi sombres que puissent être certaines nouvelles venues du vaste monde, vous êtes ici en sécurité. »
En disant cela, il promena son regard dans la vaste salle, s’arrêtant sur quelques visages (dont celui de Drian).
« Vous êtes placés sous la garde des plus grandes sorcières et des plus grands sorciers de votre temps. Alors dîner l’esprit tranquille et n’espérez pas trop, cette année encore, que la tour de l’Horloge vous soit d’une quelconque aide si vous vous êtes en retard pour votre prochain cours. »
Il termina son discours sur un clin d’œil mutin et s’en alla rejoindre la table du personnel de l’académie tandis que le gastromage-en-chef entrait dans le réfectoire avec son armée de commis et de plats sous cloche en lévitation. Il était grand temps de se remplir la panse !
Jessica Landi
Professeure d’Artisanat Magique
Aujourd’hui était évidemment une exception, il s’agissait de la rentrée, elle se devait d’être présente au repas. Elle n’avait pas accompagné sa fille jusqu’à la gare ce matin, mais elle fut là pour préparer ses affaires hier et lui préparer son (petit)déjeuner. Elle lui avait glissé un « à ce soir » dans l’oreille avant de l’étreindre. Mère et fille faisaient leur rentrée, une pour sa première fois et l’autre pour sa deuxième. L’une comme l’autre étaient très élégantes. Jessica voulait faire bonne impression. Elle avait sorti pour l’occasion une robe sorcière aux nuances de doré, beige et vert qui faisaient ressortir ses yeux, son bronzage et ses cheveux.
Confortablement installée dans son siège, elle faisait face aux élèves dans le réfectoire, ses collègues à ses côtés. Elle les avait tous plus ou moins rencontrés ces derniers jours (elle avait par exemple passé un moment privilégié avec Renata Di Stefano, la professeure de gastromagie, qui lui laissait la main sur la Confrérie.) Elle n’avait certes pas connu de rentrée en tant que professeure mais de souvenir, il n’y avait jamais eu de retard lors de sa scolarité. Elle chuchota.
- C’est normal que nous n’ayons pas commencé ?
A peine avait-elle prononcé son dernier mot que le directeur fit une entrée remarquée, comme à l’accoutumée avait-elle envie de dire.
Lorsqu’il débuta son discours par l’énumération des nouveaux professeurs, elle songea que cela faisait beaucoup de changement pour cette seule année. Six nouveaux professeurs (encore qu’Aliaume enseignait l’Alchimie désormais) avec à la tête de deux Confréries des nouveaux également. Elle ne savait pas si les élèves en seraient perturbés, ne les connaissant pas. Elle sourit en direction des adolescents les plus proches et applaudit en chœur.
Servane De Beaumanoir
2ᵉ année, Ogme
Rentrée en première année.
La jeune bretonne s’installa à une table, avec une autre première année de sa confrérie, et une poignée d’autres élèves. À en juger par le brouhaha et la confusion générale, quelque chose clochait. Servane saisit une bribe de conversation d’élèves plus âgés à sa table, le directeur manquait à l’appel. Mais ce dernier ne tarda pas à se montrer, et Servane l’analysa de la tête au pied, c’était un vieil homme qui semblait extrêmement bienveillant. La sorcière ne put s’empêcher de penser au Père Noël en voyant le directeur, mais elle chassa rapidement cette image de sa tête lorsqu’il prit la parole pour faire un rapide discours de bienvenue et présenter les professeurs. Le discours fut acclamé par les applaudissements des élèves, auxquels Servane s’était jointe avec enthousiasme.
La salle prit au moins cinq bonnes minutes à redevenir silencieuse, le vieil homme poursuivi en parlant de logistique, mais il affichait soudain une mine plus sérieuse et inquiète. L’ambiance était tout d’un coup étrange et l’atmosphère pesante. Le directeur venait d’annoncer le décès la veille même d’Hinrich Ahidjo. Servane le connaissait de nom, c’était un des vainqueurs du célèbre tournoi des Trois Sorciers. La nouvelle créa un brouhaha infernal, que le directeur réussit à contenir avant de réclamer un temps de recueil. La fillette le respecta, pensa à la famille du sorcier, mais elle avait tiqué sur la fin de la phrase du vieil homme : « des circonstances pour le moins troubles ». Sa curiosité était piquée, et elle brûlait d’envie d’en savoir plus.
Le repas se poursuivit avec une autre annonce, une élève nommée Lorie avait accepté de représenter les écoles européennes pour le tournoi international. Les sorciers acclamèrent l’élève, Servane y comprit. Elle scrutait la fille en question, broche indiquait qu’elle était également dans la confrérie d’Ogme. La jeune bretonne se demandait comment cette fille se sentait actuellement. Avait-elle peur ? Avait-elle hâte ? En tout cas, elle semblait sûre d’elle et déterminée. Quelque chose chez elle retenait l’attention de Servane et l’intriguait, si bien qu’elle n’écouta que d’une oreille très distraite la suite du discours du directeur qui insistait sur la haute sécurité de l’académie.
Les plats finirent par arrivés dans la salle, la nourriture était délicieuse, et Servane ne laissa pas une miette. Elle passa le reste du repas à observer Lorie, étrangement la sorcière voulait en savoir plus sur elle. C’est exactement avec cette attitude qu’elle se voyait plus tard. Une chose était sûre, l’année s’annonçait très excitante pour la fillette.
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
1/3 Installée dans le réfectoire depuis une dizaine de minutes, comme tous les anciens de l’académie, Maëlle battait une frénétique cadence de son pied, sans se mêler aux discussions passionnées autour d’elle. La petite normande, désormais en deuxième année, attendait avec impatience la répartition de sa jeune cousine, d’un an sa cadette. À chaque nouvel élève qui passait la porte de la cour du Pommier, non loin de laquelle elle avait veillé à prendre place, elle levait les yeux avec fébrilité. Un large sourire illumina son visage lorsqu’enfin, Alba fit son apparition. La jeune Lefèbvre lui fit signe, lui désignant le siège sur sa droite, qu’elle avait réservé à son attention. « Bienvenue à Dagda ! » s’empressa-t-elle de l’accueillir en découvrant avec enthousiasme la petite broche bleue – la même que la sienne – épinglée sur l’uniforme de sa cousine andalouse. Au cours de l’été passé, Maëlle n’avait pas manqué de lui raconter toutes les péripéties de sa première année à Beauxbâtons : les cours de métamorphose et de créatures magiques, la tenue du Tournoi des Trois Sorciers, ou encore ses incroyables rencontres avec Asmodée, le mythique oiseau de Durmstrang, ou Monsieur Abéba, le généreux mais non moins mystérieux sorcier de la montagne solitaire. La normande lâcha un discret soupir d’aise, puis s’amusa du regard brillant d’Alba Morales Preboste, qui découvrait avec émerveillement le faste de l’académie. Soulagée, et dès lors plus loquace, la deuxième année commenta distraitement à son attention. « C’est bizarre que le directeur Delalande ne soit pas encore là... indiqua-t-elle en parcourant le réfectoire du regard. C’est aussi étrange que ça ne soit pas lui qui vous ait accueilli à la descente des carrosses, d’ailleurs... » ajouta-t-elle alors que les deux fillettes avaient fait le trajet ensemble. S’attardant finalement sur la table du personnel, Maëlle fronça les sourcils, ne retrouvant aucun de ses professeurs de sa confrérie, qu’elle avait pourtant prévu de présenter à sa cousine. Le dernier élève de première année avait quitté la cour du Pommier depuis une bonne dizaine de minutes déjà, mais il ne se passait toujours rien. C’était mieux organisé l’an dernier... constata-t-elle, gardant toutefois sa remarque pour elle-même. Même certains adultes commençaient à s’impatienter... quand soudain, les portes principales du réfectoire s’ouvrirent pour laisser place à Aliaume Delalande. La petite Lefèbvre esquissa une moue de surprise, glissant au passage un léger coup de coude à sa cousine, en découvrant les deux corbeaux qui l’accompagnaient. « Normalement, il n’y avait qu’Odin... » dit-elle dans un souffle. La fillette se souvenait encore du regard perçant de l’oiseau, lorsqu’elle s’était aventurée dans la tour de l’horloge l’année passée. Pourtant, elle était bien incapable de distinguer le fidèle compagnon du vieil homme parmi les deux rapaces présents. Comme toute l’assemblée réunie, les deux cousines écoutèrent avec attention le traditionnel discours de rentrée. De temps en temps, la deuxième année hochait machinalement la tête aux paroles du directeur. Elle essaya de retenir mentalement le nom de ses nouveaux professeurs et maître de confrérie. Madame Rosecieux, Monsieur Figueiredo, Monsieur Kieffer... répéta-t-elle plusieurs fois pour elle-même. Puis, suivant le mouvement initié par les délégués – à moins que ce ne soit le majordome ? Maëlle n’en était pas très sûre – les deux fillettes se joignirent aux applaudissements saluant les nombreuses nouvelles nominations au sein de l’académie. Outre les professeurs Rosecieux, Figuieiredo et Kieffer, le regard de la normande s’attarda un peu plus longuement sur les enseignants des trois nouvelles matières qu’elle étudierait à partir de cette année. |
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Pensée était installée à la table et elle était pour le moins, anxieuse. Elina cachait mieux son inquiétude entre deux petits coups d’œil à la table des professeurs. Qui aurait cru que sa tante serait professeure à l’académie. Elle comprenait mieux pourquoi elle était aussi pédagogue et qu’elle lui avait permis de prendre un peu d’avance sur le programme. Toujours un peu surprise de n’avoir pas été mise au courant, la quatrième année jouait avec sa serviette de table, la faisant glisser sur la nappe.
Pensée, elle, fixait l’entrée du réfectoire. C’était bien trop étrange que sa sœur ait dû prendre un carrosse à part, protégé par un Auror du ministère. Cela n’augurait rien de bon. C’était le sentiment qu’elle en avait. Quand elle vit enfin sa grande sœur passer par le seuil de la porte, elle remarqua sa couleur de cheveux qui était de retour au blond. Elle eut un petit hoquet de surprise avant de la suivre du regard. Mais elle s’arrêta à une table un peu plus loin, se pencha vers Emma et lui dit quelque chose au creux de l’oreille. Emma se tourna avec des yeux ronds. Elle lui posa une question qu’elle était incapable d’entendre et Lorie sembla lui répondre. L’expression de sa sœur était un mélange qu’elle n’arrivait pas à interpréter. Elle semblait calme et pourtant, a son haussement d’épaule, ses expressions sur son visage… C’était étrange. Emma lui pris le bras comme pour la réconforter et mettant sa main devant la bouche. Pensée fronça les sourcils. Lorie lui indiqua quelque chose d’autre et Emma se contenta de hocher la tête. Lorie se pencha une nouvelle fois et après avoir murmuré un dernier truc à son amie, se rapprocha de la table où Pensée, Elina, Teilo et bien d’autres étaient installés.
Dans un mouvement lent, Lorie prit place à l’une des chaises. Silencieuse et le visage fermé, elle réfléchissait à son petit passage par le ministère. Dernière, installée, son regard se posa sur chaque camarade avec qui elle partagerait son repas du soir. Puis, le directeur fit son entrée. Le menton posé sur le dos de ses mains, elle ne tourna pas le regard une seule seconde, préférant fixer le vase. Ce n’est que lorsqu’il prit la parole, qu’elle daigna détourner les yeux vers lui. Elle vit alors les deux corbeaux, mais son visage resta neutre malgré l’incompréhension. Pensée offrit un sourire à Teilo qui venait de faire une blague.
Pensée et Elina applaudissaient, mais Lorie mit un peu de temps à suivre le mouvement pour accueillir sa tante. Elle l’observa et la salua de la tête quand elle croisa son regard. Elina et Pensée, une nouvelle fois, hochèrent la tête en silence à la remarque de Teilo. Évidemment que ça allait être génial et si elles firent non de la tête. Lorie se contenta de briser son silence.
« Oui » murmura-t-elle à l’attention de Teilo, elle fut au courant dès qu'elle eut perçu le mensonge de sa tante.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie aurait bien aimé se lever et quitter le réfectoire. Elle avait réfléchi à la nouvelle toute l’après-midi. Ses yeux se posèrent sur le reste de la table, sur chacun de ses camarades et elle remarqua bien évidemment Teilo, Pensée qui lui avait mis la main sur le bras pour le rassurer et les autres. La nouvelle était dure, mais elle se souvenait des paroles de son directeur. Il sera vengé, avait-elle songé. La seule réaction de la blonde avait été un petit hochement de tête complice à son directeur en réponse au sien. Puis, tout naturellement, elle avait fermé les yeux pour lui rendre hommage.
Le silence passé, elle garda les yeux fermés alors que ses mains étaient jointes comme une chrétienne un jour de messe. Elle aurait aimé avoir un peu de sauce désopilante pour prendre tout ça à la légère. Mais elle savait ce qu’il en retournait. Elle savait que cette mort, la mort de son ami comme le directeur l’avait indiqué, annonçait une année particulière. Lorie risquerait sa vie deux fois, en participant à ce tournoi que Suzanne aurait forcément trouvé stupide, et une deuxième fois, car elle se ferait cueillir par des mages noirs avec pour seul but d’attirer les gouverneurs dans leur piège.
Lorsqu’elle réouvrit les yeux, ils mirent un peu de temps à se réhabituer à la lumière. Son regard bleu se posa dans ceux de Teilo et bien évidemment de ses sœurs. Pour chaque personne, elle essaya par le regard de calmer les inquiétudes. Silencieuse, Lorie pouvait donner l’impression qu’elle était déjà informée de cette dépêche. Et c’était le cas… Les doigts de ses mains entremêlés, elle apparaissait toutefois calme, en plein contrôle d’elle-même. Elle avait eu le temps de poser ses émotions, de les dompter et les calmer depuis sa visite dans le bureau de la ministre. Ses deux sœurs fixaient leur ainé avec un mélange d’inquiétude et de compassion. Une chose était certaine, Lorie devait apprendre à fermer sa gueule, comme elle le faisait actuellement. Elle échangea un dernier regard à Thaïs, s’il y en a un qui pouvait comprendre les raisons troubles, c’étaient lui, puis elle reposa son regard sur le vase remplit de fleurs sans décroiser ses mains alors que ses coudes étaient appuyés sur la table. Sous le regard encore plus choqué d’Emma qui avait été prévenu juste avant qu’elle ne s’installe.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Le regard fixant le vase, Lorie ne fit pas attention à sa professeure d’Éducation Historique et Citoyenne. Elle daigna sortir de ses réflexions lorsque Drian lui demanda si tout allait bien. Mais elle n’eut pas le temps de temps de répondre que le directeur reprit la parole. Elle lui adressa donc un sourire rassurant tandis que les doigts de sa main droite venaient trifouiller sa serviette. Son regard croisa naturellement celui de son maître, et elle inclina alors la tête pour remercier celui-ci qui se mit à applaudir. Elle observa ses camarades présents dans le réfectoire. Camarade qu’elle ne verrait pas beaucoup cette année. L’avantage du discours du directeur était qu’elle n’aurait pas à garder le secret. De toute façon, un secret comme celui-ci n’avait pas beaucoup de sens. Tout le monde se serait aperçu de son absence dès les trente septembres prochains. Personne n’aurait eu besoin d’un trunco Pesar pour s’en apercevoir.
Quand le discours du directeur eut pris fin, elle observa les plats apportés par les serveurs, puis elle se décontracta un peu. Elle posa une main sur celle de Drian. « Tout va bien, finit-elle enfin par répondre avec un mensonge convaincant. Je suis fière de représenter l’académie et l’Europe malgré les circonstances, enchaîna-t-elle, peu de sorciers ont la chance de découvrir une autre école, d’autres formes de magies. » Lorie piqua sa fourchette dans un morceau de viande et regarda les autres convives à table. Son regard se posa à tour de rôle sur Teilo, ses sœurs, Nath et les autres. Elle leur adressa un sourire bienveillant et rassurant. Ils n’étaient pas obligés d’entendre ce qu’il se passerait là-bas. Parce que oui, Lorie allait se jeter dans la gueule du loup. Si elle avait Amy avec elle, et probablement les autres sorciers de son ordre, il y avait tout de même un risque. Les mages noirs étaient imprévisibles, calculateur, froid et se fichaient bien du comment obtenir quelque chose. Mais elle avait cette confiance aveugle envers son directeur. « Je vous enverrai des lettres, ne vous inquiétez pas même de l’autre côté de l’océan, je ne vous oublierai pas. » Finit-elle par leur dire alors que Pensée piqua elle aussi dans un morceau de viande avec sa fourchette. Elle renifla un peu et finalement observa Lorie. « Ce n’est pas grave, c’est ce qu’il se serait passé si tu avais gagné, je suis heureuse pour toi modéra la benjamine, c’est juste que… » Avec une grande délicatesse, Lorie posa sa fourchette. Le métal ne tinta pas sur la porcelaine. « Tu sais ce qui est arrivé à Hinrich ? » Lorie observa Elina. Elle devait bien choisir ses mots. Un empoisonnement… Si cette nouvelle sortait dans les journaux et qu’elle venait à mentir, ce mensonge ne tiendrait pas longtemps.
« La ministre et la grande prêtresse ne se sont pas étendues sur les circonstances avec moi. » Répondit Lorie en mentant. Elle glissa alors son morceau de viande dans la bouche. Elina ne s’enquit pas de tout ça. Elle était certes inquiète pour sa sœur, mais elle savait qu’elle avait de la ressource. Comme elle savait qu’elle aurait des explications plus tard.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
La viande était somptueuse, d’un fondant sans pareil. Elle adressa un regard à Drian, mais resta silencieuse. En réalité la ministre ne voulait pas qu’elle y participe. Justement, à cause, du fait qu’elle ne pût pas lui apporter la protection requise en dehors du territoire français. Lorie trouvait cela d’une stupidité sans nom. Comment la ministre ne pouvait pas lui octroyer une sorte de statut diplomatique pour l’occasion justifiant une protection rapprochée ? Même la grande prêtresse savait ce qu’il était arrivé, elle avait simplement besoin de justifier cette protection. La blonde ne comprenait définitivement rien à la politique. « Oui… » Souffla Pensée tout de même sceptique. Elle savait ce qui s’était passé l’an dernier et maintenant ça ! C’était trop pour elle, elle posa sa fourchette et se servit un verre d’eau.
Thaïs enchaîna, mais Lorie resta silencieuse. Un simple hochement de tête en guise de réponse. Elle n’allait tout de même pas s’étendre sur le sujet. Mais, non, ce n’était pas une option « sûre » à vrai dire, elle n’avait rien de sûre. Puis elle afficha un sourire à Teilo. « Oui, on a encore du temps avant mon départ. » Son sourire rayonnant avait le mérite d’avoir quelque chose de réconfortant.
Lorie piqua une nouvelle fois dans un morceau de viande. Sa couleur légèrement rosée était des plus salivantes, mais elle détourna son attention sur Drian. « Tu as passé de bonnes vacances mon amour ? » Dit-elle sûr un ton plus léger. Elle capta un regard empli de jalousie à la table d’à côté, mais n’y fit pas attention. Elle n’avait pas eu le temps de voir Drian, et elle n’aurait pas l’occasion de la voir longtemps cette année. Sa relation était étrange, au point de se questionner, mais cela n’empêchait pas Lorie de faire son possible pour qu’elle avance. Ou bien y mettre un terme, finalement cela dépendait du garçon.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
2/3
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Je regarde autour de moi dans le réfectoire avant de repérer les Fleury. Je n'ai pas vu Lorie de tout l'été. Si au début j'avais pris son manque de temps pour moi comme une atteinte personnelle, les enseignements de Subtil s'étaient avérés si intenses que ne pas la voir sans avoir à me justifier était finalement une aubaine. Comment lui aurais-je sinon expliqué les cernes noirs constantes qui creusaient mes yeux, mes sautes d'humeur et le regard trouble de celui dont l'âme est écartelée entre deux opposés ? Car si le Mage noir m'enseignait bien les malédictions, il m'intimait également à garder une maîtrise sans faille des charmes "pour ne laisser place à aucun soupçon". Mais plus je m’enfonçais vers cette magie noire et plus la magie blanche me demandait des efforts. Je devais tantôt puiser dans mes plus sombres émotions, tantôt dans mes plus chaleureuses. Une vraie torture. Il m'est souvent arrivé de ne plus savoir qui j'étais.
J'ai redouté le retour à Beauxbâtons pour toute ses raisons là et si les cernes sous mes yeux se sont atténuées, je sais qu'à chaque fois que je retrouverai Subtil, il me faudrait un temps pour retrouver un équilibre. Comme tout ça paraissait si compliqué d'un seul coup, entouré des professeurs et de camarades qui me connaissaient plus ou moins. Je n'ai pas encore trouvé les parades que je mettrai en place avec Lorie mais il faudra bien que je me pose sérieusement la question. En parlant de Lorie, je ne vois pas la jeune fille avec ses sœurs. Est-ce qu'il y a un lien avec le directeur absent lors de l'arrivée des carrosses ? Lui non plus n'est pas encore là d'ailleurs.
Je m'installe tout de même dans la plus grande discrétion, laissant une place entre Pensée et moi, presque certain que Lorie s'y installera. Et je reste silencieux, observant les personnes présentes et les arrivées - des deux gamins préférés des Fleury dont je soupçonne l'un d'être amoureux de la plus jeune, du délégué de Lug -, les gestes, écoutant les paroles tout en ne dégageant rien. L'activité fourmille autour de moi sans que personne ne fasse attention à moi. Cet art de la discrétion est décidément prodigieux. La déléguée arrivent finalement. Je note ses messes basse avec son amie, lui trouve un air préoccupé. Elle pose son regard sur moi sans vraiment s'attarder. Les uns et les autres se mettent à discuter. Tiens, je n'avais jusqu'alors pas remarqué que Lorie et Andersen partageaient le même tatouage sur le front. Ce n'est très certainement pas une coïncidence. Je n'ai pas le temps de me questionner davantage que Aliaume Delalande fait son entrée. Je me tends un peu à son passage. L'aura qu'il dégage me tord les boyaux. Et si il pouvait lire en moi ?
De tout évidence, ce n'est pas le cas et il rejoint son pupitre pour nous faire ses premières annonces classiques, quoique complètement décousues cette année, jusqu'à arriver à un élément des plus intéressants. Hinrich est mort. Je fronce les sourcils, pas le moins du monde affecté par cette mort qui en fait pleurer certain à ma table et même, je crois bien, à celle des professeurs - ce que je trouve au demeurant pathétique - mais plus préoccupé par les causes. Serait-ce un coup de mes maîtres ? Subtil ne m'en aurait rien dit dans tous les cas, mais je peine à comprendre leur raison si c'est bien eux derrière tout ça. Machinalement, mes yeux se posent sur Lorie. Si le champion est mort, en toute logique, c'est au second de prendre sa place. Son absence d'expression me laisse penser qu'elle était déjà au courant et, pourquoi donc si ce n'est pour lui annoncer sa participation au tournoi international ? Deux mois auparavant, cela m'aurait rendu fou, aujourd'hui, cela me laisse de marbre. Mon cerveau est juste concentré à s'amuser à tirer les fils pour tenter de dénouer les intrigues à l’œuvre. Mais un nœud subsiste. Pourquoi les Mages noires voudraient Lorie ? Ou alors ce ne sont pas eux derrière cette mort et un fil me manque. Peut-être que Hinrich à tout simplement chercher les mauvaises personnes. Allez savoir.
Lorsque le moment de silence imposé s'achève, je sors enfin de ma position d'observateur discret et brise mon immobilisme en me penchant vers l'oreille de Lorie.
- Tout va bien princesse ? Je demande doucement avec de la tendresse dans la voix.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
3/3
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Le directeur reprend la parole pour confirmer sans surprise mon hypothèse et pour toute réponse de Lorie, j'obtiens un sourire. Cela me convient parfaitement, je ne cherchais pas à avoir réellement plus. Ces états d'âme ne m'intéressent que pour mieux la manipuler et aujourd'hui, je n'ai pas grand chose à faire, la situation doit certainement la perturber même si elle ne le montre pas. Un champion mort dans des "circonstances troublantes", de nouvelles épreuves à Castelobruxo et l'éloignement de ses proches pendant un an, tout ça doit forcément l'affecter. Ressent-elle d'ailleurs le danger au creux de son ventre ? L'angoisse l'empêchera-t-elle de dormir cette nuit ? Je l'espère. Je pourrais alors la bercer entre mes bras malveillants et lui murmurer des illusions. Pour ma part, comme pour cet été, son absence sera une aubaine pour me concentrer sur autre chose que peaufiner ma vengeance.
Le vieil homme reprend son discours et confirme en essayant de rassurer ses élèves que la mort de Himrich n'a rien d'accidentelle. Rien ni personne ne peut nous atteindre dans Beauxbâtons ? Comme il se trompe... Une féroce satisfaction s'empare de moi jusqu'à ce que le regard du directeur se pose sur moi et qu'elle fond comme neige au soleil. Si je hurle à tout mon corps de rester totalement détendu, je ne peux empêcher mon cœur d'accélérer la cadence. Un hochement de tête de ma part et les yeux de l'homme sont déjà partis vers une autre jeune tête. Cela m'apprendra à baisser ma concentration.
La main de Lorie me surprend, mais la surprise passée, je retourne la mienne pour croiser mes doigts aux siens tandis qu'elle me répond finalement. Je perçois tout de suite son mensonge mais je ne le relève pas. Je suis l'échange silencieusement, tout en commençant à manger. Je n'ai que faire des craintes de la petite sœur mais le dernier mensonge de la déléguée en réponse à sa question m'intéresse, lui. Si elle tait en conscience les circonstances de la mort de l'élève de Durmstrang, que la Ministre et la grande prêtresse lui ont confié, c'est qu'elles ne sont pas jolis. Je me demande bien si ce qu'elle cache rejoint mes suppositions. Ont-ils des preuves que les Mages noirs ont agi ? Tout de même, ce serait beaucoup trop grossier. Ca n'a vraiment pas de sens, je vois mal Subtil être si peu... subtil. J'imagine que je finirai par comprendre un jour. Enfin, Ekaterina s'est envolée vers son pays et je n'ai toujours pas compris sa réelle mission.
- Si elles ne t'ont rien dit c'est que cela ne changeait rien pour toi, j'imagine, dis-je tranquillement en tournant mon regard vers Lorie. Et de toute façon, s'ils ont des doutes sur la sécurité de ta sœur, je continue en basculant vers Pensée, ils mettront tout en place pour la protéger.
Tout du moins ils essaieront. Qui sait d'où le danger viendra et sous quelle forme ? Si finalement ma cible et celle de mes aînés se confond pour une raison qui m'échappe encore, je ne pourrai jamais réellement obtenir réparation par moi-même. Ce fait me laisse amer et une petite part de moi espère que Lorie reviendra saine et sauve.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
4/3
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Mes paroles entrainent un enchainement de mièvreries que j'aurai préféré éviter. Ca dégouline de bons sentiments, surtout chez les Lug. Je préférai encore être frappé d'esgourdite que de continuer à écouter ça. Malheureusement, je dois rester attentif à la conversation pour pouvoir y participer. Cela ne m'empêche pas d'être surpris par le surnom que me donne Lorie lorsqu'elle s'adresse à nouveau à moi. Mon amour. C'est bien la première fois qu'elle m'appelle ainsi et je n'entends pas le mensonge aussi clairement que les autres qu'elle n'a cessé de prononcé jusque là. Mais ça ne peut pas être vrai, non plus. Elle reste encore si distante avec moi.
- Instructives mais épuisantes, je me suis beaucoup entrainé pour cette année. Elle sera difficile avec les examens, nous aurons tous les deux nos épreuves respectives, je dis en entremêlant des vérités pour former un mensonge, ou plutôt un non-dit, que j'imagine indétectable. Et toi, si je me souviens bien de tes lettres, tu es allée chez les Daroux ? Ils sont tous comme lui ? Je dis avec un sourire amusé en pointant du menton le deuxième année de Lug.
Evidemment, je me fiche bien de la réponse à ma question mais je fais semblant d'y donner beaucoup d'intérêt. Donner l'impression à chaque personne à qui je parle qu'elle est spéciale et que j'attache de l'importance aux détails de sa vie. Selon Subtil, c'est un atout de seduction indéniable, entre autre chose. Il mêle bien sûr ça à un charisme assez déroutant et une observation pointue que je ne maîtrise certainement pas encore. Peut-être un jour sans jamais réussir à l'égaler pour autant.
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
2/3 Le directeur Delalande reprit son discours après plusieurs minutes d’applaudissements, lorsque le réfectoire retrouva un semblant de calme. Il semblait pourtant avoir perdu le fil et passait du drac à l’éale sans véritable logique. À moins que ce ne soit simplement Maëlle qui ne la saisissait pas ? Elle écoutait pourtant, et s’étonna à la mention d’un nouveau championnat sportif au sein de l’académie. Quat-te-quin ? décortiqua-t-elle interloquée. La deuxième année regarda successivement les autres élèves autour de la table, avant d’adresser un haussement d’épaules d’incompréhension à sa cousine. Elle n’avait aucune idée d’à quoi pouvait bien ressembler ce Quattequin ; mais si c’était un dérivé du Quidditch, ça devait au moins se jouer sur des balais. À l’évocation de la forêt enchantée, la normande esquissa un sourire entendu teinté de mélancolie. Il suffisait de voler par-dessus à dos d’oiseau... rêvassa-t-elle en repensant à Asmodée, qui l’avait emmenée en escapade hors de l’enceinte de l’académie. Elle chassa pourtant rapidement cette pointe de nostalgie et redoubla d’attention devant l’air grave et solennel du directeur Delalande. À l’évidence, il s’apprêtait à faire une annonce importante. Yeux ronds, bouchée bée, Maëlle encaissa péniblement la funeste nouvelle. Son visage figé traduisait l’effarement et l’incompréhension, tant la mort du champion de Durmstrang, récent vainqueur du Tournoi des Trois Sorciers, était inattendue et difficile à accepter. Hinrich Ahidjo avait passé toute l’année dernière ici, avec eux, à Beauxbâtons. La petite Lefèbvre n’avait pas spécialement eu de contacts avec lui – c’était un grand – mais elle l’avait tout de même croisé quelques fois, comme lors de l’atelier d’Éducation Historique et Citoyenne de Madame Uharte. Il avait la vie devant lui, comme le disaient parfois les adultes dans ce genre de situations tragiques. Pour la première fois, la petite Dagda prenait conscience du sens derrière cette phrase toute faite. « SIIII-LEEEENCE ! » tonna le directeur d’une puissance voix, faisant preuve d’une autorité à laquelle il n’avait jamais habitué les élèves de l’académie. Tous reportèrent presqu’instantanément leur attention sur le vieux sage, écoutant respectueusement son hommage au dernier champion du Tournoi des Trois Sorciers. Une fois n’était pas coutume, on aurait pu entendre une parisette voler dans le réfectoire de l’académie. Même les protagonistes de la grande fresque au plafond semblaient s’être arrêtés dans leur épique représentation. Avec émotion, Maëlle baissa la tête vers son assiette pour se recueillir, ses pensées tournées vers Hinrich Ahidjo et sa famille pour honorer sa mémoire. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
3/3 Après ce lourd moment de recueillement, la petite Dagda ne s’attendait pas à ce que le directeur de l’académie poursuive ses annonces. Et pourtant... Aliaume Delalande poursuivit son discours et expliqua qu’en conséquence de ce tragique décès, Lorie Fleury était appelée à remplacer au pied levé le dernier vainqueur du Tournoi des Trois Sorciers. « C’est la championne de Beauxbâtons ! » glissa avec enthousiasme Maëlle à sa cousine – qui le savait pourtant déjà – tout en désignant du menton la cinquième année assise à quelques tables de la leur. La jeune Lefèbvre applaudit de bon cœur, rapidement suivie par Alba, et se leva de sa chaise pour encourager la nouvelle représentante des écoles de magie européennes pour le prestigieux tournoi international de Castelobruxo. Quelle drôle de sensation cela devait être, de se préparer pour une nouvelle année scolaire à l’académie et finalement se retrouver à s’envoler pour l’Amérique du Sud ! La normande eut une pensée pour la petite sœur de la championne, qui faisait partie de la même promotion et la même confrérie qu’elle. L’allocution de rentrée du directeur, déjà plusieurs fois entrecoupée, reprit une nouvelle fois. Maëlle ne comprit pas bien pourquoi le vieil homme évoqua les cours du professeur Figueiredo ; elle aurait pu pourtant, si elle s’était un temps soit peu intéressée au programme de l’année en Éducation Historique et Citoyenne. Aliaume Delalande se voulait sans doute rassurant, mais ses mots sonnaient quelque peu alarmistes. Néanmoins, la fillette lui faisait confiance, notamment après qui l’avait laissé utiliser sa pensine l’année passée. Sa curiosité avait malgré tout été piquée à vif, et nul doute qu’elle se plongerait dans l’édition du Cri de la Gargouille au petit-déjeuner dès le lendemain, pour espérer en savoir plus sur les sombres nouvelles qui menaçaient l’académie. Le discours se conclut avec un peu plus de légèreté et un avertissement sous forme de boutade quant aux capricieuses aiguilles de l’horloge au sommet de la tour. Puis, dans un ballet savamment orchestré, le gastromage-en-chef et ses commis firent léviter de grands plateaux sous cloche jusqu’à l’ensemble des tables du réfectoire. Ce n’est qu’à ce moment-là que la petite Lefèbvre réalisa qu’elle avait une véritable faim d’ogre. La journée avait été longue, surtout qu’elle n’avait rien avalé depuis le petit déjeuner. Un sourire réjoui se dessina sur son visage enfantin en anticipant les bons petits plats qui se dirigeaient jusqu’à eux. Après un moment d’hésitation, Maëlle se servit une part de tourte aux quatre baies et une généreuse assiette de blanquette de veaudelune. Avec d’y planter sa fourchette, elle observa du coin de l’œil la grande fresque au plafond, où l’épique bataille de Saucillon, lors de la révolte des Gobelins, avait repris. Ce qu’elle ne manqua pas de le montrer à sa cousine. Le dîner s’acheva dans la bonne humeur, la deuxième année répondant volontiers aux nombreuses questions d’Alba. |
Roseanne Leroy
2ᵉ année, Dagda
Franchissant les portes du réfectoire pour la toute première fois de sa vie, Roseanne resta bouche bée en voyant ce lieu magnifique. Arrêter en plein milieu de l’entrée, la jeune Dagda profiter pleinement de la vue qui s’offrait à elle. C’était un moment unique qu’elle compter bien graver dans son esprit. Cependant, la réalité rattrapa rapidement la première année qui rejoignit rapidement une table avec des places libres.
Installer avec d’autres première année, la petite sorcière offrit un sourire à ses camarades notamment à ses deux confrères de chez Dagda qu’elle allait forcément côtoyer très souvent. Une fois assise, le regard de la jeune sorcière passa de table en table à la recherche d’un visage en particulier, celui de la célèbre championne de l’Académie, et accessoirement sa cousine, Lorie Fleury. Elle savait à quoi elle ressemblait grâce à ce qu’elle avait pu voir dans les journaux l’année dernière grâce au tournoi des trois sorciers et elle avait hâte de pouvoir lui parler.
Ne trouvant pas ce qu’elle rechercher, la première année tourna son regard vers la table des professeurs se demandant qui elle allait avoir cette année. Le regard glissant, le long de la table, la jeune fille se figea soudain lorsqu’elle reconnut le visage de l’une des personnes assise. Sa tante, Claire Rocesieux était attablée avec les professeurs. Sourcil froncé, l’enchanteresse se demanda ce que sa tante pouvait bien faire là, aux dernières nouvelles, elle était censée être juge au ministère.
Soudainement, les portes du réfectoire s’ouvrirent sur un vieil homme accompagné de deux corbeaux interrompant le flux de pensée de la jeune fille. Les bribes de murmure que la première année arrivait à entendre lui firent comprendre que ce n’était autre que le professeur Delalande, le directeur de l’Académie. Roseanne ne lâcha pas l’homme du regard une seule fois durant tout le chemin qu’il parcourut jusqu’au pupitre ou il prit place. Malgré son allure plus qu’étrange, la jeune sorcière ne pouvais s’empêcher d’être impressionné par le vieil homme.
Lorsqu’il prit la parole, la première année était comme hypnotisée. Instinctivement, la jeune Dagda rapprocha sa chaise de la table et posa ses avant-bras de part et d’autre de son assiette le buste légèrement penché en avant. ‘Votre maison’ ces deux mots raisonnèrent dans l’esprit de la petite française. Elle avait désespérément besoin d’une maison, d’une vraie maison et elle espérait de tout son cœur que Beauxbâtons serait bel et bien cette maison.
L’enchanteresse sortie de ses pensées en entendant le nom de sa tante qui serait donc sa professeur de métamorphose. Voilà quelque chose qu’elle n’avait absolument pas prévu, avoir cours avec une tante qu’elle connaissait à peine voilà qui aller être perturbant. Prenant également note du fait que son professeur de créatures magiques serait aussi son maître de confrérie, la jeune Dagda joignit ses applaudissements à ceux de ses camarades pour accueillir tous les nouveaux venus.
Roseanne Leroy
2ᵉ année, Dagda
Les applaudissements durèrent plusieurs minutes, minutes pendant lesquelles Roseanne se perdit une nouvelle fois dans ses pensées. Le bruit des applaudissements était assourdissant pour la jeune fille qui était habituée au calme de la demeure familiale. C’était étrange d’être entouré d’autant de sorciers de son âge, enfin la plupart étaient un peu plus vieux, mais tout de même. Lorsque les applaudissements prirent fin, la première année eu l’impression de toujours les entendre comme un bruit de fond dans son esprit.
Essayant de se reconcentrer sur le discours du directeur, la jeune sorcière l’écouta parler des emplois du temps, du Quattequin ou encore de la forêt, mais bien vite, le professeur Delalande sembla lui aussi se perdre dans ses pensées. Un étrange silence était tombé sur le réfectoire alors que tout le monde attendait la suite du discours du directeur. Lorsqu’il reprit la parole, le visage grave, la jeune Dagda était suspendus à ses lèvres.
La jeune fille assimila doucement chacun des mots qui venait d’être prononcé avec le sérieux et la gravité qui était requise dans une telle situation. Elle n’avait pas connu le champion de Durmstrang, mais cela ne l’empêcher pas d’être profondément troublé par cette nouvelle. Surtout que le directeur avait parlé de ‘circonstance trouble’ ce qui n’était pas très rassurant. Qu’était-il donc arriver à Hinrich Ahidjo, champion des trois sorciers ?
Le haussement de voix du professeur Delalande fit sursauter la première année qui c’était une nouvelle fois perdu dans ses pensées. L’enchanteresse ne remarqua pas les regards estomaqués que les élèves plus âgés lançaient à leur directeur se contentant simplement d’attendre la suite dans le calme. Ce qui ne tarda pas à arriver, hochant la tête face à la demande du directeur la jeune sorcière baissa le regard jusqu’à tomber sur les deux corbeaux perchés sur le pupitre.
Roseanne avait la désagréable sensation que les deux oiseaux l’observaient. En réalité, ils devaient probablement observer toute la salle à moins que ce ne soit un simple tour que son esprit lui jouait. En-tout-cas, la jeune Dagda se retrouva bien incapables de détacher son regard des deux volatiles qu’elle observa, ses pensées diriger sur le champion disparu, jusqu’à ce que la voix du directeur ne vienne casser le silence qui c’était installer.
Roseanne Leroy
2ᵉ année, Dagda
Décrochant enfin son regard des deux corbeaux, Roseanne écouta la suite du discours avec attention d’autant plus que cela concerné sa cousine. Lorie allait donc quitter l’Académie direction l’Amérique du Sud pour le tournoi international. La première année ne savait que ressentir face à cette annonce. Elle était heureuse pour Lorie, effrayer également à l’idée qu’elle puisse se blesser durant le tournoi et enfin déçus du fait qu’elle n’aurait pas l’occasion de mieux connaître sa cousine. Avec un peu de chance, elle réussirait à la croiser avant qu’elle ne parte pour le Brésil.
Alors que le professeur Delalande se mettait à applaudir, la jeune Dagda se mit à faire de même puis suivant son regard, elle posa pour la première fois les yeux sur sa cousine. Quelle étrange sensation, Lorie était si près et pourtant si loin, elle ne connaissait même pas son existence. Entendant les premiers raclements de chaise, l’enchanteresse ne mit pas longtemps à imiter ses camarades et à se lever.
Reculant sa chaise, la jeune sorcière tourna son corps vers l’endroit ou se trouver sa cousine et fit une petite révérence. Un symbole de respect et de fierté, mais également sa façon de dire bonne chance à la championne de Beauxbâtons. Qui savait quelles épreuves elle devrait traverser lors de ce tournoi, un ‘bonne chance’ n’était pas grand-chose, mais c’était tout ce qu’elle était en mesure de proposer.
Lorsque les applaudissements commencèrent à s’atténuer, la première année s’assit de nouveau et tourna une nouvelle fois son regard vers le pupitre ou se tenait le directeur. Ce dernier était plein de parole réconfortante et la petite française buvait chacun de ses mots. L’Académie ne risquait absolument rien. Elle prit ce fait pour acquis et ne songea pas une seule seconde à le remettre en question tant il semblait évident.
La dernière phrase de ce long discours semblait sortir de nul par mais Roseanne n’y fit pas plus attention que ça notant juste de ne pas se fier à la tour de l’Horloge pour regarder l’heure. De toute façon, elle avait sa montre. Le professeur Delalande alla s'asseoir signifiant la fin du discours laissant à la jeune Dagda tout le loisir de se perdre dans ses pensées. Soudain, le réfectoire fut envahi par le personnel des cuisines et tout un tas de plats sous cloche qui lévitait dans les airs. La jeune sorcière sentit son estomac gargouiller et l’eau lui monter à la bouche, il était grand temps de manger.
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