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Le Narrateur
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Sam 23 Déc 2023 - 19:34

(PV) Parfum sépia Fd28b810

Solal n'allait pas souvent à Paris. Habitant proche du petit village sorcier de Bras-de-Mer, il n'était pas nécessaire de se déplacer si loin pour acheter ce dont les sorciers avaient usuellement besoin ; et lorsqu'il y allait, c'était plutôt pour se rendre gare d'Austerlitz, voire rue Claudel. La dernière fois qu'il avait fait le voyage, c'était en juillet avec son grand-père, pour visiter le Cirque Arcanus installé dans les jardins Archibald Bienbon ; situés au début de la rue, il était impossible de louper la foire lorsqu'on se rendait dans la rue commerçante. Ce mois-ci, le clan Arcanus avait même organisé leur habituelle fête foraine. La rue Claudel était donc agitée d'une effervescence particulière, que Solal et son père ne se contentèrent pourtant que de traverser en arrivant à Paris ce jour-là.    

Si Solal accompagnait son père aujourd'hui, ce n'était pas pour visiter une deuxième fois la foire. Non, il l'accompagnait tout simplement car Paul avait plusieurs affaires à régler dans diverses boutiques de la rue Claudel – telles que passer à Gripsou & Fils. Des affaires d'adultes, en somme, rien qui n'intéressait bien Solal. S'il avait demandé à venir avec lui, c'était seulement parce que parmi les différentes boutiques où il comptait passer, il y avait Magillard. Magillard, la plus grande librairie sorcière, ou l'endroit où travaillait Angèle, la plus jeune sœur de Paul. Cet endroit exerçait une certaine fascination sur Solal ; il y avait quelque chose d'assez merveilleux dans l'existence de tous ces livres, de tant de connaissances et d'univers différents, alignés sur tous ces rayons. Quelque chose de merveilleux et d'assez impressionnant en même temps. Et Solal, de par sa nature curieuse, avait trop peu l'occasion d'y aller pour refuser les rares opportunités qui se présentaient à lui.

Ainsi, après s'être rendus dans tous les magasins où Paul devait aller, Solal et son père franchirent finalement la porte de Magillard. Le jeune garçon ne fut pas déçu. Ses yeux gravitèrent autour de l'immense pièce, passant des best-sellers lévitant aux multiples rayons, pour s'arrêter sur l'atelier de restauration de livres anciens. Il fit quelques pas derrière son père, le suivant jusqu'au cœur du magasin, laissant traîner ses yeux sur chaque couverture de livre.

« Paul ! »

Une voix les interpella derrière eux. Le dénommé en question se retourna, et vit une silhouette féminine se rapprocher de lui, un grand sourire sur le visage.

« Ça alors, je ne savais pas que tu passais aujourd'hui ! Je suis si contente de te voir ! Elle donna une brève accolade à son frère. Avec Solal, en plus, fit-elle en exécutant une caresse affective sur les cheveux du garçon.
Salut Angèle, répondit ce dernier, un simple sourire sur les lèvres.
Comment allez-vous ? »

Paul rendit son accolade à sa sœur. Elle faisait sûrement partie des seules personnes auprès de qui il s'autorisait ce genre de démonstration d'affection – du moment qu'elles ne duraient pas trop longtemps. Mais Angèle était très attachée à son frère ; il était donc difficile de lui rester insensible.

« Très bien. Je ne travaille pas aujourd'hui. J'avais des choses à faire rue Claudel, et je me suis dit que je passerais te voir en même temps. »

Angèle semblait enchantée, et s'empressa de prendre des nouvelles de chacun. Oui, Solal allait bientôt commencer une nouvelle année à Beauxbâtons. Non, Camille et Guillaume n'étaient pas venus aujourd'hui. Oui, le travail se passait bien de son côté. Bref, la discussion continua sur cette lancée pendant plusieurs minutes, avant de prendre une tournure plus personnelle, sur des sujets qui concernaient plus particulièrement Paul et Angèle que Solal. Peu intéressé, il s'écarta donc de ces deux derniers pour mieux profiter de la librairie. Il flâna quelques minutes devant un rayon de livres historiques, avant de s'approcher de l'atelier de restauration des livres anciens. Là, il s'arrêta et contempla avec émerveillement les doigts agiles et délicats des elfes redonner vie à des ouvrages défraichis.
Aliaume Delalande
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

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Sam 23 Déc 2023 - 19:38

1


Dimanche 29 Août 2021.

Le parfum des livres neufs ne supplantait pas celui des grimoires anciens dans l’esprit du vieil homme. Il n’avait aucun problème avec les livres neufs, qui étaient tout à fait avenants au demeurant. Il les trouvait juste peu bavards et sans personnalité propre. En somme, ils n’étaient pas très enrichissants pour un esprit aussi fourmillant que le sien. Aussi n’était-il pas si étonnant de n’apercevoir l’homme à la barbe aussi longue que lui du côté de l’atelier de restauration des livres anciens plutôt que sous les somptueux diamants dédiés aux best-sellers.

Son visage dissimulé dans l’ombre d’un chapeau pointu aussi vert que la mousse qu’on trouve dans les sous-bois — Aliaume était intimement convaincu qu’il passait incognito en couvrant son crâne chauve d’un chapeau plus large que lui… — le directeur jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. A l’entrée, Emilien, son majordome, déployait des prouesses de patience pour expliquer au personnel de Magillard que le vieil homme qu’il servait marchait exclusivement pieds nus. Amusé par cette situation, Aliaume ne remarqua même pas la jeune présence non loin de lui en se penchant sur la table de travail d’un tout petit elfe aux oreilles aussi longues que ses membres.

« Bien le bonjour monsieur Couperet, dit-il en jetant un coup d’œil à l’attirail de ciseaux, marteaux, tenailles, baguettes, épingles, étalé sur la table du petit elfe. Comment se portent madame et vos mouflets ? Avez-vous eu le temps de jeter un coup d’œil à notre petite affaire ? »

Ses grands yeux verts grossis par la paire de lunettes à multi-verres posée sur son nez, le petit elfe manqua de sursauter lorsqu’il reconnut le vieil homme. Un doux sourire anima ses traits lorsqu’il se leva et s’inclina malgré le refus agité d’Aliaume.

« Inutile mon bon Couperet... je suis ici in-co-gnito, chuchota-t-il, parfaitement inconscient d’avoir captivé l’attention d’un élève de son académie à un, peut-être deux pas de lui. »

« Oui-oui monsieur le directe... enfin oui-oui bien sûr, attendez que Couperet remette la main dessus... où Couperet a bien pu le ranger... »

Le petit elfe se plia en deux pour vider un à un les tiroirs de sa table de travail…

« Ah le voilà ! s’exclama-t-il en soulevant à bout de bras un object rectangulaire enveloppé dans un torchon. »

Au moment de le poser sous le nez d’Aliaume, le petit elfe s’empressa de poser sa main sur l’objet pour barrer la route aux mains fripées d’Aliaume. Étonné par les manières de l’elfe, le vieil homme releva son chapeau pour lui jeter un regard interrogateur que le petit elfe fit suivre d’un appel d’œil de côté. Appel qu’Aliaume ne comprit bien évidemment pas.

« Vous avez une poussière dans l’œil, Couperet ? »

« Non-regardez-plutôt, insista le petit elfe, les dents serrées. »

Suivant le regard du petit elfe, le vieil homme prit enfin conscience du regard juvénile levé vers lui.

« La belle aventure ! Monsieur Maurice ! »
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Sam 23 Déc 2023 - 19:41

Le regard absorbé par le travail minutieux des elfes, les bras posés sur la barrière, Solal sentit une ombre grandir et se rapprocher de lui. Il ne détourna pas son regard pour autant, la librairie étant de toute manière remplie de monde. Mais cette ombre se rapprocha petit à petit de l'atelier de restauration des livres anciens, et une voix se déploya à sa droite. Solal tourna son visage, et son regard ne sut dissimuler sa surprise. À quelques pas de lui se trouvait Aliaume Delalande, le directeur de Beauxbâtons. Solal le détailla alors des pieds à la tête ; pieds qu'il put d'ailleurs bien détailler, puisque le vieil homme ne portait pas de chaussures. Son regard remonta le long de sa longue barbe jusqu'à la pointe de son chapeau bien trop grand, même pour un homme de sa taille. Il était assez impressionnant.

Solal ne put s'empêcher d'écouter la conversation, sans même chercher à faire preuve d'une curiosité mal placée, le regard seulement trop absorbé par la scène qui s'offrait à lui pour pouvoir faire autrement. Il ne se rendait pas compte que son attitude pouvait paraître déplacée. L'elfe s'appelait Monsieur Couperet, et semblait avoir une famille. Le directeur de l'académie attendait visiblement de lui qu'il lui remette quelque chose, puisque Couperet s'était mis à fouiller frénétiquement son tiroir.

Au bout d'un moment, dans une exclamation de victoire, il mit finalement la main sur ce qu'il cherchait et tendit ce qui était emmailloté dans un torchon au directeur, sans que Solal ne puisse voir de quoi il s'agissait ; on ne pouvait le nier, toute cette discrétion et ces précautions prises autour de ce mystérieux objets l'intriguait. Monsieur Couperet se mit alors à faire des signes de l'œil en direction de sa droite. Si Aliaume Delalande ne semblait pas comprendre pourquoi le visage de l'elfe s'agitait de la sorte, Solal le comprit tout de suite. Il réorienta immédiatement son regard face à lui, faisant mine de rien ; une tentative vaine, en constatant son visage qui s'empourprait très légèrement. Quand le directeur comprit finalement ce qu'essayait de lui faire comprendre subtilement l'elfe, Solal se résigna, se rendant bien compte qu'il était de toute manière pris la main dans le sac.

« Je... excusez-moi Monsieur, commença-t-il un peu confus. Je ne voulais pas paraître insistant. Je voulais juste voir l'atelier. »

Il garda un petit moment les yeux levés vers le visage du directeur, avant de les réorienter vers les elfes qui travaillaient ; Solal n'avait pas trop envie de soutenir son regard plus longtemps, ne sachant pas s'il devait se préparer à une éventuelle réprimande.
Aliaume Delalande
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Directeur & Professeur d’Alchimie

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Sam 23 Déc 2023 - 19:45

2

Aliaume ne comprenait pas toujours tout, la faute aux nombreux détours qui émaillaient le chemin de ses pensées. Mais les enfants, eux, étaient d’une clarté sans nul égal dans son monde. Voilà pourquoi il les aimait tant, et pourquoi il leur passait volontiers toutes leurs indiscrétions. Enfin non. Il leur passait volontiers toutes leurs indiscrétions parce que lui-même était d’une indiscrétion absolue depuis un peu plus de quatre-vingt dix-sept ans. La curiosité n’était pas un si vilain défaut. Il suffisait simplement de l’élever au rang d’art. Un art dans lequel Aliaume était passé maître.

« Oh ça ? s’exclama Aliaume en désignant de son menton poilu le rectangle enveloppé dans un torchon. Ce n’est trois fois rien. Inutile de vous excuser. A votre âge, je ne comptais déjà plus le nombre de fois où je m’étais mis dans de sales draps pour savoir ce qu’il se tramait à droite et à gauche. »

Joignant la parole aux actes, il entreprit de défaire le nœud du torchon en le touchant du bout de sa baguette magique qui avait soudain surgit dans sa main. Ne me demandez pas comment, vous ne voulez pas savoir combien de poches secrètes compte l’accoutrement de notre estimé directeur. L’expression de l’elfe, le dénommé Couperet, passa d’une frayeur non-feinte à un soulagement profond mêlé à quelque chose d’autre — mais difficile de décrire les expressions des elfes, des êtres au demeurant si peu expressifs une fois qu’on ne soutient plus leur regard — lorsque le torchon révéla un épais grimoire dont la couverture accueillait un oeil clos en bronze.

Un fermoir magique indiquait que le contenu de ce grimoire devait avoir une certaine valeur mais impossible d’en connaître le thème, le titre s’était effacé avec le temps. Il n’en subsistait que deux lettres vaguement dorées : un L et plus loin un N. Le regard froncé que l’elfe faisait peser sur l’ouvrage et le silence dans lequel il se trouvait plongé n’en était pas moins étrange.

Aliaume rit dans sa barbe avant de tourner son attention vers monsieur « Maurice ».

« Je suppose que vous accompagnez vos parents pour boucler votre liste d’achat en vue de la rentrée prochaine ? demanda-t-il en jetant un coup d’oeil circulaire autour de lui, espérant apercevoir monsieur et madame « Maurice » même s’il n’avait aucun moyen de savoir à quoi ressemblait ces deux personnes. Je compte sur vous pour remettre la confrérie de Lug sur la carte, dit-il, un ton plus bas, celui de la confidence, en se penchant vers l’enfant. Entre vous et moi, cette dernière place l’année dernière n’était pas folichonne. Sans compter qu’elle m’a fait perdre quelques Liards au conseil d’administration de l’académie… une sale histoire. »

Il se redressa, un large sourire dissimulé sous sa moustache.

« Alors du nerf Maurice ! »
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Sam 23 Déc 2023 - 19:48

Solal releva les yeux vers le directeur de Beauxbâtons, trahissant une certaine admiration dans son regard. Il avait toujours été impressionné par ce genre de personnage excentrique, sans en avoir peur pour autant, bien plus que par les personnes supposées être intimidantes. Le vieil homme ne semblait absolument pas contrarié de son indiscrétion, s'en amusant même plutôt, repensant à sa jeunesse ; Solal dû presque réfréner une expression de surprise, ne s'étant jamais imaginé que ce monsieur à la barbe si longues, aux pieds nus et au chapeau immense ait pu un jour avoir un âge autre que celui avoisinant les cent ans. Jamais il ne lui était venu à l'esprit qu'il ait pu être un jeune garçon.

Aliaume Delalande dévoila alors ce que contenait le torchon : un épais livre sur lequel était incrusté un œil en bronze, à la paupière fermé. Solal posa un regard particulièrement intrigué dessus. Il était certain que ce livre renfermait quelque chose de particulier. Peut-être des connaissances uniques, des informations rares, ou encore des sortilèges dangereux. Il distingua à la place de ce qui devait être le titre un L et un N, mais rien de plus, et fut d'ailleurs un peu surpris que le livre ne soit pas en meilleur état alors qu'il sortait tout juste de l'atelier de restauration. En somme, aucune indication ne lui permettant réellement de déterminer le contenu du livre. Et il ne fallait visiblement pas compter sur le vieil homme pour le lui dévoiler, puisqu'il s'intéressa plutôt à la raison de sa présence ici.

Ce dernier termina finalement sur une histoire de Liards, qui laissa Solal quelque peu interloqué. Il ne comprenait absolument pas de quoi il voulait parler. Est-ce qu'il s'agissait d'une histoire de paris ? Son regard devait d'ailleurs sûrement trahir son interrogation, avant de laisser rapidement place à la surprise de s'entendre être appelé Monsieur Maurice. Il n'y avait pas prêté attention un peu plus tôt, mais il comprit cette fois-ci clairement que le directeur se méprenait sur son nom de famille. La vieillesse, assurément.

« Maris. Pas Maurice, le corrigea Solal sans crainte, un petit sourire sur les lèvres. Non, j'accompagne seulement mon père. Ma tante travaille ici. J'essaierai néanmoins de faire du mieux que je le peux pour Lug, je ne voudrais pas vous faire perdre encore plus de Liards, continua-t-il, le même sourire dessiné sur les lèvres. »

Solal n'était pourtant pas aussi convaincu que cela au fond de lui ; il avait très peu goût au travail scolaire, et se préoccupait peu du classement de Lug, bien qu'il s'agissait de sa propre confrérie. Il reporta donc son regard sur le livre, plus intéressé par l'ouvrage, faisant glisser ses yeux de l'œil au fermoir. Puis il releva son visage, le regard traînant toujours sur le titre effacé, et demanda en toute simplicité :

« J'imagine que ce type de livre ne se trouve pas sur notre liste de fourniture. Si l'œil s'ouvre, le fermoir s'ouvre ? »
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Sam 23 Déc 2023 - 19:51

3

Maris, Maurice, quelle différence ? Aliaume se faisait bien appeler « CROA » par son corbeau, il ne s’en offusquait pas le moins du monde et ne cherchait pas vraiment à reprendre l’oiseau non plus. Le vieil homme ne broncha donc pas devant l’énième personne qui se risquait à le corriger. Maurice n’était pas le premier — et certainement pas le dernier. Avec une élégance toute Delalandienne — comprendre, sans aucune classe du tout — Aliaume botta en touche sans même hausser le moindre sourcil, préférant consacrer son énergie à l’insatiable curiosité de l’adolescent. Oubliée, la question qu’il venait de poser ! Oubliée, la réponse que venait de lui faire Maurice au sujet de son père et d’une tante qui travaillait ici ! Oubliés, tous les liards qu’il avait perdus en pariant ! Ou-bli-é que j’vous dis !

Le vieil homme était focalisé sur une seule chose : le regard dévorant de curiosité que Maurice faisait peser sur l’épais grimoire. Il esquissa un long sourire qui réussit l’exploit de paraître sous sa moustache foisonnante.

« Non effectivement, ce n’est pas le genre de livre qu’on trouve sur une liste de fournitures et je n’aurais d’ailleurs pas l’idée de l’y intégrer un jour. »

Aliaume caressa le contour de l’œil en bronze en s’armant d’un délicieux air songeur, son visage prenant une tournure énigmatique dans la pénombre de son chapeau beaucoup trop grand. L’œil en bronze frémit au contact de la pulpe fripée et, miracle, s’ouvrit. Le fermoir suivit l’exemple en s’ouvrant de lui-même. Monsieur Couperet, lui, devint soudain tout pâle dans l’indifférence la plus totale du maître de Beauxbâtons.

Le fermoir relevé, le grimoire sembla s’ouvrir de lui-même, activé par quelques mains invisibles qui s’amusèrent ensuite à tourner plusieurs pages. Maurice découvrit ainsi des pages et des pages d’illustrations d’un réalisme fou : des créatures magiques, lui semblait-il. La confirmation tomba quand les pages cessèrent soudain de tourner…

Monsieur Couperet poussa un inexplicable soupir de soulagement en posant ses fesses sur son siège. Décidément, ces elfes étaient d’une hypersensibilité !

« Oh oui, le légendaire Airavata, l’oliphant blanc à trois têtes… la créature la plus impressionnante qu’il m’ait été donné de voir, pour sûr. »

… Aliaume étudia avec des yeux étincelant la somptueuse représentation d’un oliphant à trois têtes — une créature apparentée à l’éléphant, mais deux fois plus grande et dont les cornes formaient des ramifications dignes des plus belles frondaisons — il en caressa même la page avec une certaine tendresse.

« Vous voyez ici. Le sorcier est représenté pour figurer la grandeur de chaque créature. »

Le vieil homme indiqua une toute petite silhouette dessinée à l’encre noire, à peine plus grande que l’ongle de la créature. Sur la page de droite, Maurice ne manquerait pas de remarquer l’encadré vierge qui semblait noirci d’une écriture tout droit surgi d’un autre univers.
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Sam 23 Déc 2023 - 19:54

Solal suivit du regard le doigt du directeur de Beauxbâtons qui glissa tout autour de l'œil, titillant les contours de la paupière. L'œil de bronze se mit alors à frémir avant de s'ouvrir comme s'il se réveillait d'une longue sieste, et entraîna avec lui le fermoir ; Solal avait vu juste. Trop absorbé par ce qui était entrain de se passer, il ne se rendit pas compte que Couperet était devenu subitement blême. L'épais ouvrage s'ouvrit, et les pages se tournèrent une à une d'elles-mêmes. Sous ses yeux défilèrent les dessins de multiples créatures magiques, que le jeune garçon aurait bien eu du mal à reconnaître ; elles se succédaient les unes aux autres, disparaissant avant même d'avoir eu le temps d'apparaître. Finalement, les pages s'arrêtèrent de tourner et restèrent ouvertes sur une nouvelle créature magique, que Solal eut cette fois le temps d'observer sous tous ses angles. Il lança un bref coup d'œil à l'elfe en l'entendant soupirer de soulagement, mais reporta bien vite son attention sur Aliaume.

« Oh oui, le légendaire airavata, l’oliphant blanc à trois têtes… la créature la plus impressionnante qu’il m’ait été donné de voir, pour sûr. »

Solal détailla le dessin d'un œil scrutateur, tout en écoutant d'une oreille ce que lui racontait le directeur de Beauxbâtons. Son regard ne pouvait dissimuler son admiration, tout comme sa bouche bêtement entrouverte. Jamais il n'avait entendu parler de cette créature. Il compara la taille du sorcier dessiné à côté de lui, et se sentit tout à coup si petit face à temps de puissance : qu'aurait-il pu faire, lui, simple sorcier, face à une telle créature ? Elle lui inspirait autant de grandeur que d'humilité face à sa propre personne.

« Qu'il vous ait été donné de voir ? renchérit-il soudainement. Vous voulez dire que vous avez déjà vu cette créature ? En vrai ? »

Ses yeux dévisageaient désormais le vieil homme. Solal était persuadé que pour avoir vu une telle créature, qui plus est légendaire, il fallait forcément avoir vécu quantité de choses – et en même temps, étant donné l'âge du vieillard, il avait sûrement eu tout loisir d'avoir une vie bien remplie. Il eut alors soudain la sensation qu'il aurait pu l'écouter parler pendant des heures et des heures de tout ce qu'il avait vu et fait durant ces longues années.

« Et ça, qu'est-ce que c'est ? »

Observant de nouveau le grimoire, ses yeux avaient été brusquement attirés par le petit encadré sur la page de droite, dissimulant une écriture inconnue. Solal lut sans lire l'étrange alphabet, n'ayant, encore une fois, jamais eu l'occasion de voir une telle écriture. Comme un souffle d'air frais sur des braises n'attendant que lui pour revivre, chaque découverte qu'il faisait l'émerveillait et attisait un peu plus sa curiosité.  
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Sam 23 Déc 2023 - 19:59

4

S’il avait vu l’oliphant blanc à trois têtes de ses propres yeux ? Pour sûr qu’il l’avait vu ! Il lui avait même tapoté la patte ! Aliaume devint songeur en repensant à ce merveilleux — et fort dépaysant ! — voyage en Inde. Voyage au cours duquel il avait fait la rencontre de son homologue plus jeune de presque deux décennies : l’humble Rajkumar Champadanga, le célèbre charmeur de dragons comme on le nommait dans son pays. Cette rencontre, merveilleuse à plus d’un titre, lui offrit une vue imprenable sur la magie d’Ashahar, l’école de magie indienne. Une plongée grandiose dans les vestiges du premier royaume sorcier d’Asie. Aliaume songeait avec émotion à l’Oliphant sacré, à la façon dont il avait incliné son immense tête en venant à sa rencontre, à la beauté de ses grands yeux bleus emplis de sagesse. Qu’il aurait aimé, là tout de suite maintenant, pouvoir le revoir et marcher à ses côtés dans les forêts primitives peuplées de créatures toutes plus intrigantes les unes que les autres.

Mais le vieil homme reprit conscience qu’il se trouvait dans la librairie Magillard, au cœur du Paris sorcier. Il cligna plusieurs fois des yeux et les posa sur Maurice. Il lui suffit, ensuite, de suivre le doigt pointé de l’adolescent pour retrouver le fil de leur discussion ou du moins les bribes qui en restaient.

« … l’alphabet semi-visible du roi-sorcier Paramara Ier, dit-il. Il reste trop peu de gens sur terre qui soient encore capables de le déchiffrer. Le directeur de l’école de magie indienne est le seul que je connaisse qui en soit capable. Un homme charmant. »

Aliaume jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, ignorant la présence de monsieur Couperet qui suivait aussi discrètement que possible cette discussion en faisant mine de vérifier ses outils de travail. A l’entrée de la librairie, Emilien faisait de grands mouvements de bras — il s’était peut-être remis à nager la brasse ? — devant deux employés de la librairie. Aussi ralenti soit-il, le temps pressait d’une certaine façon. Aliaume ne voulait pas qu’Emilien perde complètement patience, ça n’était pas recommandé pour ses pauvres nerfs déjà bien élimés.

« Un jour, peut-être, nous aurons la chance d’accueillir cet homme sous les toits de notre académie. Peut-être bien quelques uns de ses élèves si nous avons un peu de chance. Vous comprendrez mieux pourquoi les mages indiens sont de fantastiques protecteurs de la faune. Airavata n’a pas atteint l’âge vénérable de deux cents soixante-quinze ans sans raison, croyez-moi. »

Le vieil homme reporta son attention sur Maurice.

« Je ne peux malheureusement pas vous le laisser, dit-il en désignant le grimoire. J’ai quelques recherches urgentes à faire. Mais si le cœur vous en dit, vous pourrez venir le consulter dans mon bureau les vendredi en huit. »


[FIN]
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