Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Octobre 2018
Bureau du professeur Vaillant
Première année - 12 ans
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Bureau du professeur Vaillant
Première année - 12 ans
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J'ai attendu la fin des cours de la journée pour me présenter à son bureau mais maintenant que j'y suis, je n'ose pas y frapper. Maman m'avait dit d'aller le voir dès mon arrivée à Beauxbâtons mais faut dire qu'oncle Thibérius n'est pas commode et que j'y ai réfléchi à deux fois avant de m'aventurer dans ces eaux dangereuses. D'autant plus qu'il m'a envoyé balader lors de mon dernier cours quand j'ai voulu utiliser les automates de Duel. Maman en a des bonnes parfois ! Mais maintenant que nous avons enfin commencer à apprendre des maléfices, ses conseils et des entraînements supplémentaires me seraient quand même précieux. Pas question d'être juste bon dans sa matière, je veux être excellent, le meilleur élève qu'il n'ait jamais eu. Après tout, maîtriser la conjuration du mal, ça fait partie des choses qui me rendront plus fort. Et ce n'est pas uniquement avec quelques heures par semaine que j'y parviendrai.
J'inspire profondément et je laisse tomber mon poing sur la porte. Je pourrai même dire que je le laisse "s'échouer" sur la porte. Je sais ce que je veux mais j'aurai préféré quelqu'un de moins intimidant en face. Mon cœur me remonte dans la gorge lorsque j'entends une voix qui me dit d'entrer. Ça y'est, je vais devoir affronter le regard sévère et le visage fermé de mon oncle. J'ouvre et la porte grince d'un air lugubre, comme fait exprès. Je n'ai pas fait un pas à l'intérieur de la pièce un peu trop bien rangée quand oncle Thibérius retourne son sablier. Ah ça ! J'en ai entendu parler par les plus grands. Je n'ai que ce laps de temps pour défendre mon bout de gras. Très bien ! Il va voir ce qu'il va voir ! Je m'avance jusqu'au bord du bureau, debout - il n'y a même pas de chaise pour un visiteur, quel rustre - et le regarde avec un air assuré. Je prends ma respiration... et me liquéfie. Comment dois-je m'adresser à lui en privé mais toujours à l'école ? Je panique. Si je lui manque de respect sans faire exprès, s'en est fini. Mais je n'ai pas le temps non plus d'y réfléchir. Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ?!
- Onc...Professeur Vaillant, je choisis finalement, espérant minimiser les risques. Je suis ici parce que... je lance un coup d’œil au sablier, j'avais prévu tout une plaidoirie bien rodée mais j'ai tout oublié avec le stress. Je dois changer de stratégie. J'aimerai que vous m’entraîniez personnellement et plus durement que n'importe quel autre élève à la conjuration du mal, dis-je finalement en allant droit au but. Vous... voulez bien ? je demande d'une petite voix.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je cache du mieux que je peux mon angoisse, mais les secondes qui s'écoulent tandis que mon oncle m'observe en silence me semblent être des heures. L'attente est interminable et son regard me met mal à l'aise. Je me retiens de dire "Alors ?", et je fais bien car ses gestes et les mots qui sortent de sa bouche n'ont rien pour aller dans le sens de ma demande.
- Laisse-moi résumer, tu aimerais que je, commence-t-il en se pointant de l'index avant de le pointer vers moi, te fasse un traitement de faveur. Et pour quelles raisons devrais-je faire ça ? demande-t-il avec un rictus qui annonce le ton et me fait froid dans le dos.
Je savais que ça serait compliqué, mais là, je découvre que c'est perdu d'avance. Qu'à cela ne tienne, je répondrai quand même à sa question. J'ai réussi à pénétrer dans ce bureau et j'ai réussi à faire ma requête. Il peut bien se moquer de moi et me rejeter, ce que je m'empresserai de raconter dans une lettre à maman d'ailleurs, j'estime avoir fait le plus dur.
Des choses évidentes me passent par la tête du genre "parce que je suis ton neveu", "parce que j'aime la conjuration du mal" ou encore "parce que je veux être le plus fort", mais à peine pensé que je les trouve ridicules face à son sourire vraiment malsain. Je ne fais vraiment pas le poids du haut de mes douze ans. Je détourne le regard et fixe le sablier pour limiter l'emprise que l'homme a sur moi. Je ne peux pas réfléchir correctement si je me laisse effrayer. Le sable s'écoule vite, bien trop vite. Je me demande bien combien d'élèves sont passés dans ce bureau, à affronter du regard le professeur, à se sentir mal en sa présence, à subir ses rigueurs et humeurs. A part ceux en retenue, je m'imagine que ce chiffre est peu élevé. Mon oncle, rien que par sa physionomie n'est pas très engageant, sa canne résonne comme un glas. Associé à ça son caractère irascible, son passé d'auror et sa tendance à savoir trop de choses, je doute que beaucoup veuillent volontairement se retrouver seul avec lui. Cette réflexion sonne comme une réponse dans ma petite tête.
Je lâche les grains de sable des yeux pour les tourner à nouveau vers mon oncle. Je ne suis pas serein, il trouvera toujours à y redire et peu de chance que ça aboutisse, j'ai réellement peu d'arguments de poids avec moi. Même si je n'ai que d'excellentes notes pour le moment, j'aurai peut-être du attendre encore un peu. Mais bon, maintenant que je suis là... Au moins, ce n'est pas trop bête, du moins à mes yeux, et je ne veux pas partir muet.
- Parce que je suis probablement l'un des rares élèves à avoir eu le courage de vous le demander, dis-je d'une traite sans prendre le temps de respirer.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je rêve où il vient de me ricaner au nez ? Et pourquoi est-ce qu’il me regarde comme si j’étais un carcohl écrasé sous sa chaussure ? Sa réponse ne vaut pas mieux que son attitude envers moi. Soit disant que je suis naïf et qu’il y a pleins d’autres étudiants ambitieux qui sont venus le voir, blablabla.
Je me renfrogne au fur et à mesure de la réponse de mon oncle que je ne crois pas un seul instant vrai. Mais bien sûr, avec tous les professeurs plus avenants les uns que les autres, c'est vers lui, le plus hautain et taciturne, que les élèves vont. Mon œil ! Qu'il dise donc combien de premières année sont venus le voir jusqu'à maintenant ! Il me fait peur, mais il m'énerve aussi, à se moquer de moi et à ne pas jouer franc jeu. C'est ce qui me permet d'ailleurs de trouver la force de soutenir son regard sans sourciller lorsqu'il délaisse son bureau pour se planter devant moi. Mes yeux bleus, levés vers les siens, jugent autant qu'il me juge. Même grand-mère est moins méprisante, et c'est peu dire. Qu'est ce que je lui ai fait pour qu'il s'acharne comme ça sur moi ? Il n’en a à priori pas fini avec moi.
- C'est tout ce que tu as trouvé pour me montrer que tu es méritant ? Me demande-t-il.
Mes lèvres se pincent à sa remarque. Oui. C'est tout ce que j'ai trouvé parce que le reste parle de lui-même. Il connait déjà mes notes et tout le reste, très probablement. A quoi bon le lui rappeler ? Je le fais quand même, en désespoir de cause. Je n'ai déjà plus rien d'autre sous la main de toute façon.
- Je n'ai eu que d'excellentes notes dans votre matière et toutes les autres jusqu'à maintenant, j'ai une attitude exemplaire et je m’entraîne dès que j'en ai l'autorisation, je lâche du bout des lèvres. Qu'est ce que je suis censé faire de plus pour être méritant à vos yeux ? Je demande au bout du compte.
Puisqu'il a forcément des critères de "mérite" bien à lui qui défie surement toute logique, il n'a qu'à les dire au lieu de nous faire tourner en rond. Je ne lis pas dans les pensées moi !
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Ma répartie ne me vaut qu’un long soupir blasé de celui qui est censé être mon oncle. Je le regarde récupérer sa baguette puis assiste à son petit tour de magie en silence. Il fait apparaître le visage d’une jeune fille qui soi-disant était parfaite en tout point et qui voulait elle aussi avoir des cours particuliers. Les traits d’un jeune garçon la remplacent, un italien prodige du charme du bouclier à ce qu’il parait, puis plusieurs autres encore. Mon oncle fait fuser les exemples du bout de sa baguette et chaque nouvelle apparition me fait serrer les dents un peu plus.
Lorsque l'exposé s'arrête par la conclusion que le sorcier n’avait jamais accéder à leur demande et qu’il ne le fera certainement pas pour moi, les émotions se bousculent en moi, venant, allant, sans que je ne sache laquelle me domine le plus. La voix de maman surgit tout à coup dans mon esprit : "Trouve la faille, prend le contrôle". Elle dit souvent ça lorsque l'on s’entraîne ensemble. Il est clair que la seule chose dont je peux prendre le contrôle en cet instant, c'est de mes émotions, et encore j’y parviens bien difficilement. Mais comment trouver la faille ? Et quelle faille ? Rien que de réfléchir à l'application des conseils de ma mère me permet de prendre un peu sur moi. Finalement, je trouve la solution : je dois trouver dans le discours de mon oncle ce qui m'apaisera et me redonnera confiance en moi.
Ahem. Je suis sceptique. Pourtant, il y a bien quelque chose. Aucun des élèves présentés n'est de première année, d'ailleurs n'est-ce pas ce qu'il vient de dire ? Je suis donc le premier et j'avais raison. Il a beau essayé de me rabaisser, je reste le plus courageux, ou le plus inconscient, tout dépend des points de vue. Ces élèves-là, je m'en fiche. C'est du passé. Et il n'avait pas ce que moi j'ai. Je m'accroche à cette idée quand je braque mes yeux bleus sur les siens, à présent tout à fait calme et encore plus déterminé. J'utilise tout ce qu'on m'a appris jusqu'ici pour ne pas me laisser intimider, pour être le plus fort possible, malgré mon infériorité écrasante.
- Ce n'est pas la seule chose qu'ils ont en commun, dis-je finalement. Aucun d'eux n'est moi. Si ce n'est pas aujourd'hui, ça sera plus tard. Je reviendrai jusqu'à ce que vous disiez oui, mon oncle, même si cela doit me prendre 7 ans. Je ne lâcherai pas l'affaire.
Mon regard bifurque vers le sablier dont la sable à cesser de couler. Il est temps que je m'en aille, je le sais et il doit le savoir également. Que dire de plus de toute façon ? Je salue l'homme d'un signe de tête, le contourne et m'avance vers la porte. Lorsque ma main se pose sur la poignée, je me retourne vers mon oncle.
- A très bientôt, professeur Vaillant, dis-je tout en imitant le sourire cynique qu'il me fait depuis que je suis entré dans ce bureau.
"T'es pas prêt d'être débarrassé de moi", je pense avec férocité. Puis je sors sans même faire attention au bruit de la porte et regagne les quartiers d'Ogme. J'ai perdu cette bataille mais la guerre ne fait que commencer.
FIN
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