Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Mercredi 20 Mars 2024
20h40
20h40
Il y avait, derrière le stade de Quattequin, un endroit peu connu des élèves, hormis celles et ceux qui souhaitant se faire discrets. C'était un petit bosquet invisible depuis les jardins. Aucun chemin n'y menait. C'était l'endroit par-fait pour passer un petit temps en amoureux... ou pour un duel illégal. Teilo et Oscar avaient fini par se mettre d'accord : c'était bien là qu'ils allaient s'affronter, le mercredi 20 mars, le jour des treize ans de Teilo, au soleil couchant. Il n'y aurait qu'un seul vainqueur et le vainqueur aurait le droit de demander ce qu'il veut à l'autre pendant une semaine !
Teilo était arrivé bien avant que le soleil ne se couche. Comme la veille, il avait fait du repérage, confirmé le type d'herbes, de plantes et de terrain. Puis il avait fait les cent pas, s'était étiré tous les muscles un par un, avait listé dans sa tête tous les sortilèges qu'il pouvait utiliser et les cas de figure correspondants, avait vérifié le contenu de toutes ses poches au moins trois fois. Le soleil avait eu le temps de se cacher derrière la forêt et Oscar n'était toujours pas là. Il ne pouvait pas avoir oublié, quand même ?
Le jeune Lug s'inquiétait. C'était un moment important, vital même. Ils avaient prévu de s'affronter depuis Noël et ne s'étaient pas mis d'accord sur le jour au hasard. Lui, il s'y était entraîné pendant deux mois entiers avec Drian Vaillant, tous les jours sans exception, et l'Ogme l'avait fait suer sang et eau ! Il avait même mis de côté pas mal de ses passions et loisirs pour être sûr d'être prêt à en découdre, et les cours un peu aussi. La veille, pour bien dormir et être en forme, il avait mangé une de ses précieuses baies de Tarfaya. Et si... si Oscar décidait de ne pas venir finalement ? Pire, s'il n'avait jamais eu l'intention de venir ? Si tout ça n'était qu'une nouvelle blague du blond à ses dépends, encore une manipulation ?
Teilo sentit ses épaules flancher un peu. Il n'y avait jamais pensé et pourtant... maintenant qu'il était là, planté au milieu du bosquet à attendre son meilleur ennemi, ça paraissait tellement évident. Les lectures que Drian lui avaient recommandé auraient du lui mettre le carcohl à l'oreille. Desfois, on gagnait sans même combattre. Ce que Teilo ne comprenait pas, c'était ce qu'Oscar aurait gagné à agir de la sorte. Une énième occasion de se moquer de lui ? Ou alors... ou alors il était allé dénoncer à un professeur qu'un élève faisait des trucs louches dans le bosquet à l'approche du couvre-feu !
Que faire ? Rester ? Partir ? Qu'aurait fait Drian à sa place ? Où était-il, d'ailleurs ?
Le temps passait super vite quand on se posait plein de questions. Il faisait vraiment sombre maintenant. Le soleil devait s'être couché pour de bon, se dit le Lug en tirant de la poche intérieure droite de sa veste une paire de Nocturnocles qu'il chaussa d'un geste sec. Il avait vraiment tout prévu... mais pour rien. Dans sa tête, ça bouillait. Il voulait grogner son immense frustration envers Oscar, envers lui-même mais, alors qu'il serrait les poings, un bruit familier attira son attention et le fit aussitôt redescendre.
Le vent dans les feuilles. Un son qu'un sorcier du nom d'Abeba lui avait fait explorer comme aucun son auparavant. Un son qui ne manquait pas, à chaque fois qu'il s'y attardait, de lui apporter un peu de légèreté. C'était presque comme un nouveau genre de musique, différente de celles que le garçon avait déjà pu apprécier dans la Grande Galerie ou la Salle des Fêtes. Des salles qu'il fréquentait de moins en moins car ces derniers temps, il préférait de loin être dehors. Teilo respira doucement et ferma les yeux pour mieux apprécier la mélodie qu'apportait cette brise imprévue.
Ce fut alors qu'il l'entendit. Ce n'était qu'un tout petit bruit, un simple craquement de branche. Aussitôt, sa main tira sa baguette de sa poche droite et la diriga vers son ventre. "Protego." "Cade !" gronda une voix râpeuse et méconnaissable. Le sort, que Teilo ne reconnaissait pas non plus, alla s'écraser contre le bouclier magique qu'il venait tout juste de lever autour de lui. Il ouvrit grand les yeux et inspira d'un coup en voyant débouler d'entre les arbres du bosquet une figure encapuchonnée de noir et qui dardait une baguette dans sa direction. Même avec ses nocturnocles, il ne pouvait pas détailler son visage. C'était bien Oscar ? Ca ne pouvait pas être un mage noir, comme ceux qu'affrontait Lorie ? Non... non, c'était forcément Oscar.
Le souffle court, le corps tendu et parcouru de frissons, Teilo recula quand même devant la figure tout en noir qui fondait sur lui, si menaçante. Sa baguette tremblait dans sa main.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo grimaçait. Sa main tremblait trop, et comme il reculait vite, aucun de ses "expelliarmus" ne faisait mouche. Son adversaire, mû par une férocité impressionnante, ne cessait de lui envoyer maléfice sur maléfice en réduisant la distance qui les séparait. "Petrificus Totalus !" "Locomotor Mortis !" Mais son Protego était encore actif et empêchait les sorts de l'atteindre. Loin d'en profiter pour renverser la situation, Teilo continuait à reculer. Il n'arrivait pas à décrocher son regard apeuré de cette figure encapuchonnée qui était apparue de nulle part et semblait si puissante par rapport à lui. Et si ce n'était pas Oscar ? Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre.
Dans un élan désespéré, le Lug décrocha son regard de l'ennemi à la recherche d'il ne savait quoi. Et il tomba sur une source de lumière dans la nuit naissante, une lumière blanche et bleue à la lisière de la forêt. Le loup ! Le loup que Drian avait fait apparaître sur les remparts pour lui faire peur pendant l'une de leurs courses ! Dès qu'il le reconnut, le garçon inspira à pleins poumons et commanda à ses pieds d'arrêter de reculer.
Il raffermit son bras gauche et pointa sa baguette sur l'ennemi. "Expelliarmus !"
La figure encapuchonnée se prit le sort de plein fouet, faillit en trébucher, sans doute de surprise. Bien qu'elle soit parvenue à conserver sa baguette en main, elle semblait maintenant hésiter. Teilo ploya le cou pour mieux voir le visage qui lui faisait face. Oui, c'était bien Oscar ! Et il avait sa tête des mauvais jours.
"Protego."
"Immobulus ! Calvorio !"
Calvorio ? Drôle de stratégie, pensa Teilo lorsque les maléfices d'Oscar se dissipèrent sur son bouclier magique. En quoi le rendre chauve allait-il aider Oscar à gagner le duel ? Et pourquoi s'évertuait-il à lui lancer des sorts tout de suite alors qu'il l'avait très bien entendu dresser son bouclier ?
"Locomotor Mortis ! Expelliarmus !" Oscar reprenait difficilement son souffle. "Cade ! CADE ! Krr..khh..." L'encapuchonné toussa un peu, penché en avant, se redressa et continua sa litanie rauque de sorts accompagnés de mouvements de baguette qui semblaient devenir à chaque fois plus lents et plus machinaux. C'était comme si, en une minute à peine, Oscar venait d'épuiser la majeure partie de sa folle énergie.
Le retournement de situation surprit Teilo. Mais il ne devait pas se déconcentrer. Avec Drian, il s'était entraîné à parer aux éventualités, à ne pas prendre de risques, à se protéger, à aller jusqu'au bout... et il avait lu un peu de Sun Tzu qui recommandait de repérer les faiblesses de l'ennemi et d'en tirer profit. Alors il recula à nouveau, laissant Oscar tituber pour tenter de le rattraper. Son adversaire s'était courbé comme s'il venait de prendre une centaine de kilos sur les épaules. Il n'avait plus guère d'impressionnant que sa grande capuche. Arrivé au centre d'un parterre de hautes fleurs qu'il avait repéré la veille, Teilo en arracha une en murmurant "désolé". Puis il lança un ''Inflamare" sur l'une des anthères de cette fleur qu'il avait maintenant en main.
"Waddiwasi !" D'un geste souple de sa baguette, il envoya la fleur fumante contre le thorax d'Oscar qui dut se demander ce que c'était que ce drôle de truc qui ne faisait même pas mal. Mais au contact du garçon, l'anthère avait fini de se consumer et de libérer le pollen qu'elle contenait. Un pollen qui finit par entrer dans les narines d'Oscar.
"Krr.. Krr.. HA-KRR. Khhh."
Teilo détendit ses épaules et se permit un petit sourire en coin. Les fleurs étaient des Tousse-de-Mai, il s'était renseigné dessus à la Chapelle ce matin. Oscar allait être bien trop occupé à éternuer pour lui faire quoi que ce soit. Il venait de le rendre inoffensif pour une minute pas plus, suite à quoi l'effet s'estomperait sans séquelles. Baguette toujours en main, il s'approcha lentement de son ancien ami qui mettait les mains sur ses genoux pour mieux expectorer. De sa main libre, Teilo sortit un sablipnotique de sa poche et le retourna pour forcer Oscar à relever une tête larmoyante et rougeâtre.
"Si tu veux arrêter, hoche la tête", intima-t-il, droit, froid et sérieux. Son cœur battait encore fort dans sa poitrine. S'il pouvait gagner tout de suite, ce serait parfait ! Mais Oscar était têtu, il continuait de tousser comme s'il ne l'avait pas entendu, ce qui finit par faire gronder Teilo. "Tu sais que t'as perdu. Lâche ta baguette." Mais aucun geste d'Oscar sinon une prise de respiration sifflante. "LACHE-LA !" cria Teilo sans plus de succès. Les yeux ronds de son ami fixaient le sable qui s'écoulait du sablipnotique, sa poitrine tremblotait, convulsait un peu car il avait du mal à respirer, ses joues étaient bien rouges et pleines de... sueur...
Teilo cligna des yeux. D'un geste sec, il défit la capuche d'Oscar qui tomba aussitôt à genoux. Teilo s'accroupit à sa hauteur et, à l'aide de ses nocturnocles, scruta son visage comme il avait appris à le faire en Guérison.
Alors il comprit. Contrairement à ce qu'il avait pensé, Oscar n'avait pas qu'une atchoumite aigüe. Il avait une esgourdite aussi, vu le cérumen qui débordait de ses oreilles. Sans doute une grippe suintante, vu sa transpiration et... et plus aucun cheveu sur le crâne ? Par Merlin ! Son adversaire n'avait rien trouvé de mieux, le jour tant attendu de leur duel, de choper plusieurs maladies magiques en même temps ! Le Lug en resta pantois un moment. Non seulement c'était quelque-chose qu'il n'avait pas prévu du tout, c'était juste... nul. Archi-nul ! Ca ne devait pas se passer comme ça, c'était son anniversaire aujourd'hui... et le jour de sa victoire, une victoire à armes égales ! Il s'était entraîné très dur tous les jours pendant deux mois juste pour ça, ils avaient pris beaucoup de risques et Oscar... Oscar avait fait exprès de tomber malade pour lui nier ce plaisir d'une vraie victoire ?
"Bestiam Furis !"
Ebahi par ce nouveau revirement, Teilo avait baissé sa garde. A peine le sable avait-il fini de s'écouler dans le sablier qu'Oscar avait puisé dans ce qui devait être ses dernières forces pour lui lancer un autre maléfice inconnu. Alors le Lug observa à travers ses nocturnocles une nuée de petites chauve-souris (?) lui foncer dessus et disparaître au moment où elles allaient planter leurs griffes sur sa peau. La première phalange de son index droit s'illumina un peu, signe que son gri-ri venait de fonctionner et d'annuler le sortilège.
"Je te DETESTE ! AH-Khhhh... "
Teilo frissonna. La hargne bileuse avec laquelle Oscar venait de prononcer ces mots le heurta bien plus fort que n'auraient pu le faire les maléfices. A genoux face à lui, son plus grand ennemi pleurait à chaudes larmes en tentant d'amener de l'air dans ses poumons. De mémoire, le Lug n'avait jamais vu autant de détresse dans les yeux de quelqu'un, à part peut-être ceux de sa grand-mère.
Il se mordit la lèvre. Normalement, les effets de la fleur auraient déjà du se dissiper. Mais... oui, c'était bien ce qu'il avait voulu. Il avait tiré profit de la faiblesse d'Oscar, cette toux qu'il avait repéré, et l'avait aggravée avec le pollen de la fleur. Un coup de génie, sans doute, qui lui vaudrait un pas mal de Drian, peut-être même un bien. Mais maintenant qu'il voyait Oscar pleurer et lutter pour respirer, maintenant qu'il savait qu'ils ne s'étaient pas battus à armes égales, Teilo n'était plus très fier... de rien du tout. Ses épaules s'étaient affaissées. Il était temps d'arrêter ce duel stupide et dangereux.
"Viens, je t'amène au dispensaire" fit le Lug en se redressant soudainement. Mais, au moment où il allait attraper l'épaule du blond sans cheveux pour le relever, il entendit celui-ci croasser entre deux toux un "Membrardus !" Plus de gri-ri, pas de Protego. Teilo grinça des dents avant même de ressentir une terrible douleur à la jambe gauche, une crampe comme il n'en avait jamais eu même au rugby, même à la danse, et qui l'obligea à tomber au sol. "Mais gnnn... t'es vraiment trop con !" gémit-il en tendant sa jambe bien droite, mains sur les cuisses, baguette au sol. Sérieux, où est-ce qu'Oscar avait appris tous ces sorts horribles ? En défense contre les forces du mal ?
Teilo n'en faisait pas partie ! Dans sa tête, il était plutôt comme... les merveilleux luminades qu'il avait pu voir en vrai avec Roseanne à la Ménagerie du Refuge. Ou plutôt comme... comme les soigneurs qui s'occupaient des luminades. Des forces du bien, qui apportaient de l'aide à ceux qui en avaient besoin. Quand ils la méritaient, comme ses amis, et même quand ils ne la méritaient pas. "Je veux t'aider !" gronda sa voix souffrante dans le vent. Esgourdite ou pas, Oscar devait être trop FIER pour capter et abandonner. Son ancien ami le détestait-il vraiment à ce point ?
Alors qu'il massait sa jambe avec ses mains dans l'espoir de soulager la trop forte douleur, Teilo vit avec inquiétude la main droite et la baguette d'Oscar se redresser de nouveau, entendit la respiration de son camarade se stabiliser. Impossible de faire une roulade dans son état. Pas le temps de récupérer sa propre baguette pour se protéger mais il essaya quand même. Il devait se préparer parce que quoi qu'il fasse, il allait se prendre le prochain sort en pleine poire.
Dans un élan désespéré, le Lug décrocha son regard de l'ennemi à la recherche d'il ne savait quoi. Et il tomba sur une source de lumière dans la nuit naissante, une lumière blanche et bleue à la lisière de la forêt. Le loup ! Le loup que Drian avait fait apparaître sur les remparts pour lui faire peur pendant l'une de leurs courses ! Dès qu'il le reconnut, le garçon inspira à pleins poumons et commanda à ses pieds d'arrêter de reculer.
Il raffermit son bras gauche et pointa sa baguette sur l'ennemi. "Expelliarmus !"
La figure encapuchonnée se prit le sort de plein fouet, faillit en trébucher, sans doute de surprise. Bien qu'elle soit parvenue à conserver sa baguette en main, elle semblait maintenant hésiter. Teilo ploya le cou pour mieux voir le visage qui lui faisait face. Oui, c'était bien Oscar ! Et il avait sa tête des mauvais jours.
"Protego."
"Immobulus ! Calvorio !"
Calvorio ? Drôle de stratégie, pensa Teilo lorsque les maléfices d'Oscar se dissipèrent sur son bouclier magique. En quoi le rendre chauve allait-il aider Oscar à gagner le duel ? Et pourquoi s'évertuait-il à lui lancer des sorts tout de suite alors qu'il l'avait très bien entendu dresser son bouclier ?
"Locomotor Mortis ! Expelliarmus !" Oscar reprenait difficilement son souffle. "Cade ! CADE ! Krr..khh..." L'encapuchonné toussa un peu, penché en avant, se redressa et continua sa litanie rauque de sorts accompagnés de mouvements de baguette qui semblaient devenir à chaque fois plus lents et plus machinaux. C'était comme si, en une minute à peine, Oscar venait d'épuiser la majeure partie de sa folle énergie.
Le retournement de situation surprit Teilo. Mais il ne devait pas se déconcentrer. Avec Drian, il s'était entraîné à parer aux éventualités, à ne pas prendre de risques, à se protéger, à aller jusqu'au bout... et il avait lu un peu de Sun Tzu qui recommandait de repérer les faiblesses de l'ennemi et d'en tirer profit. Alors il recula à nouveau, laissant Oscar tituber pour tenter de le rattraper. Son adversaire s'était courbé comme s'il venait de prendre une centaine de kilos sur les épaules. Il n'avait plus guère d'impressionnant que sa grande capuche. Arrivé au centre d'un parterre de hautes fleurs qu'il avait repéré la veille, Teilo en arracha une en murmurant "désolé". Puis il lança un ''Inflamare" sur l'une des anthères de cette fleur qu'il avait maintenant en main.
"Waddiwasi !" D'un geste souple de sa baguette, il envoya la fleur fumante contre le thorax d'Oscar qui dut se demander ce que c'était que ce drôle de truc qui ne faisait même pas mal. Mais au contact du garçon, l'anthère avait fini de se consumer et de libérer le pollen qu'elle contenait. Un pollen qui finit par entrer dans les narines d'Oscar.
"Krr.. Krr.. HA-KRR. Khhh."
Teilo détendit ses épaules et se permit un petit sourire en coin. Les fleurs étaient des Tousse-de-Mai, il s'était renseigné dessus à la Chapelle ce matin. Oscar allait être bien trop occupé à éternuer pour lui faire quoi que ce soit. Il venait de le rendre inoffensif pour une minute pas plus, suite à quoi l'effet s'estomperait sans séquelles. Baguette toujours en main, il s'approcha lentement de son ancien ami qui mettait les mains sur ses genoux pour mieux expectorer. De sa main libre, Teilo sortit un sablipnotique de sa poche et le retourna pour forcer Oscar à relever une tête larmoyante et rougeâtre.
"Si tu veux arrêter, hoche la tête", intima-t-il, droit, froid et sérieux. Son cœur battait encore fort dans sa poitrine. S'il pouvait gagner tout de suite, ce serait parfait ! Mais Oscar était têtu, il continuait de tousser comme s'il ne l'avait pas entendu, ce qui finit par faire gronder Teilo. "Tu sais que t'as perdu. Lâche ta baguette." Mais aucun geste d'Oscar sinon une prise de respiration sifflante. "LACHE-LA !" cria Teilo sans plus de succès. Les yeux ronds de son ami fixaient le sable qui s'écoulait du sablipnotique, sa poitrine tremblotait, convulsait un peu car il avait du mal à respirer, ses joues étaient bien rouges et pleines de... sueur...
Teilo cligna des yeux. D'un geste sec, il défit la capuche d'Oscar qui tomba aussitôt à genoux. Teilo s'accroupit à sa hauteur et, à l'aide de ses nocturnocles, scruta son visage comme il avait appris à le faire en Guérison.
Alors il comprit. Contrairement à ce qu'il avait pensé, Oscar n'avait pas qu'une atchoumite aigüe. Il avait une esgourdite aussi, vu le cérumen qui débordait de ses oreilles. Sans doute une grippe suintante, vu sa transpiration et... et plus aucun cheveu sur le crâne ? Par Merlin ! Son adversaire n'avait rien trouvé de mieux, le jour tant attendu de leur duel, de choper plusieurs maladies magiques en même temps ! Le Lug en resta pantois un moment. Non seulement c'était quelque-chose qu'il n'avait pas prévu du tout, c'était juste... nul. Archi-nul ! Ca ne devait pas se passer comme ça, c'était son anniversaire aujourd'hui... et le jour de sa victoire, une victoire à armes égales ! Il s'était entraîné très dur tous les jours pendant deux mois juste pour ça, ils avaient pris beaucoup de risques et Oscar... Oscar avait fait exprès de tomber malade pour lui nier ce plaisir d'une vraie victoire ?
"Bestiam Furis !"
Ebahi par ce nouveau revirement, Teilo avait baissé sa garde. A peine le sable avait-il fini de s'écouler dans le sablier qu'Oscar avait puisé dans ce qui devait être ses dernières forces pour lui lancer un autre maléfice inconnu. Alors le Lug observa à travers ses nocturnocles une nuée de petites chauve-souris (?) lui foncer dessus et disparaître au moment où elles allaient planter leurs griffes sur sa peau. La première phalange de son index droit s'illumina un peu, signe que son gri-ri venait de fonctionner et d'annuler le sortilège.
"Je te DETESTE ! AH-Khhhh... "
Teilo frissonna. La hargne bileuse avec laquelle Oscar venait de prononcer ces mots le heurta bien plus fort que n'auraient pu le faire les maléfices. A genoux face à lui, son plus grand ennemi pleurait à chaudes larmes en tentant d'amener de l'air dans ses poumons. De mémoire, le Lug n'avait jamais vu autant de détresse dans les yeux de quelqu'un, à part peut-être ceux de sa grand-mère.
Il se mordit la lèvre. Normalement, les effets de la fleur auraient déjà du se dissiper. Mais... oui, c'était bien ce qu'il avait voulu. Il avait tiré profit de la faiblesse d'Oscar, cette toux qu'il avait repéré, et l'avait aggravée avec le pollen de la fleur. Un coup de génie, sans doute, qui lui vaudrait un pas mal de Drian, peut-être même un bien. Mais maintenant qu'il voyait Oscar pleurer et lutter pour respirer, maintenant qu'il savait qu'ils ne s'étaient pas battus à armes égales, Teilo n'était plus très fier... de rien du tout. Ses épaules s'étaient affaissées. Il était temps d'arrêter ce duel stupide et dangereux.
"Viens, je t'amène au dispensaire" fit le Lug en se redressant soudainement. Mais, au moment où il allait attraper l'épaule du blond sans cheveux pour le relever, il entendit celui-ci croasser entre deux toux un "Membrardus !" Plus de gri-ri, pas de Protego. Teilo grinça des dents avant même de ressentir une terrible douleur à la jambe gauche, une crampe comme il n'en avait jamais eu même au rugby, même à la danse, et qui l'obligea à tomber au sol. "Mais gnnn... t'es vraiment trop con !" gémit-il en tendant sa jambe bien droite, mains sur les cuisses, baguette au sol. Sérieux, où est-ce qu'Oscar avait appris tous ces sorts horribles ? En défense contre les forces du mal ?
Teilo n'en faisait pas partie ! Dans sa tête, il était plutôt comme... les merveilleux luminades qu'il avait pu voir en vrai avec Roseanne à la Ménagerie du Refuge. Ou plutôt comme... comme les soigneurs qui s'occupaient des luminades. Des forces du bien, qui apportaient de l'aide à ceux qui en avaient besoin. Quand ils la méritaient, comme ses amis, et même quand ils ne la méritaient pas. "Je veux t'aider !" gronda sa voix souffrante dans le vent. Esgourdite ou pas, Oscar devait être trop FIER pour capter et abandonner. Son ancien ami le détestait-il vraiment à ce point ?
Alors qu'il massait sa jambe avec ses mains dans l'espoir de soulager la trop forte douleur, Teilo vit avec inquiétude la main droite et la baguette d'Oscar se redresser de nouveau, entendit la respiration de son camarade se stabiliser. Impossible de faire une roulade dans son état. Pas le temps de récupérer sa propre baguette pour se protéger mais il essaya quand même. Il devait se préparer parce que quoi qu'il fasse, il allait se prendre le prochain sort en pleine poire.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Locomotor Mortis."
Penché en avant, la main proche de sa baguette à terre, Teilo serra les dents. Comme il regrettait d'avoir baissé sa garde ne serait-ce que quelques secondes alors qu'il s'était justement entraîné à l'inverse. Oscar lui lançait son pire maléfice, celui qui lui avait fait faire tant de cauchemars.
Pourtant, après quelques secondes, il dut se rendre à l'évidence. Il pouvait encore bouger la main.. et la tête, et tout le reste. Pas le temps d'être stupéfait, ni de comprendre ce qui s'était passé. Il saisit sa baguette et la pointa vers Oscar avec une énergie retrouvée.
"Expelliarmus !"
Le bout de bois échappa à la poigne de l'autre et, dans un arc de cercle presque parfait, alla s'enfouir dans un buisson à quelques mètres d'eux. Teilo se releva en grognant et claudiqua jusqu'à son camarade, la baguette menaçante et l'air déterminé. Maintenant, il voulait en finir et respirait par le nez. Oscar, qui n'avait même pas cherché à se lever pour aller récupérer sa baguette, leva simplement les yeux vers lui. Pendant un long moment, on n'entendit que leurs souffles.
Puis Oscar prit la parole, de sa voix rauque, altérée par les maladies. "Abandonne."
Quoi ?
Teilo cligna des yeux, médusé, incapable de réagir immédiatement à une requête aussi... stupide. Oscar hallucinait ou quoi ? C'était à lui d'abandonner !
"Abandonne !" répéta le garçon défait, si fort que malgré sa position dominante, Teilo en eut un mouvement de recul. Ce n'était pas tant un ordre qu'une supplique, dite avec un sentiment qu'il n'avait jamais entendu chez Oscar. Une sorte de désespoir qui lui donna froid dans le dos. Leurs regards se croisèrent encore. Sans ses cheveux, à genoux comme ça devant lui, ses yeux ronds comme des souaffles, Oscar ressemblait à un de ces horribles gnomes des jardins que Teilo, des semaines durant, s'était refusé à trop faire souffrir même si eux n'avaient jamais eu de pitié pour lui.
Il prit quelques secondes encore. Ce genre de regard, apeuré et menaçant à la fois, il l'avait déjà vu. C'était celui qu'avaient pu lui lancer certaines créatures de la Ménagerie du Refuge. C'était un peu celui d'Ariane quand elle avait fait une grosse bêtise et qu'elle ne voulait pas qu'il le répète à Maman. Bien sûr, en tant que grand frère responsable... il ne l'avait jamais fait.
Teilo déglutit. Un nouveau choix s'offrait à lui, du genre à avoir des ramifications qu'il percevait à peine. Quelque-chose lui disait que c'était aussi important que choisir ses matières pour sa seconde année ou décider de la manière dont il allait s'y prendre pour inviter Pensée au bal de Noël. S'il accédait à la requête d'Oscar, tous ses entraînements n'auraient servi à rien, ses sacrifices non plus. Drian allait certainement lui en vouloir, même si son coach s'était dégagé de toute responsabilité quant au dénouement de ce duel. Si, au contraire, il ignorait la supplique et confirmait sa victoire par un sort bien placé, un maléfice peut-être, il réglerait le problème Oscar une bonne fois pour toutes, ici et maintenant.
La solution était simple et toute trouvée. Il s'y était préparé pendant deux mois. Oscar était méchant avec lui, il méritait d'être puni, de sa main de préférence. Teilo soupira. Pourtant, ce même Oscar venait de lui rappeler ce qui lui paraissait de plus en plus évident au fur et à mesure qu'il grandissait : le monde dans lequel ils entraient ne pouvait pas être aussi simple que ça. Il se passait toujours plein de choses qu'ils ne remarquaient pas, des choses dont ils avaient à peine conscience. Des détails leur échappaient tout le temps, des illusions sans magie, sur un tableau, sur un visage, dans ce qui était dit et ce qui n'était pas dit.
Alors Teilo inspira et, sans aucune théâtralité, fit ce geste que Drian lui avait déjà reproché. Il laissa tomber sa baguette au sol.
"J'abandonne. T'as gagné."
Il l'avait dit sérieusement, solennellement, ses yeux dans ceux d'Oscar. Il vit aussitôt tout le corps de son adversaire se relâcher dans un souffle, comprit que tous ses muscles venaient de se détendre. Oscar était soulagé. Et lui... lui, il ne savait pas quoi penser. Comme un peu trop souvent en ce moment. "Je vais chercher ta baguette", dit-il dans un souffle tout en se détournant de lui. Avec ses nocturnocles toujours sur le nez, il la trouverait bien plus facilement dans le buisson... et Oscar avait l'air bien épuisé. Il devait sans doute l'être depuis le début du duel.
Oscar le regardait s'éloigner. Puis les yeux du chauve vêtu de noir et toussotant se posèrent sur la baguette que ce garçon, cet ennemi juré, avait volontairement abandonné au sol, juste à portée de sa main.
Penché en avant, la main proche de sa baguette à terre, Teilo serra les dents. Comme il regrettait d'avoir baissé sa garde ne serait-ce que quelques secondes alors qu'il s'était justement entraîné à l'inverse. Oscar lui lançait son pire maléfice, celui qui lui avait fait faire tant de cauchemars.
Pourtant, après quelques secondes, il dut se rendre à l'évidence. Il pouvait encore bouger la main.. et la tête, et tout le reste. Pas le temps d'être stupéfait, ni de comprendre ce qui s'était passé. Il saisit sa baguette et la pointa vers Oscar avec une énergie retrouvée.
"Expelliarmus !"
Le bout de bois échappa à la poigne de l'autre et, dans un arc de cercle presque parfait, alla s'enfouir dans un buisson à quelques mètres d'eux. Teilo se releva en grognant et claudiqua jusqu'à son camarade, la baguette menaçante et l'air déterminé. Maintenant, il voulait en finir et respirait par le nez. Oscar, qui n'avait même pas cherché à se lever pour aller récupérer sa baguette, leva simplement les yeux vers lui. Pendant un long moment, on n'entendit que leurs souffles.
Puis Oscar prit la parole, de sa voix rauque, altérée par les maladies. "Abandonne."
Quoi ?
Teilo cligna des yeux, médusé, incapable de réagir immédiatement à une requête aussi... stupide. Oscar hallucinait ou quoi ? C'était à lui d'abandonner !
"Abandonne !" répéta le garçon défait, si fort que malgré sa position dominante, Teilo en eut un mouvement de recul. Ce n'était pas tant un ordre qu'une supplique, dite avec un sentiment qu'il n'avait jamais entendu chez Oscar. Une sorte de désespoir qui lui donna froid dans le dos. Leurs regards se croisèrent encore. Sans ses cheveux, à genoux comme ça devant lui, ses yeux ronds comme des souaffles, Oscar ressemblait à un de ces horribles gnomes des jardins que Teilo, des semaines durant, s'était refusé à trop faire souffrir même si eux n'avaient jamais eu de pitié pour lui.
Il prit quelques secondes encore. Ce genre de regard, apeuré et menaçant à la fois, il l'avait déjà vu. C'était celui qu'avaient pu lui lancer certaines créatures de la Ménagerie du Refuge. C'était un peu celui d'Ariane quand elle avait fait une grosse bêtise et qu'elle ne voulait pas qu'il le répète à Maman. Bien sûr, en tant que grand frère responsable... il ne l'avait jamais fait.
Teilo déglutit. Un nouveau choix s'offrait à lui, du genre à avoir des ramifications qu'il percevait à peine. Quelque-chose lui disait que c'était aussi important que choisir ses matières pour sa seconde année ou décider de la manière dont il allait s'y prendre pour inviter Pensée au bal de Noël. S'il accédait à la requête d'Oscar, tous ses entraînements n'auraient servi à rien, ses sacrifices non plus. Drian allait certainement lui en vouloir, même si son coach s'était dégagé de toute responsabilité quant au dénouement de ce duel. Si, au contraire, il ignorait la supplique et confirmait sa victoire par un sort bien placé, un maléfice peut-être, il réglerait le problème Oscar une bonne fois pour toutes, ici et maintenant.
La solution était simple et toute trouvée. Il s'y était préparé pendant deux mois. Oscar était méchant avec lui, il méritait d'être puni, de sa main de préférence. Teilo soupira. Pourtant, ce même Oscar venait de lui rappeler ce qui lui paraissait de plus en plus évident au fur et à mesure qu'il grandissait : le monde dans lequel ils entraient ne pouvait pas être aussi simple que ça. Il se passait toujours plein de choses qu'ils ne remarquaient pas, des choses dont ils avaient à peine conscience. Des détails leur échappaient tout le temps, des illusions sans magie, sur un tableau, sur un visage, dans ce qui était dit et ce qui n'était pas dit.
Alors Teilo inspira et, sans aucune théâtralité, fit ce geste que Drian lui avait déjà reproché. Il laissa tomber sa baguette au sol.
"J'abandonne. T'as gagné."
Il l'avait dit sérieusement, solennellement, ses yeux dans ceux d'Oscar. Il vit aussitôt tout le corps de son adversaire se relâcher dans un souffle, comprit que tous ses muscles venaient de se détendre. Oscar était soulagé. Et lui... lui, il ne savait pas quoi penser. Comme un peu trop souvent en ce moment. "Je vais chercher ta baguette", dit-il dans un souffle tout en se détournant de lui. Avec ses nocturnocles toujours sur le nez, il la trouverait bien plus facilement dans le buisson... et Oscar avait l'air bien épuisé. Il devait sans doute l'être depuis le début du duel.
Oscar le regardait s'éloigner. Puis les yeux du chauve vêtu de noir et toussotant se posèrent sur la baguette que ce garçon, cet ennemi juré, avait volontairement abandonné au sol, juste à portée de sa main.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Ah, elle est là."
Grâce à ses lunettes, Teilo avait facilement retrouvé la baguette d'Oscar dans le buisson. Il se retourna avec un petit air victorieux et s'arrêta net. Oscar avait une autre baguette dans ses mains : la sienne.
Les deux garçons se regardèrent en silence. Puis Oscar leva sa main et tordit son poignet pour observer la baguette qu'il tenait sous tous les angles. Il finit par déclarer d'un air peu enthousiaste : "J'ai jamais vu une baguette aussi moche." Une nouvelle quinte de toux le prit aussitôt. Debout et un peu raide, Teilo pouffa. "Moi, je l'aime bien." Il avait fini par l'apprécier dans son originalité, ses aspérités, sa forme torsadée qui la rendait si différente des autres. "T'as raison. Faut faire avec ce qu'on a", ironisa Oscar. "Tu sais de quoi tu parles... avec ta tête."
L'air même sembla se tendre un peu. Mais Teilo avait calculé son coup. En plus d'avoir officiellement gagné le duel, Oscar n'avait plus de forces. Il n'allait donc pas tout gâcher pour une petite pique bien méritée. Son intuition s'avéra juste lorsque son camarade baissa sa garde en pouffant : "On dirait du mauvais Cumuci." Puis il lui lança sa baguette : "Gio va bien d'ailleurs ? Il a pensé à te faire un petit cadeau ?"
Teilo grinça des dents en attrapant sa baguette au vol, puis haussa les épaules pour toute réponse. Non, Giovanni ne lui avait pas fait de cadeau. Quant à savoir si il allait bien... la réponse était loin d'être évidente. Depuis Noël, ils se voyaient beaucoup moins qu'avant - et Oscar n'était certainement pas étranger à cette embrouille. "Ca te regarde pas", finit par affirmer Teilo avant de s'approcher d'Oscar pour lui offrir son bras. Après un moment d'hésitation, le chauve à bout de forces l'empoigna pour se relever.
"Hooo, douuucement, attends." Teilo dut l'attraper par la taille pour l'empêcher de retomber aussitôt. Puis, après s'être assuré que les jambes d'Oscar ne flageolaient plus, il passa un bras sous son épaule en guise de support et ils se mirent en marche vers le dispensaire.
Au début, ils ne se dirent rien, profitèrent un peu du silence et du calme revenus. Les questions s'entrechoquaient dans la tête de Teilo, sur ce qui s'était passé, pourquoi ça s'était passé comme ça, ce qu'il avait forcément raté, ce que Drian allait en penser. Il se sentit soudain très fatigué, à bout de forces lui aussi et décida d'enlever ses Nocturnocles pour mieux apprécier l'obscurité de la nuit naissante. C'était un moment très particulier, que le jeune Lug appréciait beaucoup. Toutes les couleurs étaient délavées mais on pouvait encore discerner quelques contrastes de noir et de gris, la canopée de la forêt qui se séparait du ciel, et les premières étoiles blanches au dessus.
Dans son oreille droite s'engouffrait le souffle erratique et encombré d'Oscar. A travers ses vêtements, il palpait sa sueur.
"T'es vraiment bête".
"Hm ?"
"T'as voulu m'aider. Tu vas attraper la flamme-gorge, l'atchoumite aigüe et sûrement un ou deux autres trucs."
"Ha." Teilo cligna des yeux en faisant la moue. Il était contaminé depuis qu'il avait touché la baguette d'Oscar alors... il sourit de toutes ses dents. "Au moins, je pourrai dire que tu m'as fait un cadeau."
Oscar gronda, entre rire sans joie et râle désespéré. "T'es vraiment... Et non, tu diras rien du tout. A personne." "Ok."
"Et vas pas t'imaginer qu'on est amis juste parce que t'as-" "Ok, ok. Oh, regarde !" Teilo tendit son bras gauche vers le ciel juste à temps. "Une étoile filante. Faut faire un vœu." "C'est juste un météoroïde. Y'a rien de magique." "Hm, tant pis pour toi."
Teilo, bien sûr, avait fait un vœu. Il concernait ceux et celles qui n'étaient pas venus lui souhaiter ses treize ans aujourd'hui. Tous ses amis qu'il avait plus ou moins volontairement écartés depuis janvier parce que ce duel avec Oscar lui avait paru tellement plus important, essentiel même, une question de vie ou de mort qui demandait beaucoup de sacrifices ! Maintenant que le duel était terminé, que toute la tension de ces derniers mois retombait, il n'était plus tout à fait sûr. Ouais. En fait, il aurait sans doute préféré faire le pitre sous un pommier, qu'on lui jette des pétales en chantant, qu'on se place timidement à côté de lui pour une photo, qu'on s'empiffre de délices ciao vanillés en rigolant. Trop tard. Ses yeux soudain humides furetèrent du côté de la forêt non loin et se posèrent sur la figure lumineuse du loup qui les suivait toujours. Il retrouva un peu le sourire et, comme Oscar toussait rauque, reporta son attention sur lui.
"Un jour, quand même, faudra que tu m'expliques." Leurs regards se croisèrent une nouvelle fois. Celui de son camarade semblait malade, un peu triste mais résolu. "Y'a rien à expliquer, Daroux. Lâche-moi maintenant !" Il fallut quelques secondes et quelques gigotements d'Oscar pour que Teilo comprenne que c'était dit au sens littéral. Ils approchaient du dispensaire et une figure les attendait devant la porte d'entrée de la serre. Oscar, qui avait pu économiser un peu d'énergie, fit le reste du chemin devant, tout seul, et salua d'un geste de la tête son grand frère.
"J'ai gagné", dit-il simplement, le visage neutre. Florian sourit en coin, sortit habilement sa fine baguette de la poche droite de sa veste et l'apposa sur la serrure. "Madame Zitelli, c'est Florian Devigne. Désolé de vous déranger, je sais que le couvre-feu est maintenant en vigueur mais mon frère Oscar et Teilo Daroux ont besoin de vos services. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils se sont débrouillés pour attraper plusieurs maladies magiques en même temps." "C'est noté, Monsieur Devigne." fit la serrure où des lèvres venaient d'apparaître. "J'ai déjà un Lug avec les mêmes symptômes. Faites-les entrer, je vous prie."
Un petit clic signala que la porte était ouverte. Sans rien ajouter, ni même regarder son grand frère, Oscar s'engouffra à l'intérieur. Teilo allait faire de même mais Florian, qui gardait une distance prudente et respectueuse, l'interpella de sa voix toujours posée. "Dommage, Teilo. Je sais que tu as beaucoup donné. Drian aussi. J'espère qu'il ne sera pas trop déçu." Le menton levé, Teilo observa un instant ce grand frère si suave. Le coin des lèvres de Devigne était finement retroussé. "Mais ne perds pas espoir... et bon anniversaire quand même."
Sans savoir pourquoi, Teilo eut la soudaine envie de lui mettre son poing dans la figure. Mais ce n'était certainement pas la meilleure manière de terminer la journée. Alors, le corps un peu tremblant - signe que voilà, il devait être contaminé - il lui sourit et approuva de la tête avant d'entrer à son tour dans le dispensaire.
Lorsque la porte se referma sur les deux petits, Florian étira ses bras en l'air en baillant, puis se mit en marche vers le château. Il avait le pas souple et élégant.
Grâce à ses lunettes, Teilo avait facilement retrouvé la baguette d'Oscar dans le buisson. Il se retourna avec un petit air victorieux et s'arrêta net. Oscar avait une autre baguette dans ses mains : la sienne.
Les deux garçons se regardèrent en silence. Puis Oscar leva sa main et tordit son poignet pour observer la baguette qu'il tenait sous tous les angles. Il finit par déclarer d'un air peu enthousiaste : "J'ai jamais vu une baguette aussi moche." Une nouvelle quinte de toux le prit aussitôt. Debout et un peu raide, Teilo pouffa. "Moi, je l'aime bien." Il avait fini par l'apprécier dans son originalité, ses aspérités, sa forme torsadée qui la rendait si différente des autres. "T'as raison. Faut faire avec ce qu'on a", ironisa Oscar. "Tu sais de quoi tu parles... avec ta tête."
L'air même sembla se tendre un peu. Mais Teilo avait calculé son coup. En plus d'avoir officiellement gagné le duel, Oscar n'avait plus de forces. Il n'allait donc pas tout gâcher pour une petite pique bien méritée. Son intuition s'avéra juste lorsque son camarade baissa sa garde en pouffant : "On dirait du mauvais Cumuci." Puis il lui lança sa baguette : "Gio va bien d'ailleurs ? Il a pensé à te faire un petit cadeau ?"
Teilo grinça des dents en attrapant sa baguette au vol, puis haussa les épaules pour toute réponse. Non, Giovanni ne lui avait pas fait de cadeau. Quant à savoir si il allait bien... la réponse était loin d'être évidente. Depuis Noël, ils se voyaient beaucoup moins qu'avant - et Oscar n'était certainement pas étranger à cette embrouille. "Ca te regarde pas", finit par affirmer Teilo avant de s'approcher d'Oscar pour lui offrir son bras. Après un moment d'hésitation, le chauve à bout de forces l'empoigna pour se relever.
"Hooo, douuucement, attends." Teilo dut l'attraper par la taille pour l'empêcher de retomber aussitôt. Puis, après s'être assuré que les jambes d'Oscar ne flageolaient plus, il passa un bras sous son épaule en guise de support et ils se mirent en marche vers le dispensaire.
Au début, ils ne se dirent rien, profitèrent un peu du silence et du calme revenus. Les questions s'entrechoquaient dans la tête de Teilo, sur ce qui s'était passé, pourquoi ça s'était passé comme ça, ce qu'il avait forcément raté, ce que Drian allait en penser. Il se sentit soudain très fatigué, à bout de forces lui aussi et décida d'enlever ses Nocturnocles pour mieux apprécier l'obscurité de la nuit naissante. C'était un moment très particulier, que le jeune Lug appréciait beaucoup. Toutes les couleurs étaient délavées mais on pouvait encore discerner quelques contrastes de noir et de gris, la canopée de la forêt qui se séparait du ciel, et les premières étoiles blanches au dessus.
Dans son oreille droite s'engouffrait le souffle erratique et encombré d'Oscar. A travers ses vêtements, il palpait sa sueur.
"T'es vraiment bête".
"Hm ?"
"T'as voulu m'aider. Tu vas attraper la flamme-gorge, l'atchoumite aigüe et sûrement un ou deux autres trucs."
"Ha." Teilo cligna des yeux en faisant la moue. Il était contaminé depuis qu'il avait touché la baguette d'Oscar alors... il sourit de toutes ses dents. "Au moins, je pourrai dire que tu m'as fait un cadeau."
Oscar gronda, entre rire sans joie et râle désespéré. "T'es vraiment... Et non, tu diras rien du tout. A personne." "Ok."
"Et vas pas t'imaginer qu'on est amis juste parce que t'as-" "Ok, ok. Oh, regarde !" Teilo tendit son bras gauche vers le ciel juste à temps. "Une étoile filante. Faut faire un vœu." "C'est juste un météoroïde. Y'a rien de magique." "Hm, tant pis pour toi."
Teilo, bien sûr, avait fait un vœu. Il concernait ceux et celles qui n'étaient pas venus lui souhaiter ses treize ans aujourd'hui. Tous ses amis qu'il avait plus ou moins volontairement écartés depuis janvier parce que ce duel avec Oscar lui avait paru tellement plus important, essentiel même, une question de vie ou de mort qui demandait beaucoup de sacrifices ! Maintenant que le duel était terminé, que toute la tension de ces derniers mois retombait, il n'était plus tout à fait sûr. Ouais. En fait, il aurait sans doute préféré faire le pitre sous un pommier, qu'on lui jette des pétales en chantant, qu'on se place timidement à côté de lui pour une photo, qu'on s'empiffre de délices ciao vanillés en rigolant. Trop tard. Ses yeux soudain humides furetèrent du côté de la forêt non loin et se posèrent sur la figure lumineuse du loup qui les suivait toujours. Il retrouva un peu le sourire et, comme Oscar toussait rauque, reporta son attention sur lui.
"Un jour, quand même, faudra que tu m'expliques." Leurs regards se croisèrent une nouvelle fois. Celui de son camarade semblait malade, un peu triste mais résolu. "Y'a rien à expliquer, Daroux. Lâche-moi maintenant !" Il fallut quelques secondes et quelques gigotements d'Oscar pour que Teilo comprenne que c'était dit au sens littéral. Ils approchaient du dispensaire et une figure les attendait devant la porte d'entrée de la serre. Oscar, qui avait pu économiser un peu d'énergie, fit le reste du chemin devant, tout seul, et salua d'un geste de la tête son grand frère.
"J'ai gagné", dit-il simplement, le visage neutre. Florian sourit en coin, sortit habilement sa fine baguette de la poche droite de sa veste et l'apposa sur la serrure. "Madame Zitelli, c'est Florian Devigne. Désolé de vous déranger, je sais que le couvre-feu est maintenant en vigueur mais mon frère Oscar et Teilo Daroux ont besoin de vos services. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils se sont débrouillés pour attraper plusieurs maladies magiques en même temps." "C'est noté, Monsieur Devigne." fit la serrure où des lèvres venaient d'apparaître. "J'ai déjà un Lug avec les mêmes symptômes. Faites-les entrer, je vous prie."
Un petit clic signala que la porte était ouverte. Sans rien ajouter, ni même regarder son grand frère, Oscar s'engouffra à l'intérieur. Teilo allait faire de même mais Florian, qui gardait une distance prudente et respectueuse, l'interpella de sa voix toujours posée. "Dommage, Teilo. Je sais que tu as beaucoup donné. Drian aussi. J'espère qu'il ne sera pas trop déçu." Le menton levé, Teilo observa un instant ce grand frère si suave. Le coin des lèvres de Devigne était finement retroussé. "Mais ne perds pas espoir... et bon anniversaire quand même."
Sans savoir pourquoi, Teilo eut la soudaine envie de lui mettre son poing dans la figure. Mais ce n'était certainement pas la meilleure manière de terminer la journée. Alors, le corps un peu tremblant - signe que voilà, il devait être contaminé - il lui sourit et approuva de la tête avant d'entrer à son tour dans le dispensaire.
Lorsque la porte se referma sur les deux petits, Florian étira ses bras en l'air en baillant, puis se mit en marche vers le château. Il avait le pas souple et élégant.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Mademoiselle Zitelli prit Teilo et Oscar en charge dès leur entrée dans le dispensaire. Le diagnostic pour chacun fut rapide et sans appel : esgourdite ET atchoumite aigüe. L'aide-guérisseuse, qui ne cachait sa désespérance, leur parlait un peu comme Maman, avec un mélange de compassion et de reproche : "Pourquoi vous sentez-vous forcés de vous faire des câlins dès que vous constatez l'apparition d'un symptôme ? Monsieur Daroux, vous étudiez la Guérison cette année. Quelle est votre excuse ?"
Euh, pensa Teilo en regardant les plantes grimpantes au plafond, mais avant qu'il ne trouve une bonne réponse, Oscar prit les devants en fronçant le nez : "Ce n'était pas des câlins, Madame Zitelli." "Mademoiselle, je vous prie." Le blondinet souffla par le nez, qu'il avait de plus en plus bouché, puis éternua bruyamment avant de reprendre : "J'avais pas assez de forces pour venir tout seul. Daroux a accepté de m'amener." Teilo tiqua et cligna rapidement des yeux. Son meilleur ennemi venait-il contre toute attente de prendre sa défense ?
"Et vous êtes tombés combien de fois sur le chemin ?" demanda l'aide-guérisseuse en scrutant leurs vêtements et visages sales. Devant leur absence de réponse à tous les deux, l'interrogatoire s'arrêta là. Mademoiselle Zitelli 'avait à faire'. Elle les invita à quelques ablutions pour se décrasser, à se changer dans des pyjamas ocres, bleus et rouges que Teilo imaginait très bien venir du Cirque Arcanus, leur fit boire à chacun une potion pour l'esgourdite, la deuxième devait être prise "à vingt-deux heures trente", puis les fit entrer dans le dortoir. Ça sentait super bon, constata Teilo, même s'il ne reconnaissait pas les plantes. Par contre, il reconnaissait très bien la tête dépassant du mur végétal qui séparait son lit du suivant.
"Paolo ?"
"Chut, Monsieur Daroux. Installez-vous et soyez sage. Je retourne au laboratoire. Tirez sur le lierre si vous avez besoin de moi."
"Oui, Madame."
"Mademoiselle."
"Pardon, Mademoiselle."
Dès qu'il la vit disparaître au-delà du seuil de l'antichambre, Teilo se remit debout et rejoignit Paolo de l'autre côté du mur de plantes. Son camarade l'attendait assis sur son lit. Il n'avait pas l'air bien lui non plus. "Qu'est-ce que tu fais là ?" lui dit Teilo en scrutant son visage. Il avait exactement les mêmes symptômes que lui. "Toi aussi, il t'a contaminé ?" Paolo fit non de la tête. Il avait le regard un peu dur. Vrai, ils ne se parlaient pas trop dernièrement, surtout depuis que Teilo avait plus ou moins refusé d'aider le portugais dans ses expérimentations. "Ben pourquoi t'es malade alors ?" "Réfléchis un peu."
Teilo cligna des yeux. Puis il tourna la tête vers Oscar. Vers Paolo. Vers Oscar. "A...ttends..." La réalisation arrondit ses yeux. Il prit cependant bien garde de ne pas s'exclamer trop fort : "C'est toi qui l'a contaminé ? Mais pourquoi ?" "Facile. Il a pris la très mauvaise habitude de me demander des desserts. Aujourd'hui, je lui ai mis des ingrédients bien à moi." "Berk", fit Teilo en imaginant ce que son camarade voulait dire par là. Puis il se reprit. "Tu m'as pas dit pourquoi." "Si t'es trop bête pour comprendre, compte pas sur moi."
Teilo était trop fatigué et malade pour s'emporter, alors il fit l'effort de réfléchir un peu en extrayant du cérumen de son oreille droite avec son petit doigt. Et la conclusion lui fit baisser les épaules. "Tu ne voulais pas qu'il m'affronte en duel." Paolo inspira par le nez et regarda ailleurs avant de cogner du poing sur son lit molletoné. "Votre duel était complètement... stupide. Dangereux ! Illégal ! Débile !" Il ne criait pas par respect pour ceux qui se reposaient mais c'était tout comme. "Vous auriez pu vous blesser gravement. Être exclus de l'Académie. Et t'as oublié quel jour on était ?"
Teilo cligna encore des yeux, les bras ballants. Il avait soudain froid au dos et à la nuque et commençait à se sentir très, très, très bête. "Moi, j'ai pas oublié", grommela Paolo avant de sortir du sac au pied de son lit un pot de...
"De la compote... de pommes ?" "Oui. Des pommes d'Alcobaça. Ca vient de chez moi. Bon anniversaire", fit le portugais le regard toujours aussi dur. Teilo mit les mains sur ses hanches, retint un éternuement et sourit en coin : "T'es bizarre." "C'est toi le bizarre, Tei. On aurait du faire comme l'année dernière avec tout le monde." La tête légèrement penchée, Teilo sourit de plus belle et alla s'asseoir sur le lit de son ami. "Ouais. Mais... tu me connais, j'aime faire original."
L'agitation de ses sourcils dérida un peu Paolo qui lui retendit le bocal. Teilo l'ouvrit et plongea l'index dedans avant d'enfourner celui-ci dans sa bouche. Le goût était tout simplement succulent, parce que c'était de la très bonne pomme, son palais de gastromage amateur le confirmait, mais surtout parce que c'était un cadeau. Probablement le seul qu'il aurait ce vingt mars. Et il l'avait bien cherché.
"Delizioooso." Paolo rigola un peu fort. "Tu le dis à l'italienne." "C'est de la faute de Gio, il déteint sur moi !" "En portugais, c'est delicioso." "Si, si, claro." "Et ça, c'est de l'espagnol, andouille." "Fermez-là. Dans toutes les langues."
Teilo et Paolo se retournèrent en même temps. Oscar avait pris place sur le lit d'a côté et, malgré le mur végétal qui les séparait, il avait sûrement tout entendu. Teilo tenta de distinguer la tête du blondinet entre les plantes. "Hé, Oscar, tu veux de la compote ?" "Je veux du silence." "Un délice snif meringué, peut-être ?" "Plus jamais je mange un truc à toi, Paolo." "Parfait." Satisfait, le portugais hocha la tête en direction d'un Teilo plutôt impressionné. Finalement, son camarade tout chétif et peureux avait trouvé une parade face à l'intimidateur bourrin que pouvait parfois être Devigne.
Et lui, il en était où ? Ils en étaient où après ce soir ? C'était peut-être le moment ou jamais de dire à Oscar ce qu'il avait sur le cœur. Alors il s'avança à genoux sur le lit jusqu'au mur de plantes, un peu comme au confessionnal, et chuchota tout : "Oscar, je voulais te dire... L'année dernière, tu m'as écrit une lettre. J'étais content, je pensais que tu voulais t'excuser. Mais après, quand je l'ai lue... j'ai pas compris. Et ça m'a fait très, très mal. Pendant longtemps. Je voulais que tu le saches."
Les larmes remontaient au souvenir de l'effet qu'avaient provoqué les mots si durs de son ancien ami. "Je crois que je t'en veux encore. Mais... j'espère que ça va s'arranger entre toi et moi. Et t'es pas une bigorne. Excuse-moi de t'avoir dit ça."
Il s'arrêta, attendit quelques secondes une réponse qui ne venait pas. Toutes les plantes du dispensaire étaient suspendues à ses lèvres. "Je ne veux plus me battre bêtement avec toi. Notre prochain duel, on le fera dans l'arène." Toujours rien. Teilo déglutit, soupira et, à cet instant, la voix tremblotante d'Oscar perça enfin le silence : "Alors prépare toi à perdre."
Teilo sourit et soupira encore, de soulagement cette fois-ci. "Ça marche." Ça avait marché, victoire ! Même s'il restait des questions en suspens : pourquoi Oscar était chauve, qui lui avait fait ça si ce n'était pas Paolo ? Pourquoi Oscar lui en avait autant voulu depuis un an ? Et surtout, maintenant qu'il avait réussi à dire la vérité à son meilleur ennemi, comment se faire pardonner auprès des amis qui lui étaient chers ? Fallait-il leur dire aussi directement ce qu'il avait sur le cœur ?
Drian aurait peut-être eu des conseils là-dessus mais, à l'évidence, le loup n'était pas entré dans le dispensaire. Peut-être que son coach personnel n'aurait pas approuvé qu'il s'épanche autant, qu'il essaie d'être si compréhensible avec son adversaire. La gentillesse était-elle vraiment une faiblesse ? Il aurait du faire quoi tout à l'heure, l'assommer pour confirmer sa victoire ? De toute façon, le sermon attendrait leur prochaine rencontre. Il avait encore besoin d'aide pour s'entraîner maintenant qu'il s'engageait officiellement sur la voie des duels légaux et il ne lâcherait pas l'Ogme jusqu'à ce qu'il accepte.
Teilo s'allongea de travers sur le lit de Paolo, le bocal de compote sur le ventre et soupira longuement. Il se sentait beaucoup mieux, mais c'était peut-être l'effet de la potion de Madame Zitelli ou des plantes qui l'entouraient. Ou de la présence d'un ami le jour de son anniversaire. Il manquait quand même des gens autour du lit : Gio, et Roseanne et Lorie et Shiloh. Même Elina, il aurait bien aimé ne pas être d'accord avec elle sur un sujet, quel qu'il soit.
Quelle journée ! La fatigue se faisait vraiment sentir et ses yeux s'alourdissaient. Ils se perdirent dans l'eau qui ruisselait le long des vitres du dispensaire. Ils remontèrent au plafond, à travers lequel on pouvait déjà voir des étoiles. Il manquait Pensée, songea le Lug en replongeant son doigt dans le pot de compote. Elle était vraiment sublime.
Euh, pensa Teilo en regardant les plantes grimpantes au plafond, mais avant qu'il ne trouve une bonne réponse, Oscar prit les devants en fronçant le nez : "Ce n'était pas des câlins, Madame Zitelli." "Mademoiselle, je vous prie." Le blondinet souffla par le nez, qu'il avait de plus en plus bouché, puis éternua bruyamment avant de reprendre : "J'avais pas assez de forces pour venir tout seul. Daroux a accepté de m'amener." Teilo tiqua et cligna rapidement des yeux. Son meilleur ennemi venait-il contre toute attente de prendre sa défense ?
"Et vous êtes tombés combien de fois sur le chemin ?" demanda l'aide-guérisseuse en scrutant leurs vêtements et visages sales. Devant leur absence de réponse à tous les deux, l'interrogatoire s'arrêta là. Mademoiselle Zitelli 'avait à faire'. Elle les invita à quelques ablutions pour se décrasser, à se changer dans des pyjamas ocres, bleus et rouges que Teilo imaginait très bien venir du Cirque Arcanus, leur fit boire à chacun une potion pour l'esgourdite, la deuxième devait être prise "à vingt-deux heures trente", puis les fit entrer dans le dortoir. Ça sentait super bon, constata Teilo, même s'il ne reconnaissait pas les plantes. Par contre, il reconnaissait très bien la tête dépassant du mur végétal qui séparait son lit du suivant.
"Paolo ?"
"Chut, Monsieur Daroux. Installez-vous et soyez sage. Je retourne au laboratoire. Tirez sur le lierre si vous avez besoin de moi."
"Oui, Madame."
"Mademoiselle."
"Pardon, Mademoiselle."
Dès qu'il la vit disparaître au-delà du seuil de l'antichambre, Teilo se remit debout et rejoignit Paolo de l'autre côté du mur de plantes. Son camarade l'attendait assis sur son lit. Il n'avait pas l'air bien lui non plus. "Qu'est-ce que tu fais là ?" lui dit Teilo en scrutant son visage. Il avait exactement les mêmes symptômes que lui. "Toi aussi, il t'a contaminé ?" Paolo fit non de la tête. Il avait le regard un peu dur. Vrai, ils ne se parlaient pas trop dernièrement, surtout depuis que Teilo avait plus ou moins refusé d'aider le portugais dans ses expérimentations. "Ben pourquoi t'es malade alors ?" "Réfléchis un peu."
Teilo cligna des yeux. Puis il tourna la tête vers Oscar. Vers Paolo. Vers Oscar. "A...ttends..." La réalisation arrondit ses yeux. Il prit cependant bien garde de ne pas s'exclamer trop fort : "C'est toi qui l'a contaminé ? Mais pourquoi ?" "Facile. Il a pris la très mauvaise habitude de me demander des desserts. Aujourd'hui, je lui ai mis des ingrédients bien à moi." "Berk", fit Teilo en imaginant ce que son camarade voulait dire par là. Puis il se reprit. "Tu m'as pas dit pourquoi." "Si t'es trop bête pour comprendre, compte pas sur moi."
Teilo était trop fatigué et malade pour s'emporter, alors il fit l'effort de réfléchir un peu en extrayant du cérumen de son oreille droite avec son petit doigt. Et la conclusion lui fit baisser les épaules. "Tu ne voulais pas qu'il m'affronte en duel." Paolo inspira par le nez et regarda ailleurs avant de cogner du poing sur son lit molletoné. "Votre duel était complètement... stupide. Dangereux ! Illégal ! Débile !" Il ne criait pas par respect pour ceux qui se reposaient mais c'était tout comme. "Vous auriez pu vous blesser gravement. Être exclus de l'Académie. Et t'as oublié quel jour on était ?"
Teilo cligna encore des yeux, les bras ballants. Il avait soudain froid au dos et à la nuque et commençait à se sentir très, très, très bête. "Moi, j'ai pas oublié", grommela Paolo avant de sortir du sac au pied de son lit un pot de...
"De la compote... de pommes ?" "Oui. Des pommes d'Alcobaça. Ca vient de chez moi. Bon anniversaire", fit le portugais le regard toujours aussi dur. Teilo mit les mains sur ses hanches, retint un éternuement et sourit en coin : "T'es bizarre." "C'est toi le bizarre, Tei. On aurait du faire comme l'année dernière avec tout le monde." La tête légèrement penchée, Teilo sourit de plus belle et alla s'asseoir sur le lit de son ami. "Ouais. Mais... tu me connais, j'aime faire original."
L'agitation de ses sourcils dérida un peu Paolo qui lui retendit le bocal. Teilo l'ouvrit et plongea l'index dedans avant d'enfourner celui-ci dans sa bouche. Le goût était tout simplement succulent, parce que c'était de la très bonne pomme, son palais de gastromage amateur le confirmait, mais surtout parce que c'était un cadeau. Probablement le seul qu'il aurait ce vingt mars. Et il l'avait bien cherché.
"Delizioooso." Paolo rigola un peu fort. "Tu le dis à l'italienne." "C'est de la faute de Gio, il déteint sur moi !" "En portugais, c'est delicioso." "Si, si, claro." "Et ça, c'est de l'espagnol, andouille." "Fermez-là. Dans toutes les langues."
Teilo et Paolo se retournèrent en même temps. Oscar avait pris place sur le lit d'a côté et, malgré le mur végétal qui les séparait, il avait sûrement tout entendu. Teilo tenta de distinguer la tête du blondinet entre les plantes. "Hé, Oscar, tu veux de la compote ?" "Je veux du silence." "Un délice snif meringué, peut-être ?" "Plus jamais je mange un truc à toi, Paolo." "Parfait." Satisfait, le portugais hocha la tête en direction d'un Teilo plutôt impressionné. Finalement, son camarade tout chétif et peureux avait trouvé une parade face à l'intimidateur bourrin que pouvait parfois être Devigne.
Et lui, il en était où ? Ils en étaient où après ce soir ? C'était peut-être le moment ou jamais de dire à Oscar ce qu'il avait sur le cœur. Alors il s'avança à genoux sur le lit jusqu'au mur de plantes, un peu comme au confessionnal, et chuchota tout : "Oscar, je voulais te dire... L'année dernière, tu m'as écrit une lettre. J'étais content, je pensais que tu voulais t'excuser. Mais après, quand je l'ai lue... j'ai pas compris. Et ça m'a fait très, très mal. Pendant longtemps. Je voulais que tu le saches."
Les larmes remontaient au souvenir de l'effet qu'avaient provoqué les mots si durs de son ancien ami. "Je crois que je t'en veux encore. Mais... j'espère que ça va s'arranger entre toi et moi. Et t'es pas une bigorne. Excuse-moi de t'avoir dit ça."
Il s'arrêta, attendit quelques secondes une réponse qui ne venait pas. Toutes les plantes du dispensaire étaient suspendues à ses lèvres. "Je ne veux plus me battre bêtement avec toi. Notre prochain duel, on le fera dans l'arène." Toujours rien. Teilo déglutit, soupira et, à cet instant, la voix tremblotante d'Oscar perça enfin le silence : "Alors prépare toi à perdre."
Teilo sourit et soupira encore, de soulagement cette fois-ci. "Ça marche." Ça avait marché, victoire ! Même s'il restait des questions en suspens : pourquoi Oscar était chauve, qui lui avait fait ça si ce n'était pas Paolo ? Pourquoi Oscar lui en avait autant voulu depuis un an ? Et surtout, maintenant qu'il avait réussi à dire la vérité à son meilleur ennemi, comment se faire pardonner auprès des amis qui lui étaient chers ? Fallait-il leur dire aussi directement ce qu'il avait sur le cœur ?
Drian aurait peut-être eu des conseils là-dessus mais, à l'évidence, le loup n'était pas entré dans le dispensaire. Peut-être que son coach personnel n'aurait pas approuvé qu'il s'épanche autant, qu'il essaie d'être si compréhensible avec son adversaire. La gentillesse était-elle vraiment une faiblesse ? Il aurait du faire quoi tout à l'heure, l'assommer pour confirmer sa victoire ? De toute façon, le sermon attendrait leur prochaine rencontre. Il avait encore besoin d'aide pour s'entraîner maintenant qu'il s'engageait officiellement sur la voie des duels légaux et il ne lâcherait pas l'Ogme jusqu'à ce qu'il accepte.
Teilo s'allongea de travers sur le lit de Paolo, le bocal de compote sur le ventre et soupira longuement. Il se sentait beaucoup mieux, mais c'était peut-être l'effet de la potion de Madame Zitelli ou des plantes qui l'entouraient. Ou de la présence d'un ami le jour de son anniversaire. Il manquait quand même des gens autour du lit : Gio, et Roseanne et Lorie et Shiloh. Même Elina, il aurait bien aimé ne pas être d'accord avec elle sur un sujet, quel qu'il soit.
Quelle journée ! La fatigue se faisait vraiment sentir et ses yeux s'alourdissaient. Ils se perdirent dans l'eau qui ruisselait le long des vitres du dispensaire. Ils remontèrent au plafond, à travers lequel on pouvait déjà voir des étoiles. Il manquait Pensée, songea le Lug en replongeant son doigt dans le pot de compote. Elle était vraiment sublime.
-- FIN --
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