Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
Samedi 7 Septembre 2024, 19h00.
Le brouhaha était toujours le même à l’entrée du dernier élève réparti par la Devineresse — une petite fille rousse au sourire adorable qui arborait la broche de Dagda comme un trophée. Assis à la table du personnel, où on discutait allègrement de Quidditch et des vacances des uns et des autres, Aliaume Delalande ne laissa pas ses émotions interférer avec le sourire de façade que l’apparition des première année avait dessiné sur son visage. C’était pourtant la dernière fois qu’il assistait à ce défilé merveilleux et la première fois sans son regretté Odin...
L’été n’avait rien changé à sa magnifique transformation physique, si ce n’était le feu emprunt de malice qui étincelait au plus profond de son regard. Mais au fond, rien n’était plus pareil pour ce sorcier qui — même si son physique disait le contraire — avait atteint l’âge vénérable de 100 ans. La solitude le rongeait depuis que son animal-de-lien n’était plus et le poids de ce qu’il était destiné à accomplir lui grignotait l’esprit, chaque jour un peu plus, à mesure qu’il activait, l’un après l’autre, les pièges auxquels il avait consacré une vie d’existence. Le poids de ses décisions passées et présentes pesaient lourds sur ses épaules lorsqu’il prit place derrière le pupitre, mais personne ne le verrait. Aux yeux de tous, il demeurerait ce vieil homme insaisissable, loufoque peut-être même, attaqué dans sa chère un jour d’avril et capable de se rajeunir d’une quarantaine d’années en juin. Une énigme qui n’en finirait plus de s’épaissir.
« Pour une fois encore, soyez toutes et tous les bienvenus dans ce qui sera, à jamais, votre maison ! annonça-t-il, sa baguette magique appuyée contre sa gorge de sorte à amplifier le son de sa voix. Comme les plus anciens d’entre vous le savent, vos maître et maîtresses de confrérie vous distribueront vos emplois du temps demain, lors du déjeuner ; vos délégués vous réaffirmeront qu’il est parfaitement stupide de tenter de pénétrer dans la forêt qui encercle les jardins et madame Cornedebrume assurera, comme l’an dernier, la bonne tenue du championnat de Quattequin. »
Aliaume marqua un court silence ponctué par les murmures excitées des élèves. Silence au cours duquel il accrocha le regard des jumelles fouille-tout, entrées dans leur dernière année, qui lui mimèrent les aiguilles d’une horloge et un point d’interrogation.
« Hm, oui. Comme me le font très justement remarquer mesdemoiselles Kleinerman, poursuivit Aliaume, un sourire plus affirmé aux coins des lèvres. Ma première annonce consistera à vous dire que les aiguilles de la tour de l’Horloge ont enfin été réparées. Vous ne pourrez plus vous servir de cette excuse pour justifier vos retards, j’en suis navré. »
Le froncement de sourcils des jumelles était sans équivoque le signe qu’elles détestaient qu’on les prenne pour des idiotes — ce qu’elles n’étaient résolument pas. De mémoire de sorciers, jamais les aiguilles de la tour de l’Horloge n’avaient fonctionné en la présence du professeur Delalande dans l’enceinte de l’académie. Leur fonctionnement signifiait depuis des décennies qu’il n’était tout simplement pas là. Et subitement, voilà qu’elles étaient réparées ? Non. Les première année n’y verraient que du feu et quelques autres qui n’avaient jamais fait le lien (ou ne s’y était jamais intéressé) mais les jumelles fouille-tout, sans tout comprendre, se doutait que ce changement augurait quelque chose d’autre.
Aliaume s’en amusa quelque peu lorsqu’il constata que la fresque enchantée du plafond rejouait la plus grande bataille jamais menée par son ordre en France : on y voyait des sorciers vêtus de blanc combattre des hordes de loups-garous féroces, d’acromentules grouillantes, et abattre la foudre sur des nuées de chauves-furie.
« Ma deuxième annonce, moins reluisante, m’oblige à vous dire que cette année est ma dernière à la tête de l’académie. Le conseil d’administration a accepté ma démission au cours de l’été et planche déjà sur l’identité de mon futur remplaçant ou ma future remplaçante. Je… »
La consternation qu’il lut sur bon nombre de visages lui fit l’effet d’une lame en plein coeur. A sa façon, il les aimait tous sans la moindre exception. Père désastreux, il n’en était pas moins un directeur attaché à ses protégés.
« Je sais que le changement peut parfois paraitre effrayant. On pense que tout durera éternellement puisqu’il en a toujours été ainsi et puis, un matin un peu brumeux, on se rend compte que tout ce qu’on prenait pour acquis est remis au cause. On se met, à tort, à douter de soi alors qu’il s’agit simplement de l’ordre naturel des choses. Profitons, si vous le voulez bien, de cette dernière année pour nous construire de beaux souvenirs tous ensemble et qui sait… peut-être qu’avec un peu de chance, cette année mémorable se terminera par un titre de champion pour mes Chevreuils de Chambon-la-Forêt ! »
Les fins connaisseurs de la ligue française de Quidditch savaient que les Chevreuils n’avaient pratiquement aucune chance d’être champions la saison prochaine (le championnat commencerait en janvier et se terminerait, en apothéose, fin août, par la finale). Ce qui fit rire quelques élèves et membres du personnel qui connaissaient l’amour inconditionnel que vouait le directeur à son équipe de coeur.
« Puisque tout est dit, je vous souhaite un bon appétit ! »
Les plats de gala surgirent aussitôt par les portes arrières. Le gastromage-en-chef de l’académie, accompagné de son équipe, agitait sa baguette comme un chef d’orchestre tandis que les mets délicieux lévitaient et se posaient sur toutes les tables dans une procession quasi ininterrompue durant deux à trois minutes.
Jessica Landi
Professeure d’Artisanat Magique
Deuxième rentrée en tant que professeure d’Artisanat et maîtresse de confrérie au sein de l’Académie de Beauxbâtons. Elle qui ne pensait pas rester longtemps, là revoilà pour un nouveau tour. Habillée d’une belle robe sorcière violette, qui rehausse ses cheveux rouges, pour une fois lâchés, Jessica sourit à sa fille et surtout aux visages plus ou moins familiers, aussi bien des anciens élèves que des premières années comme par exemple Armand, son neveu, réparti à Dagda. Elle accueille dans sa Confrérie un peu de sang Landi et Rochat aussi (éloignés). On ne change pas une équipe qui gagne. En tout cas, Armand pourra compter sur sa cousine pour l’accueillir. Même s’ils ne se connaissaient pas tant que ça. Son père, le frère de Jessica, avait toujours été à part, il ne communiquait que rarement avec eux et Jessica n’avait vu son neveu qu’à de très rares occasions alors Ava encore moins.
Avant la prise de parole de leurjeune directeur, elle papote un peu avec Renata et Cirilo, ses voisins de table. Cirilo racontait une anecdote sur sa dernière blessure pendant les vacances qui fait rire les deux femmes, rires compatissants et non moqueurs évidemment. Quoique. Elle essaye d’étouffer son dernier rictus lorsque le professeur Delalande s’avance. Elle fronce les sourcils et tente d’accrocher le regard de sa déléguée, en vain. Comment ça, la tour de l’Horloge fonctionne? Il était de notoriété publique que ce n’était pas le cas si Aliaume était présent. Elle avait maintes et maintes fois demandé à son supérieur si elle pouvait y jeter un coup d'œil, après tout les horloges ça la connaît, mais il avait toujours refusé. Et voilà que là comme par magie, elle fonctionne. Étrange. Tout aussi étrange que la suite du discours du directeur. Elle ne peut retenir un “pardon” se mêlant aux interjections de ses collègues tout aussi stupéfaits. Pourquoi fallait-il qu’ils apprennent ceci ici et surtout qu’est ce que c’était que cette nouvelle? Comment ça, démissionner? Mais quoi? Elle ne rit pas à la blague, toujours interloquée. Elle ne se laisse toutefois, pas abattre pour autant quand vient l’heure de se restaurer. Elle commande un soufflé au fromage qui la décoiffe légèrement lorsqu’elle donne un coup de fourchette et qu'une brise chaude en sort.
- Mais attendez. On va avoir un nouveau directeur? Vous pensez que le ministère a quelque chose à avoir là-dedans? Non, non, ils ne feraient pas ça. N’est-ce-pas?
Elle se tourne vers Cirilo, lui qui connaît les rouages politiques comme sa poche.
Avant la prise de parole de leur
- Mais attendez. On va avoir un nouveau directeur? Vous pensez que le ministère a quelque chose à avoir là-dedans? Non, non, ils ne feraient pas ça. N’est-ce-pas?
Elle se tourne vers Cirilo, lui qui connaît les rouages politiques comme sa poche.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Quand Teilo entra dans le réfectoire, celui-ci était déjà bien rempli. Il avisa aussitôt le première année à qui il avait dit d'attendre à l'entrée et lui donna une petite fiole qu'il lui intima de boire sur le champ. Devant l'hésitation du blond bouclé et aux yeux rouges, il eut quelques mots rassurants. Dès qu'il fut assuré que Blas, puisque le petit s'appelait ainsi, eut bu jusqu'à la dernière goutte, il le guida mains sur les épaules vers une des tables rondes où il restait encore des places et l'invita à s'asseoir.
Le Lug accéléra ensuite le pas pour retrouver la table de ses amis, saluant rapidement au passage le nombre assez incroyable de gens connus, élèves, personnels comme professeurs.
"T'étais où ?" le réprimanda Paolo les yeux plissés. "Content de te revoir aussi", lui répondit Teilo en souriant de toutes ses dents. "Vous m'avez tous beaucoup manqué", ajouta-t-il à l'intention de la tablée avant de taper sur l'épaule du portugais. "T'as passé des bonnes vacances ?" "Si on veut. T'étais où ?" "J'aidais Blas." "C'est qui ça ?" "Le première année le plus malchanceux de l'histoire de l'Académie. Il a du attraper l'atchoumite aigüe sur le quai de la gare à Paris. Je vous raconte pas le voyage dans le carrosse. C'était les six heures les plus looooongues de ma vie." Paolo soupira. "Et il est à Lug ?" "Ohhh oui", confirma un Teilo rayonnant avant de s'asseoir. Les bras croisés et une jambe par dessus l'autre, il continua : "Heureusement, Meredith avait assez de rhumiel en stock et je me suis souvenu de la recette. Madame Yapara peut être fière de moi, j'ai évité une épidémie le tout premier jour."
"Et les autres ?" "Hm ?" "Les autres qui étaient avec vous dans le carosse ?" "Oh, t'inquiète pas..." Le Lug fit craquer son cou. "Hé, vous trouvez pas ça biz-"
Une voix ample, reconnaissable entre mille, le coupa dans son élan. Comme tous les autres présents, il se tut et tendit aussitôt l'oreille. Rapidement, un sourire lui vint aux lèvres. Ça faisait déjà trois fois qu'il entendait Monsieur Delalande souhaiter la bienvenue à tous ses élèves et la familiarité de cette tradition - parmi toutes celles de la rentrée - lui donna la chair de poule. Le directeur n'avait plus besoin de le convaincre, il était maintenant certain d'être chez lui à Beauxbâtons.
"Je n'arrive toujours pas à comprendre comment il a fait pour rajeunir comme ça", marmonna Paolo. "Chut", répondit Teilo en fronçant les sourcils. Peu importait pour lui, au fond. Delalande était un des plus grands mages blancs du monde. Il avait survécu à la mort de son familier, était sorti de cette épreuve plus fort encore. Voilà qui était inspirant.
Lorsque le maître des lieux évoqua rapidement les délégués, le Lug se rassit correctement dans sa chaise et redressa son dos. Une petite goutte de sueur fila le long de sa nuque. Il s'aperçut qu'il retenait sa respiration et s'autorisa à souffler.
"Les aiguilles de l'Horloge ? Elles n'ont jamais fonctionné quand il était là", marmonna de nouveau Paolo, l'air soucieux. "Hm ?" Teilo cligna des yeux, il venait de louper une partie du discours. "Ha oui... c'est vrai, ça". Encore un curieux mystère qui ne leur serait probablement jamais totalement révélé. C'était ça, la vie à Beauxbâtons, et cette année, Teilo avait décidé de ne pas courir après chaque mystère, petit ou grand, pour se concentrer uniquement sur ceux du Cercle des Bâtisseurs qu'il avait intégré en fin d'année dernière avec Roseanne. D'ailleurs, où étaient Joseph, Hernan, Fernando et Léonilde ? Le cou tendu, il les chercha du regard dans le réfectoire.
"Quoi ?" s'estomaqua soudainement un Paolo outré. Et vu les bruits similaires dans le réfectoire, Teilo comprit que c'était quelque-chose que Delalande avait dit. Il se reconcentra donc sur les propos de l'ancêtre et comprit la torpeur ambiante. Ses propres muscles se raidirent un peu, ses yeux et sa bouche s'arrondirent. Delalande démissionnait ? Il partait à la retraite ? Il... allait combattre les mages noirs loin de Beauxbâtons ?
Les mots suivants le touchèrent droit au cœur. Delalande pouvait donner cette impression qu'il s'adressait personnellement à vous alors qu'il parlait à une salle toute entière. Le changement dont parlait le directeur, il l'avait bel et bien vécu cet été, et il était certain que c'était loin d'être terminé. Tout autour de lui semblait changer et oui, ça lui arrivait de douter de lui-même. Mais c'était l'ordre naturel des choses, disait l'ancêtre.
Les larmes montèrent soudain aux yeux du Lug. Il ne savait pas si c'était l'annonce du départ de son directeur ou juste ce qu'il venait de dire. Peut-être les deux. Heureusement, la petite blague qui suivit fit aussi son effet - comme la main réconfortante de Paolo sur son bras - et Teilo pouffa en chœur avec d'autres élèves. Aucune chance que les Chevreuils ne gagnent quoi que ce soit au Quidditch. Ils étaient vraiment trop mauvais.
"Bon appétit, Monsieur", souffla-t-il en réponse au directeur même s'il était certain que celui-ci ne l'entendrait pas. Il se racla la gorge pour en chasser le chat et réitéra un "Bon appétit, tout le monde" plus enthousiaste à ses camarades. Déjà les plats se posaient au milieu d'eux et révélaient leurs odeurs alléchantes. "Hmmm, vous savez quoi ? J'ai une faiiiiim" "-de Lug." "Ho, Paolo. On coupe pas les blagues de son délégué." "Hein ? Ha. Ha ha. Celle-là, je la connaissais pas. Tu l'as peaufinée pendant les vacances ?"
Teilo plissa les yeux pour donner à son regard un aspect perçant. "C'est pas une blague." Il agita malicieusement les sourcils. "C'est une surprise !" "Oui, d'accord. Au fait, tu me dois toujours un sablipnotique. Ne va pas croire que j'ai oublié."
Teilo cligna rapidement des yeux. Paolo s'était levé de sa chaise pour s'intéresser au plat. Si même Paolo ne prenait pas l'annonce au sérieux, cette troisième année pourrait-elle être plus compliquée que prévue ? Bah. Quoi qu'il advienne, le Lug se promettait déjà une chose : il allait en profiter et, comme le souhaitait son directeur, construire de beaux souvenirs avec toutes celles et tous ceux qui le voulaient bien, à commencer par ses amis.
A son tour, il se leva pour se servir, salive déjà aux lèvres.
Le Lug accéléra ensuite le pas pour retrouver la table de ses amis, saluant rapidement au passage le nombre assez incroyable de gens connus, élèves, personnels comme professeurs.
"T'étais où ?" le réprimanda Paolo les yeux plissés. "Content de te revoir aussi", lui répondit Teilo en souriant de toutes ses dents. "Vous m'avez tous beaucoup manqué", ajouta-t-il à l'intention de la tablée avant de taper sur l'épaule du portugais. "T'as passé des bonnes vacances ?" "Si on veut. T'étais où ?" "J'aidais Blas." "C'est qui ça ?" "Le première année le plus malchanceux de l'histoire de l'Académie. Il a du attraper l'atchoumite aigüe sur le quai de la gare à Paris. Je vous raconte pas le voyage dans le carrosse. C'était les six heures les plus looooongues de ma vie." Paolo soupira. "Et il est à Lug ?" "Ohhh oui", confirma un Teilo rayonnant avant de s'asseoir. Les bras croisés et une jambe par dessus l'autre, il continua : "Heureusement, Meredith avait assez de rhumiel en stock et je me suis souvenu de la recette. Madame Yapara peut être fière de moi, j'ai évité une épidémie le tout premier jour."
"Et les autres ?" "Hm ?" "Les autres qui étaient avec vous dans le carosse ?" "Oh, t'inquiète pas..." Le Lug fit craquer son cou. "Hé, vous trouvez pas ça biz-"
Une voix ample, reconnaissable entre mille, le coupa dans son élan. Comme tous les autres présents, il se tut et tendit aussitôt l'oreille. Rapidement, un sourire lui vint aux lèvres. Ça faisait déjà trois fois qu'il entendait Monsieur Delalande souhaiter la bienvenue à tous ses élèves et la familiarité de cette tradition - parmi toutes celles de la rentrée - lui donna la chair de poule. Le directeur n'avait plus besoin de le convaincre, il était maintenant certain d'être chez lui à Beauxbâtons.
"Je n'arrive toujours pas à comprendre comment il a fait pour rajeunir comme ça", marmonna Paolo. "Chut", répondit Teilo en fronçant les sourcils. Peu importait pour lui, au fond. Delalande était un des plus grands mages blancs du monde. Il avait survécu à la mort de son familier, était sorti de cette épreuve plus fort encore. Voilà qui était inspirant.
Lorsque le maître des lieux évoqua rapidement les délégués, le Lug se rassit correctement dans sa chaise et redressa son dos. Une petite goutte de sueur fila le long de sa nuque. Il s'aperçut qu'il retenait sa respiration et s'autorisa à souffler.
"Les aiguilles de l'Horloge ? Elles n'ont jamais fonctionné quand il était là", marmonna de nouveau Paolo, l'air soucieux. "Hm ?" Teilo cligna des yeux, il venait de louper une partie du discours. "Ha oui... c'est vrai, ça". Encore un curieux mystère qui ne leur serait probablement jamais totalement révélé. C'était ça, la vie à Beauxbâtons, et cette année, Teilo avait décidé de ne pas courir après chaque mystère, petit ou grand, pour se concentrer uniquement sur ceux du Cercle des Bâtisseurs qu'il avait intégré en fin d'année dernière avec Roseanne. D'ailleurs, où étaient Joseph, Hernan, Fernando et Léonilde ? Le cou tendu, il les chercha du regard dans le réfectoire.
"Quoi ?" s'estomaqua soudainement un Paolo outré. Et vu les bruits similaires dans le réfectoire, Teilo comprit que c'était quelque-chose que Delalande avait dit. Il se reconcentra donc sur les propos de l'ancêtre et comprit la torpeur ambiante. Ses propres muscles se raidirent un peu, ses yeux et sa bouche s'arrondirent. Delalande démissionnait ? Il partait à la retraite ? Il... allait combattre les mages noirs loin de Beauxbâtons ?
Les mots suivants le touchèrent droit au cœur. Delalande pouvait donner cette impression qu'il s'adressait personnellement à vous alors qu'il parlait à une salle toute entière. Le changement dont parlait le directeur, il l'avait bel et bien vécu cet été, et il était certain que c'était loin d'être terminé. Tout autour de lui semblait changer et oui, ça lui arrivait de douter de lui-même. Mais c'était l'ordre naturel des choses, disait l'ancêtre.
Les larmes montèrent soudain aux yeux du Lug. Il ne savait pas si c'était l'annonce du départ de son directeur ou juste ce qu'il venait de dire. Peut-être les deux. Heureusement, la petite blague qui suivit fit aussi son effet - comme la main réconfortante de Paolo sur son bras - et Teilo pouffa en chœur avec d'autres élèves. Aucune chance que les Chevreuils ne gagnent quoi que ce soit au Quidditch. Ils étaient vraiment trop mauvais.
"Bon appétit, Monsieur", souffla-t-il en réponse au directeur même s'il était certain que celui-ci ne l'entendrait pas. Il se racla la gorge pour en chasser le chat et réitéra un "Bon appétit, tout le monde" plus enthousiaste à ses camarades. Déjà les plats se posaient au milieu d'eux et révélaient leurs odeurs alléchantes. "Hmmm, vous savez quoi ? J'ai une faiiiiim" "-de Lug." "Ho, Paolo. On coupe pas les blagues de son délégué." "Hein ? Ha. Ha ha. Celle-là, je la connaissais pas. Tu l'as peaufinée pendant les vacances ?"
Teilo plissa les yeux pour donner à son regard un aspect perçant. "C'est pas une blague." Il agita malicieusement les sourcils. "C'est une surprise !" "Oui, d'accord. Au fait, tu me dois toujours un sablipnotique. Ne va pas croire que j'ai oublié."
Teilo cligna rapidement des yeux. Paolo s'était levé de sa chaise pour s'intéresser au plat. Si même Paolo ne prenait pas l'annonce au sérieux, cette troisième année pourrait-elle être plus compliquée que prévue ? Bah. Quoi qu'il advienne, le Lug se promettait déjà une chose : il allait en profiter et, comme le souhaitait son directeur, construire de beaux souvenirs avec toutes celles et tous ceux qui le voulaient bien, à commencer par ses amis.
A son tour, il se leva pour se servir, salive déjà aux lèvres.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Il y avait une atmosphère étrange à pénétrer de nouveau dans le réfectoire. C’était la sixième fois que Lorie flouait le sol de l’académie. Arrêtée au milieu du chemin, elle se fit bousculer par un autre élève visiblement pressé de s’asseoir. « Pardon ! » Avait-il beuglé sans vraiment se retourner. Lorie ne répondit pas, elle sondait le réfectoire pour retrouver ses sœurs, ses amis et surtout une place qui pourrait être libre à leur table. Lorsqu’elle accrocha le regard de l’une de ses petites sœurs, bien entendu attablée avec des frimousses qu’elle connaissait bien, elle engagea un pas vers la table déjà bien animée.
« Bonsoir » avait-elle simplement dit en attrapa la chaise qu’elle tirait pour s’y asseoir.
Comme dans un rituel bien huilé, elle repositionna (pour rien) les couverts présents ainsi que son verre. Elle écouta sans vraiment y faire attention Teilo qui expliquait déjà ses mésaventures avec Pensée qui l'écoutait avec une attention et des yeux particuliers. Il fut rapidement coupé par le discours du vieux maître qui se tenait devant le pupitre. La respiration lente, le menton posé sur le revers de ses mains, la blonde écoutait Delalande faire son dernier discours d’entrée. Elle toisa bien Paolo d’un regard dur et acéré pour sa remarque, mais Teilo le lui fit remarquer. Alors, Lorie laissa un sourire amusé s’écrire sur son visage et hocha la tête à l’énumération de la chose parfaitement stupide à faire : entrer dans la forêt.
La seconde annonce du directeur n’avait rien d’une surprise pour Lorie, elle qui avait pu passer ses vacances chez les Delalande et qui avait eu le luxe de discuter avec son maître de bien des choses. Elle savait, depuis maintenant presque un an, ce qu’il adviendrait du vieux rajeunit. Les yeux luisants, elle déglutit et s’efforça de ne pas lâcher une larme à cette annonce.
Puis dans une énième respiration profonde, Lorie hocha la tête. Comme une promesse, elle profiterait de cette dernière année pour construire des souvenirs heureux avec ceux qu’elle aimait, appréciait et chérissait.
« Bon appétit… »
Lorie commença à se servir et à manger en silence lorsqu’elle entendit Teilo dire haut et fort qu’il était désormais le délégué de Lug. Elle haussa un sourcil, mais elle n’avait pas détecté de mensonge, après le dîner, elle aurait tout le luxe de le voir dans le salon des délégués.
« Félicitations Teilo » souffla Lorie entre deux bouchés alors que sa petite sœur tournait les yeux avec un air ébahi sur le visage. « Bravo Tei ! » S’exclama-t-elle dans un instant d’euphorie. Lorie, laissa un sourire complice s’afficher, marqué par une certaine fierté de voir son ami devenir une sorte de collègue. « Je suis heureuse que ta maîtresse de confrérie t’ait accordé cette confiance… Tu la mérites. » Lorie parlait comme si tout était normal, elle n’affichait aucune surprise sur son visage. C’était comme si cette nouvelle était de l’ordre naturel des choses. Ainsi elle fourra une nouvelle fois sa fourchette dans la bouche, se délectant des saveurs que la gastromagie française pouvait créer encore en elle, un tourbillon de surprises délicieux.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Samedi 07 septembre 2024
Septième année - 17 ans
______
Septième année - 17 ans
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Les discussions bourdonnent autour de moi sans que je n'en accroche aucune, tout comme pendant la réunion dans le salon des délégués où j'ai eu le déplaisir d'y retrouver Lorie et l'étonnement d'y voir Teilo. Un moment éprouvant après ma confrontation avec les deux hommes les plus puissants de l'école, mais rien en comparaison. Je m'en serai quand même bien passé.
Maintenant attablé entre Abbie et Tobias, mon regard reste fixé sur le directeur et son sourire de façade, qui ressemble en tout point à celui que j'arbore moi même. Je suis épuisé et j'ai encore du mal à réaliser tout ce qu'il s'est passé, à réaliser pourquoi je suis assis là l'air de rien, alors que celui qui dirige cette école m'accuse d'avoir tué son ami. Je sais que je ne devrai pas être là, je sens que je suis surveillé, épié, même si je ne vois pas le majordome. Il est là quelque part et si ce n'est pas lui, c'est surement une des fantasies de ce chateau. Les statues seront probablement moins bavardes avec moi cette année, les Michels plus vindicatifs. A moins qu'ils aient reçu l'ordre de ne rien laisser paraitre.
Sous la table, mes doigts sont entrelacés à ceux d'Abbie. Je lui ai pourtant promis cet été d'accepter pleinement notre relation mais je ne peux pas. Je ne peux pas l'exposer, et je ne peux pas montrer que je tiens à elle. Personne ne doit savoir. Je la serre une dernière fois avant de la relâcher et de remettre ma main sur la table. Ma paume picote à cause des sillons que mes ongles y ont tracé plus tôt mais la douleur est largement supportable. Ce qui l'est moins, c'est le regard blessé qu'Abbie me lance mais je ne peux rien y faire. Je ne peux rien lui dire pour le moment et même si elle a compris qu'il s'est passé quelque chose, elle ne peut pas encore en prendre la mesure. Elle comprendra dès que je lui aurai expliqué - en partie - la situation. Je suis certain qu'elle comprendra. Elle sait déjà beaucoup de chose et elle ne m'a pas rejeté, alors pourquoi le ferait-elle si je lui explique que je la repousse pour la protéger ?
Le silence se fait et le Mage blanc prend la parole. Je garde une neutralité parfaite même à l'annonce de sa démission qui s'accorde étrangement à la bataille qui se joue au plafond. Elle me laisse néanmoins perplexe. Il n'avait pourtant pas l'air d'avoir prévu d'échouer... Le reste de ses paroles raisonnent étrangement en moi. J'y entend un double sens que la plupart ne percevront pas et elles tournent encore dans ma tête encore longtemps après l'arrivé des premiers plats que je touche à peine. Ce n'est que lorsque je perçois autour de moins une étrange agitation frémissante que je me sors de ma torpeur.
Un silence pesant à la table voisine attire mon attention tandis que je capte des regards à la dérobée dans ma direction. Je me crispe immédiatement et analyse chacun des élèves pour identifier celui qui pourrait me nuire mais n'y voit que des premières - des têtes totalement inconnues - et des deuxième ou troisième année tout au plus.
- Tu t'appelles vraiment Ambre "Vaillant" ? Tu es de la famille du délégué d'Ogme ? Demande un probable troisième année à une fillette arborant la broche de Dagda lui sur son uniforme, en me désignant ostensiblement du doigt. Ce gamin n'a, de toute évidence, pas encore assimilé les règles élémentaires de la politesse.
Elle me regarde et toutes ses émotions se lisent facilement sur son visage marqué par les rondeurs de la jeunesse. Passé la surprise, elle se ramasse sur elle-même et des tâches brunes de gêne apparaissent sur ses joues bronzées. Sa timidité lui fait baisser son regard mais sa curiosité les ramène par intermittence vers moi. Elle ne ressemble à personne de ma connaissance. Qui peut-elle bien être ? Certainement pas quelqu'un de ma famille. Il n'y a qu'une seule famille de sorcier Vaillant en France. Une enfant de non-mage ?
- Je... je crois, finit-elle pourtant par répondre.
Qu'est ce que c'est encore que ça ? Mon masque de neutralité se fissure et je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils. La seule manière pour qu'elle ait un lien de parenté avec moi est qu'elle soit la fille de Thiberius mais mon oncle n'a jamais mentionné d'enfant et elle ne lui ressemble en rien. Le regard vitreux de l'homme me revient alors en tête et j'en ai la nausée. Qu'elle est donc cette mauvaise blague ?
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
Il existait à Beauxbâtons un certain nombre de rituels immuables. Le dîner de rentrée dans le réfectoire, qui succédait à la répartition des élèves de première année dans la cour au pommier, était l’un d’entre eux et signait véritablement le début d’une nouvelle année scolaire. Désormais en troisième année, la petite Lefèbvre faisait en quelques sortes partie des habitués, même si elle était bien loin de la soixantaine de rentrées cumulées – peut-être même plus ? – d'Aliaume Delalande, le directeur de l’académie. Assise à côté de sa cousine Alba, comme pendant le trajet en carrosse, la petite normande avait pris place non loin de l’estrade du personnel. Autour de la table, les conversations allaient bon train entre plusieurs élèves de sa promotion. Chacun racontait avec enthousiasme ses vacances scolaires ; un de ses camarades d’Ogme avait même assisté à la grande finale de la ligue de Quidditch entre les Éperviers de Fournols et les Mousquetaires de Monchaux-sur-Écaillon. La chance ! Si l’équipe de son parrain, les Canonniers d’Osse-en-Bazar, s’était qualifiée, elle aurait sans doute eu des places elle aussi... Le retour des élèves avait indéniablement ramené de l’animation à l’académie. Tous semblaient ravis de retrouver le château, si bien qu’il régnait une ambiance légère dans le réfectoire, en attendant que la répartition des petits nouveaux ne se termine. Au compte-goutte, les premières années débarquaient en passant par une porte dérobée depuis la cour du pommier, arborant fièrement la broche de leur confrérie. Maëlle se rappelait encore comme si c’était hier de son passage devant la Devineresse ; la fébrilité mêlée à l’excitation, puis la délivrance, pour ainsi dire... Santourbillon, c’était elle qui avait choisi de rejoindre Dadga. Le souvenir était gravé dans sa mémoire à jamais. Au bout d’une vingtaine de minutes, le directeur de Beauxbâtons se leva pour prendre la parole, faisant taire presqu’instantanément les conversations. Les vacances scolaires n’avaient en rien changé ses traits rajeunis, témoins de son impressionnante métamorphose lors du dîner de fin d’année, en juin dernier. Il ne faisait vraiment plus son âge... Les deux cousines écoutèrent avec attention le discours du vieil homme, qui dans les premières phrases s’apparentait plutôt à une litanie de générales banalités. Des rappels sans doute nécessaires, tout au plus... La troisième année esquissa un sourire amusé lors que le directeur Delalande évoqua la réparation des aiguilles de la tour de l’horloge. Tiens, elle n’avait même pas pensé à vérifier à sa descente du carrosse, dans les jardins de l’académie... L’horloge qui ne donnait pas l’heure, c’était une originalité de l’académie à laquelle elle s’était facilement accommodée. Avec ces considérations presque futiles – du moins à ses yeux – la petite normande n’était pas prête pour la nouvelle qui allait suivre. Quoi ? Mais non, non... Aliaume venait d’annoncer le plus simplement du monde que ce serait sa dernière année à la tête de Beauxbâtons, un peu de la même façon qu’il avait expliqué quelques minutes auparavant que les emplois du temps ne seraient distribués que le lendemain... La sidération semblait s’être abattue sur le réfectoire de l’académie. Il n’avait pas le droit de les abandonner là... Comme beaucoup, Maëlle avait du mal à encaisser cette nouvelle. Il lui restait cinq années d’études, en comptant celle qui débutait ce soir, et jamais elle ne s’était imaginée que cela se fasse sans l’irremplaçable directeur Delalande. Désormais centenaire, ce dernier méritait sans doute sa retraite après tant d’années de bons et loyaux services auprès de l’école. Un peu égoïstement pourtant, la petite Lefèbvre ne voulait pas se résoudre à l’accepter... Même la petite boutade sur les Chevreuils de Chambon-la-Forêt ne lui arracha pas le moindre sourire. La mine renfrognée, Maëlle attaqua le festin sans envie lorsque les plats clochés lévitèrent jusqu’à leur table. « Bon appétit ! » marmonna-t-elle tout de même, à l’attention de ses camarades. Après une telle annonce, l’ambiance était retombée tel un soufflé mal ensorcelé, presque morose. La jeune Dagda se sentait presque nostalgique d’une année scolaire qui n’avait pas encore commencé. Au fil des discussions animées, elle finit tout de même par se dérider quelque peu, finalement décidée à profiter de la présence du professeur d’Alchimie pour les prochains mois. |
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