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Teilo Daroux
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
https://www.beauxbatons.org/t136-teilo-daroux

Dim 6 Oct 2024 - 22:57


Jeudi 11 juillet 2024
La Tour du Plantay
Les Dombes


En réponse à Giovanni.

Assis les pieds dans l'eau au bord de l'étang qui jouxtait sa demeure pour l'été, le regard voguant à la surface de l'eau légèrement trouble que seuls des petits coups de vent venaient perturber, Teilo rêvassait en ne pensant, pour une fois, à rien. Derrière lui, la voix de Robin l'arracha soudain à sa contemplation. "Hé, Tei, tu as du courrier !" Aussitôt, le sorcier en vacances cracha le jonc qu'il avait dans la bouche, s'extirpa de l'eau et remonta la pente raide jusqu'à son petit frère qui tendait une lettre à bout de bras. Il la saisit avec un peu trop d'enthousiasme mais Robin se contenta d'afficher un petit sourire.

"C'est Gio", conclut rapidement Teilo après avoir observé la calligraphie sur l'enveloppe. Un sourire béat sur les lèvres, il répéta à l'intention de Robin : "C'est Giovanni. Tu te rappelles de lui ? L'été dernier, l'italien. Le bras de fer..." "Oui, je me souviens", fit le petit avec sérieux. "Mais comment il a su qu'on était ici ?" Teilo cligna des yeux quelques secondes avant de clamer "Parfois, faut pas se poser de questions. C'est magique, petit frère. Va falloir que tu t'habitues, tu rentres à Beauxbâtons dans un an !"

Sans attendre, Teilo se dirigea pieds nus, oubliant ses chaussures, jusqu'à la petite tour en briques rouges vingt mètres plus loin. Il savait que Robin ne pouvait se satisfaire de cette réponse. Lui non plus, en temps normal. Mais là, il était tellement heureux que Giovanni lui écrive... c'était comme... comme un signe que malgré tout ce qui s'était passé, tout ce qui pouvait se passer, rien ni personne n'empêcherait leur lien de perdurer.

Il gravit les soixante-cinq marches du donjon à la hâte, sans trop reprendre son souffle. Une fois dans les combles moites et austères qui leur servaient de chambre commune à lui et Robin, il s'affala ventre le premier sur son matelas de fortune qui sentait encore un peu le moisi et déchira le haut de la précieuse enveloppe avec ses dents et ses doigts. Puis, goulument, il se mit à lire les mots que son ami avait décidé de lui adresser d'Italie.

Son sourire ne quitta pas ses lèvres de toute sa lecture. C'était définitivement Gio, et ça ne se voyait pas qu'à sa belle écriture. Il entendait presque son ami là, à côté de lui, en train de prononcer ces mots de son accent chantant et de son timbre grognon. Comme la lettre était bien trop courte, Teilo la relut une seconde fois en reniflant - il sortait d'un rhume et était encore un peu congestionné. Puis il s'étala sur le dos et soupira longuement, rassuré. L'inquiétude qui l'avait grignoté jour après jour depuis leur duel fin juin s'estompait par le truchement de simples lettres agencées entre elles. Il avait beau avoir déjà ressenti l'immense pouvoir des mots, ça le surprenait toujours un peu.

Il devait lui répondre. Maintenant.

D'un bond, le garçon se redressa, se prit les pieds dans ses draps, tituba, manqua de se casser la figure en glissant sur une figurine mais finit par rejoindre le secrétaire antédiluvien au bois craquelant que sa grande-tante avait fait installer là pour qu'il puisse réviser et travailler pendant les vacances. Ses livres et parchemins d'Alchimie et de Métamorphose jonchaient pêle-mêle le petit espace. Il les poussa avec ses mains et tira un parchemin vierge d'un tiroir. Plume à la main, il ne lui fallut pas longtemps pour trouver l'inspiration. Il s'appliqua pour écrire au moins aussi bien que l'italien.

Cher Giovanni,

Merci pour ta lettre. J'ai tout de suite reconnu ton écriture. Bien sûr que je ne t'en veux pas, les amis, ça pardonne toujours ! J'espère que tu pourras aussi me pardonner. J'étais tellement concentré sur Oscar depuis Noël, je voulais tellement le battre en duel que je vous ai un peu mis de côté, toi et Pensée, Paolo et Shiloh, Roseanne aussi. Je n'en suis pas fier. Vous auriez du me dire que j'étais bête. Parfois, on peut être bête et on ne s'en rend même pas compte. Mais les amis, ça sert à ça, tu ne penses pas ?

Je n'ai pas de kit de survie mais je t'envoie de la force pour tes deux petites cousines. Ariane m'en a fait voir de toutes les couleurs quand on était plus petits. J'ai survécu en la laissant faire, j'ai cédé à tous ses caprices, je suis même devenu son doudou-punching ball préféré. Elle m'en veut quand même parce que je n'aurais jamais du accepter de m'éloigner d'elle pour aller à Beauxbâtons. Mais je ne perds pas espoir qu'un jour, elle me remercie d'avoir été un super grand frère.


Teilo renifla. Au dessus de sa tête, sur le toit de la tour, des tuiles ou des briques bougeaient. Le vent ?

D'après moi, tu as plusieurs solutions : soit tu t'enfermes dans ta chambre et tu demandes à tes parents de te monter les repas, soit tu marques clairement ton territoire comme tu sais si bien le faire, soit tu fais comme moi et tu essaies d'être gentil avec elles. Elles ont quel âge ? Si elles rentrent bientôt à Beauxbâtons, elles doivent avoir plein de questions à te poser. Tu peux peut-être les rassurer ? Quoi que tu choisisses, j'ai hâte que tu me racontes comment ça s'est passé.

Je t'avoue, je suis jaloux. J'aurais vraiment aimé aller voir le Cirque Arcanus, depuis le temps que j'en entends parler. Mais à chaque fois que c'était possible, un événement imprévu venait tout chambouler. Cet été, c'est pareil. Je t'écris d'en haut d'une vieille tour en briques rouges à cinquante kilomètres de Lyon. Moi et Robin y sommes pour les vacances avec notre grande-tante. On appelle ça les Dombes. Tout autour de nous, il n'y a que des étangs par dizaines, petits et grands, coupés par des petits bois, visités par pleins d'oiseaux différents et beaucoup, beaucoup de grenouilles. Il y en a une qui vient le matin sur la berge quand on prend notre petit-déjeuner. Je l'ai appelée Pauline parce que j'ai toujours l'impression qu'elle me reproche un truc quand elle croasse.

Tu dois te demander ce que je fais ici. La raison officielle, c'est qu'on déménage et que ça prend du temps. J'ai du dire au revoir à ma chambre début juillet. Ça m'a fait quelque chose de me dire que je n'y reviendrai plus jamais, comme une sorte de grand vide. Ma mère voulait en profiter pour jeter le plus de choses possibles, mais je te rassure, j'ai presque tout sauvé, y compris les cadeaux de mes amis. Ton torchon et ton éponge me sont très utiles ici, il y a beaucoup de saleté !


Il pouffa de sa propre blague et releva le nez vers la figurine de carcohl géant posée en haut du secrétaire et que Gio lui avait offert pour ses douze ans. Il se rappelait parfaitement de cette journée, des pétales, des rires, de la photo et des cadeaux. C'était une des meilleures de toute sa vie, si on oubliait la lettre d'Oscar. Le même bruit en haut du toit l'extirpa de ses souvenirs. Il fronça les sourcils, tendit l'oreille mais comme il n'entendait plus rien, il se remit à écrire.

En reniflant.

Je pensais que j'allais m'ennuyer ici mais c'est tout l'inverse. J'ai été surpris d'apprendre que j'avais une grande-tante et qu'elle habitait seule une maison au milieu des étangs. Elle ne parle pas beaucoup et nous laisse faire plus ou moins ce qu'on veut. Comme elle a mal aux jambes, elle ne monte jamais dans la tour. Robin la trouve bizarre, elle doit avoir cent douze ans, ça ne m'étonnerait pas qu'elle soit bien plus vieille que Monsieur Delalande, enfin, le Delalande d'avant. Elle a une grande bibliothèque qui sent le renfermé. Son truc préféré, c'est de fumer des longues cigarettes assise sur sa chaise en plastique blanc, au bord de l'étang. Pour se protéger du soleil, elle a une ombrelle multicolore.

Moi aussi, j'aime bien faire comme elle, me poser au calme au bord de l'eau pour essayer de repérer les poissons et les oiseaux. Ça va te paraître bête mais ça me rend heureux, je ne sais pas pourquoi. Je révise aussi, j'arrive à mieux me concentrer. Et avec Robin, on explore un peu les environs. Je suis sûr qu'on va trouver plein de nouveaux mystères. Dommage que tu ne sois pas là pour nous aider.

Je vais m'arrêter là, ma lettre est déjà bien assez longue. Je crois bien que ça m'avait manqué de te parler. J'espère qu'on pourra continuer à la rentrée et que je pourrai t'aider à résoudre ton problème. D'ici là, buona vacanze !

Signé Teilodagobert, la fleur qui pousse à l'envers.
Même si je crois bien que je te rattrape. A vérifier en septembre.


Teilo relâcha sa plume dans un soupir. Voilà, il avait dit tout ce qui lui passait par la tête à Gio. Un instant, il contempla l'idée de relire et corriger, peut-être édulcorer son propos, mais il décida de ne rien en faire. Il restait à demander une enveloppe à sa grande-tante, inscrire l'adresse de Gio qu'il connaissait par cœur et mettre le tout dans la boîte aux lettres. Content de lui, le garçon se releva de sa chaise grinçante et s'approcha d'une des fenêtres carrées qui laissaient passer la lumière blafarde du jour. En contrebas de la tour, Robin jouait tout seul aux échecs à même le sol.

"Hé-ho en bas !" lui cria Teilo.
"Hé-ho en haut !" lui répondit Robin en relevant la tête. Teilo sourit. C'était un nouveau rituel qu'ils avaient adopté dès leur premier jour ici. "T'as terminé ?" Teilo opina du chef avant d'être interpellé une troisième fois par ce même son de tuiles qui l'avait dérangé plus tôt. C'était sûr : quelqu'un - ou quelque-chose - était sur le toit de la tour. "Robin, tu vois quelque chose sur le toit ?" Son petit frère recula pour avoir un meilleur point de vue avant de faire non de la tête, au grand dam de Teilo. "Hm, bizarre." marmonna-t-il pour lui-même avant de pérorer : "Bon. Prépare-toi, je descends. Je te mets échec et mat en six coups !"

Teilo s'extirpa de la fenêtre et entreprit une descente rapide de l'escalier, poussé par la voix lointaine de son petit frère : "Dans tes rêves !"