Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
Décembre 2023 Maëlle ne suivait les cours de la professeure Landi que depuis le début du trimestre de l’eau, mais elle n’hésita pourtant pas à s’inscrire à l’atelier proposé cet après-midi. Avec l’Alchimie et la Conjuration du Mal, l’Artisanat Magique faisait partie des nouvelles matières que la normande avait choisi d’étudier à partir de sa deuxième année. Elle était d’ailleurs ravie de découvrir les enseignements fondamentaux des deux autres confréries, elle qui était Santourbillon et à qui la Devineresse avait laissé le choix ; opter pour Dagda un an plus tôt lui permettait de se différencier de ses parents. Ces premiers mois d’automne l’avaient d’ailleurs confortée dans sa décision, même si à bien y réfléchir, elle se serait sans doute bien plu à Lug, la confrérie des ingénieux inventeurs. La petite Lefèbvre salua poliment l’enseignante en pénétrant dans la salle de classe, puis prit place au premier rang, à proximité de l’établi de la professeure Landi. Ainsi, elle espérait ne rien louper car elle ne savait que trop bien qu’elle était, parmi tous les élèves présents, celle qui étudiait l’artisanat depuis le moins longtemps. La fillette sortit de son sac un parchemin vierge et une plume, qu’elle déposa sur le coin de sa paillasse, et reporta son attention sur leur enseignante. Elle esquissa un sourire aussi surpris que satisfait lorsqu’elle comprit l’objet de l’atelier du jour : ils allaient travailler sur les liens entre la puissance des objets magiques et l’énergie des sorciers. La deuxième année resta même quelques instants bouche bée en réalisant que l’art du dernier recours s’apparentait en quelques sortes à de la magie grise. Les yeux rivés sur la plume à papote, Maëlle buvait les paroles de la professeure Landi. Elle hocha la tête en assimilant l’usure d’un objet à sa propre énergie et réfléchit aux questions que venait de poser l’enseignante. Cela faisait sens : les objets ne devenaient magiques, "juste comme ça", par eux-mêmes... Ou plutôt si, par un simple coup de baguette. Ils sont façonnés par le sorcier, par sa magie, comme si l’artisan mettait un peu de lui dans son artéfact. La petite normande partagea ses réflexions avec son voisin de droite, un élève de Dagda comme elle, de deux ans son aîné. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La petite Lefèbvre et son camarade partagèrent leurs réflexions encore quelques minutes, avant que la professeure Landi ne confirme leurs hypothèses. La deuxième année s’empressa alors de griffonner quelques notes sur son parchemin, avant de lever les yeux sur la longue plume à papote que leur présentait l’enseignante. Buvant ses paroles, la jeune Dagda se demandait à quoi pouvaient donc bien ressembler ces fameuses plumes plus sophistiquées. Suivant les consignes, Maëlle alla se choisir parmi le matériel mis à disposition une jolie plume sombre, d’aigle, qui lui faisait un peu penser à celles d’Asmodée. Celles-là même qui lui avaient offert de furtives visions de l’avenir. Machinalement, la fillette porta sa main à son cou, refermant ses doigts sur son pendentif en bois, souvenir d’une incroyable escapade hors des murs de l’académie. Un peu à contre-cœur, elle chassa le souvenir de l’oiseau mythique pour se reconcentrer sur l’atelier. La petite normande plaça sa plume au centre de son établi, puis tira sa baguette de sa poche en réfléchissant aux enchantements utiles qu’elle pouvait lancer. C’est qu’elle n’en connaissait pas encore tant que ça ! En premier lieu, la deuxième année commença par exécuter un charme de Lévitation. Simple, mais efficace... Pour la suite, la deuxième année était moins sûre d’elle. Ses lèvres pincées en une moue dubitative, elle passait en revue les sortilèges qu’elle maîtrisait déjà. La métamorphose Ornispeta – de la plume vers l’oiseau – n’était indéniablement pas une bonne idée, pas plus que le charme du feu – comme l’avait indiqué la professeure – ou le maléfice de Chatouillis. Quoi que... Quelques tables plus loin, un élève de sa promotion avait opté pour ce sortilège. Au signal, Maëlle tendit sa plume à sa voisine de gauche, une élève d’Ogme. Elle attrapa ensuite sur sa droite un parchemin rendu incassable quelques minutes plus tôt. Après une courte réflexion – où elle observa son camarade de confrérie colorer une plume en un orange criard – elle lança un charme d’Imperméabilité. Lorsqu’ils échangèrent une nouvelle fois leurs objets, elle récupéra un épais parchemin en pierre, qui sautillait bruyamment en faisant trembler sa paillasse. À court d’idées, la petite Lefèbvre chercha l’inspiration en regardant les réalisations pour le moins inédites autour d’elle, se décidant finalement pour un maléfice de Gavage. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La petite normande adressa un sourire désolé à sa voisine de gauche, avant de lui faire passer le parchemin de pierre bondissant qu’elle venait tout juste d’élargir. De sa droite, elle récupéra une petite plume chatouilleuse, d’un joli vert d’eau, qui vint se blottir dans la paume de sa main. Au fur et à mesure que l’atelier avançait, la deuxième année prenait confiance et elle n’hésita cette fois-ci pas longtemps avant d’enchanter la plume à l’aide d’un charme de Lumière. Comment pouvez-vous savoir le nombre de points d'usure qu'il lui reste ? s’interrogea Maëlle, les yeux rivés sur la plume qui remuait au creux de sa main. Ça pour le coup, elle n’en avait aucune idée ! Surtout qu’il se trompait, l’élève de Lug que la professeure Landi venait d’interroger ; ils avaient bien lancer quatre sortilèges chacun... La deuxième année se garda bien de lever la main, comme le reste des jeunes sorciers qui assistaient à l’atelier, si bien que l’enseignante helvète n’eut pas d’autres choix que de leur donner la réponse. La petite Lefèbvre prit quelques notes à l’aide de son insolite plume vert pâle, ce qui ne manqua pas d’altérer son écriture habituellement ronde et régulière. Les yeux ronds, elle observa la démonstration de la professeure Landi, répétant plusieurs fois pour elle-même Gerunt Puncta. Avant de se lancer, elle jeta quelques coups d’œil autour d’elle ; sur sa droite, son camarade de confrérie s’en sortit assez aisément, mais ce n’était pas le cas de tous. Plusieurs élèves durent s’y prendre à plusieurs reprises. La petite Dagda inspira une grande bouffée d’air avant de se lancer à son tour. « Gerunt Puncta ! » énonça-t-elle avec conviction, criant presque dans la salle de classe. Ses doigts étaient crispés sur sa baguette alors qu’elle décrivit un mouvement sec et rapide vers le haut. Maëlle lâcha un petit hoquet de surprise en voyant la plume faire trois tours – ce qui était somme toute assez logique ! – dans sa main ; elle avait réussi du premier coup ! Lorsque le silence revint, l’enseignante reprit ses explications. La suite de sa démonstration, avec l’enchaînement rapide des deux sortilèges, était encore plus impressionnante. La petite normande n’en perdit pas une miette, et se félicita intérieurement de ne pas s’être placée directement face à l’établi de Madame Landi. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
Suivant les indications, la petite Lefèbvre nota dans le détail les explications de la professeure Landi : dextérité accrue, vitesse décuplée et fatigue en conséquence, notamment... Utiliser la magie d’un autre sorcier n’était visiblement pas si aisé. La deuxième année se demandait elle si l’artisan qui avait forgé l’objet ressentait quelque chose lorsque sa magie était utilisée. Probablement que non, même si elle le découvrirait bien assez vite lorsqu’ils s’essayeraient pour de vrai à l’art du dernier recours. La petite Dagda leva les yeux de son parchemin lorsque leur enseignante évoqua la Magie Noire. Ainsi, sa supposition initiale n’était si éloignée de la vérité... D’un seul coup, toute la salle de classe semblait bien plus sérieuse, presque austère. Maëlle était tout juste née lors de la Honte du Vaucluse, mais elle avait bien conscience que le sujet était tabou non seulement au sein de sa famille, et plus généralement de la communauté sorcière. Même si Madame Landi essayait de détendre l’atmosphère, la normande hésita sur la suite à donner à cet atelier. Elle déglutit puis dévisagea ses camarades d’un air perplexe. Une professeure de Beauxbâtons sait forcément ce qu’elle fait... tenta-t-elle de se rassurer. Mal à l’aise, la deuxième année se convainquit tout de même de rester jusqu’à la fin et d’apprendre ce sortilège. Elle l’utiliserait là maintenant avec des beaux enchantements, comme le charme de Lumière ou celui du Bouclier, jusqu’à le maîtriser, mais elle se promit cependant de ne l’utiliser qu’en cas d’extrême urgence... Un dernier recours, en quelques sortes ! Finalement, ce maléfice portait plutôt bien son nom... À la fin du cours, la petite Lefèbvre quitta la salle de classe en emportant avec elle la petite plume chatouilleuse. Après avoir salué la professeure d’Artisanat Magique, elle rejoignit directement le belvédère des fureteurs sur les remparts. Elle posa son sac au pied d’un Michel aux grandes oreilles et au nez crochu, puis parcouru son parchemin pour être certaine de ne rien oublier. Bene Industria récita-t-elle pour elle-même en reproduisant plusieurs fois la gestuelle dans les airs. Lorsqu’elle se sentit prête, la fillette se lança, enchaînant rapidement les deux sortilèges. « Bene Industria ! Lumos ! » Le bout de sa baguette s’illumina instantanément, mais quelque chose clochait. En son for intérieur, Maëlle savait qu’elle n’avait pas réussi. Seul son charme de Lumière, avec sa propre magie, avait fonctionné. Elle n’avait pas ressenti l’énergie de la plume dans son catalyseur, ni même la moindre fatigue. Avec une persévérance qui s’approchait de l’acharnement, la normande recommença jusqu’à parvenir à ses fins. Elle avait réussi, elle en était persuadée. La sensation était particulière et peu agréable. À bout de souffle, la deuxième année rassembla ses affaires et prit la direction du réfectoire pour le déjeuner. Elle y retrouva son camarade de Dagda, qui avait lui aussi suivi l’atelier d’Artisanat Magique, et le sollicita pour faire disparaître la plume d’un vert désormais extrêmement pâle. |
Jessica Landi
Professeure d’Artisanat Magique