Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Vendredi 13 Décembre
16h50 - Cours de Créatures Magiques des Troisième Année
16h50 - Cours de Créatures Magiques des Troisième Année
Dans la salle de classe implantée dans les Jardins Est, on aurait pu entendre un carcohl ramper. Les Troisième Année étaient tous très studieux à griffonner sur leur parchemin les techniques et procédés requis pour un charme de fascination réussi. La voix calme et rassurante du Professeur berçait les plumes au gré d'un même tempo. Une seule indisciplinée semblait ne pas vouloir suivre les autres. Elle était au dernier rang, le plus près possible de la fenêtre et appartenait à Teilo.
Contrairement à ses habitudes, le Lug n'écoutait pas vraiment le cours. Il comptait sur Maëlle pour lui refiler ses notes plus tard. Ce qu'il inscrivait à l'encre sur son parchemin était prioritaire et ne pouvait pas attendre - il était inspiré. Quelle bonne idée il avait eu d'aller traîner dans le salon des poètes au premier étage juste après le déjeuner. Les mots qu'il avait eu tant de difficulté à trouver ces derniers jours, les mots justes lui venaient maintenant comme des fulgurances.
Une nouvelle phrase, un nouveau vers faisait rimer ailes et rhumiel. Plume relevée, le garçon contempla tout ça avec des yeux brillants et un sourire satisfait. C'était vraiment très poétique et ses joues en rosissaient un peu. Il tourna la tête vers la fenêtre pour la énième fois cette heure-ci. Le soleil avait disparu mais n'était pas entièrement couché. C'était comme si on avait trempé un pinceau dedans pour étaler son orange dans le ciel bleu sombre. Les arbres de la forêt dansaient doucement comme autant de tiges souples dans le vent du soir. C'était magnifique.
Teilo en resta songeur. Sa grande tante voyait le même ciel, allongée sur sa chaise longue en plastique au bord de son étang des Dombes ? Sa mère pouvait-elle seulement l'apercevoir par un bout de fenêtre de leur nouvelle demeure ? Son père savait-il seulement que le soleil était en train de se coucher ?
Le garçon renifla. Ses yeux le piquaient un peu et sa poitrine devenait lourde. Mieux valait retourner à sa poésie. Hmm... Effleurer tes fils d'étoile... c'était si beau, si vrai, tellement en symbiose avec ce qu'il pensait qu'il voulait absolument le mettre ! Mais qu'est ce qui pouvait bien rimer ?
Il soupira intensément en s'imaginant en mer... la mer méditerranée, sur un bateau... de nuit, sous un ciel étoilé. Et puis le bateau, attiré par le chant mélodieux d'une étoile, prendrait son envol, se libérerait de l'emprise de mer puis de la Terre en ouvrant grand ses voiles. Voiles pouvait rimer avec étoile. Ouais, c'était vraiment bien. Il fallait qu'il montre sa production à Giovanni ! Ou peut-être Joseph, qui devait avoir plus d'expérience. Ou peut-être à personne, en fait.
Mais il ne fallait pas trop qu'il tarde, le bal était dans sept jours très exactement.
Comme si le temps souhaitait justement se rappeler à lui, le Lug fut sorti de sa torpeur par les mouvements et bruits de ses camarades qui rangeaient leurs affaires et, pour certains, quittaient leurs pupitres. Il redressa la tête et papillonna des paupières. Mince, déjà ? Il n'avait même pas eu le temps de terminer ! Il souffla à plusieurs endroits de son son parchemin pour que l'encre ne bave pas et fourra pêle-mêle ses affaires dans son sac qu'il mit en bandoulière sur son épaule.
Alors, soigneusement, le garçon enroula le parchemin dans lequel il avait osé transcrire un peu de ce qui débordait de son cœur, et le texte inachevé en main, chercha à quitter la salle. Il pouvait toujours reprendre son écriture à la chapelle ? Ou dans sa champi'bane en attendant le dîner ? L'endroit importait finalement peu, il avait l'impression incroyable que tout pouvait l'inspirer, et il y avait tellement, tellement de choses à dire encore.
Même la voix de Monsieur Kieffer l'interpellant et l'invitant à rester un moment ne put le faire redescendre de sa douce euphorie. Teilo se tourna simplement vers lui, tout juste étonné et, en louvoyant gracieusement entre ses camarades comme un danseur de ballet, le rejoignit à son bureau. Il offrit à son professeur - qu'il aimait bien par ailleurs - un sourire rayonnant en rajustant la bandoulière de son sac sur son épaule.
"Que puis-je pour vous, Professeur ?" s'enquit-il avec une malicieuse assurance tout en s'attardant sur les détails du faciès de l'adulte.
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