Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Le lundi 23 Décembre 2024
15h52
15h52
PNJ - Florian Devigne
Lug - 6ème année
Je ne m'ennuie pas.
Deux jours que les élèves et personnels, dans leur immense majorité, sont rentrés dans leurs familles respectives pour s'adonner à cette tradition un peu ridicule qu'est Noël. Un moment d'infinie douceur et après un certain âge de pure nostalgie, où toutes les compromissions, tous les égarements des gens qui nous sont si chers sont soudain pardonnés. Très peu pour moi.
Même si j'avais eu le choix, je serai resté à Beauxbâtons. Je n'ai pas eu le choix, ce qui m'a évité d'avoir à me justifier.
J'arpente donc, toujours vêtu de mon uniforme scolaire, toujours impeccable, les couloirs de l'Académie depuis samedi. Je prends tout mon temps, examine avec fascination leurs nouveaux aspects maintenant qu'ils sont désertés. J'y découvre dans la froideur de l'hiver des choses que je n'aurais jamais pu déceler au milieu d'une fouille grouillante et pressée de petits humains. Finalement, ils ne manquent pas aux lieux. Ce n'est qu'une génération, la dernière a arpenter ce château avant la suivante, et comme la grande majorité de ceux qui les ont précédés, ils ne laisseront ici aucune espèce de trace. Rien de marquant, de transcendant, d'inspirant pour celles et ceux qui viendront après eux. Ils n'auront fait pour beaucoup que passer.
Et ce n'est pas grave, en soi. Ils n'ont même pas à en avoir honte. Je pose ma propre main sur une pierre au hasard, elle retiendra moins que moi de ce contact. Je suis persuadé que très peu de gens sont faits pour résister au temps et je m'estime moi-même dans la majorité. La plupart des personnalités qu'on retient, y compris dans la communauté sorcière, ont juste su se forger ou se faire forger une histoire, une légende, et n'étaient pas si grands que ça en réalité. Le vrai pouvoir est dans l'histoire, dans les histoires qu'on peut bien se raconter. C'est pour ça que j'adore lire.
Comme à chacun de mes déplacements, j'ai un livre sous le bras. C'est la lecture de ce livre qui dirige mes pas vers l'ossuaire. Je veux revoir cette fresque vivante que nous avons déjà étudiée en Éducation Historique et Citoyenne et qui retrace les différentes étapes de la construction du château. Je veux surtout me pencher autant que la barrière magique me le permettra pour admirer la vacuité du trou au centre de la pièce, me perdre un peu dedans et faire passer plus vite les longues heures de ce lundi de vacances.
Rah. Dehors, il fait bien froid. Je déteste le vent, je suis frileux. J'ajuste l'écharpe brodée de runes que mon petit frère Oscar m'a offert pour mon dernier anniversaire. Il ne manquerait plus que j'attrape une maladie - magique ou non - que je ne saurais guérir et qui m'obligerait à avoir recours aux services d'un ex-apprenti du dispensaire présent comme moi au château pendant les vacances : Drian Vaillant. Le petit manège de l'Ogme avec ses camarades, adaptable mais au fond tellement similaire, semble limpide à mes yeux et je n'ai pas particulièrement envie de lui devoir quelque chose.
Quand je pénètre dans l'ossuaire, la lumière de la coupole m'aveugle momentanément et m'oblige à stopper tout mouvement le temps de retrouver mes repères. Entre leurs clignements, mes yeux perçoivent une silhouette noire près d'un pan de fresque. Elle se détache de la lumière. Je finis par comprendre qu'il s'agit de la personne même à laquelle je pensais à l'instant : Drian Vaillant.
Je me raidis et l'observe un instant sans bouger. Je ne l'aime pas, mais ce n'est pas la question. Là où mes camarades, principalement de la gente féminine, semblent éprouver une irrémédiable attraction pour son charme suave, ses mots insidieux et les caractéristiques de son minois, j'éprouve pour le délégué d'Ogme une fascination plus froide et distante, au moins aussi froide que le regard de glace qu'il me lance depuis un mois. Je m'intéresse donc à lui à distance, comme je le ferais d'un objet d'artisanat magique particulièrement complexe et à manier avec précaution. La curiosité d'Icare lui a brûlé les ailes, je ne suis pas aussi bête.
Je ne peux pourtant pas faire comme s'il n'était pas là. Alors j'affiche mon sourire habituel quoique contrarié par mes traits tirés - je dors mal pendant les vacances - et m'approche le plus naturellement du monde de l'Ogme en proclamant : "Intéressant, tu ne trouves pas ? La pièce la plus lumineuse du château est réservée à ses morts." Ma voix forte mais maîtrisée résonne en écho dans le vide, accentuant le sentiment que nous sommes bien seuls, lui et moi, parmi les fantômes encore assoupis. "Je me demande quelle leçon en tirer, si il y en a bien une." Je m'arrête à distance raisonnable de lui, mon livre toujours sous le bras, pour jauger sa réaction et m'adapter en conséquence. J'ai entrouvert une porte qu'il lui appartient de traverser. S'il préfère, comme je m'y attends un peu, me givrer du regard, libre à lui.
De toute manière, je ne m'ennuie pas.
Deux jours que les élèves et personnels, dans leur immense majorité, sont rentrés dans leurs familles respectives pour s'adonner à cette tradition un peu ridicule qu'est Noël. Un moment d'infinie douceur et après un certain âge de pure nostalgie, où toutes les compromissions, tous les égarements des gens qui nous sont si chers sont soudain pardonnés. Très peu pour moi.
Même si j'avais eu le choix, je serai resté à Beauxbâtons. Je n'ai pas eu le choix, ce qui m'a évité d'avoir à me justifier.
J'arpente donc, toujours vêtu de mon uniforme scolaire, toujours impeccable, les couloirs de l'Académie depuis samedi. Je prends tout mon temps, examine avec fascination leurs nouveaux aspects maintenant qu'ils sont désertés. J'y découvre dans la froideur de l'hiver des choses que je n'aurais jamais pu déceler au milieu d'une fouille grouillante et pressée de petits humains. Finalement, ils ne manquent pas aux lieux. Ce n'est qu'une génération, la dernière a arpenter ce château avant la suivante, et comme la grande majorité de ceux qui les ont précédés, ils ne laisseront ici aucune espèce de trace. Rien de marquant, de transcendant, d'inspirant pour celles et ceux qui viendront après eux. Ils n'auront fait pour beaucoup que passer.
Et ce n'est pas grave, en soi. Ils n'ont même pas à en avoir honte. Je pose ma propre main sur une pierre au hasard, elle retiendra moins que moi de ce contact. Je suis persuadé que très peu de gens sont faits pour résister au temps et je m'estime moi-même dans la majorité. La plupart des personnalités qu'on retient, y compris dans la communauté sorcière, ont juste su se forger ou se faire forger une histoire, une légende, et n'étaient pas si grands que ça en réalité. Le vrai pouvoir est dans l'histoire, dans les histoires qu'on peut bien se raconter. C'est pour ça que j'adore lire.
Comme à chacun de mes déplacements, j'ai un livre sous le bras. C'est la lecture de ce livre qui dirige mes pas vers l'ossuaire. Je veux revoir cette fresque vivante que nous avons déjà étudiée en Éducation Historique et Citoyenne et qui retrace les différentes étapes de la construction du château. Je veux surtout me pencher autant que la barrière magique me le permettra pour admirer la vacuité du trou au centre de la pièce, me perdre un peu dedans et faire passer plus vite les longues heures de ce lundi de vacances.
Rah. Dehors, il fait bien froid. Je déteste le vent, je suis frileux. J'ajuste l'écharpe brodée de runes que mon petit frère Oscar m'a offert pour mon dernier anniversaire. Il ne manquerait plus que j'attrape une maladie - magique ou non - que je ne saurais guérir et qui m'obligerait à avoir recours aux services d'un ex-apprenti du dispensaire présent comme moi au château pendant les vacances : Drian Vaillant. Le petit manège de l'Ogme avec ses camarades, adaptable mais au fond tellement similaire, semble limpide à mes yeux et je n'ai pas particulièrement envie de lui devoir quelque chose.
Quand je pénètre dans l'ossuaire, la lumière de la coupole m'aveugle momentanément et m'oblige à stopper tout mouvement le temps de retrouver mes repères. Entre leurs clignements, mes yeux perçoivent une silhouette noire près d'un pan de fresque. Elle se détache de la lumière. Je finis par comprendre qu'il s'agit de la personne même à laquelle je pensais à l'instant : Drian Vaillant.
Je me raidis et l'observe un instant sans bouger. Je ne l'aime pas, mais ce n'est pas la question. Là où mes camarades, principalement de la gente féminine, semblent éprouver une irrémédiable attraction pour son charme suave, ses mots insidieux et les caractéristiques de son minois, j'éprouve pour le délégué d'Ogme une fascination plus froide et distante, au moins aussi froide que le regard de glace qu'il me lance depuis un mois. Je m'intéresse donc à lui à distance, comme je le ferais d'un objet d'artisanat magique particulièrement complexe et à manier avec précaution. La curiosité d'Icare lui a brûlé les ailes, je ne suis pas aussi bête.
Je ne peux pourtant pas faire comme s'il n'était pas là. Alors j'affiche mon sourire habituel quoique contrarié par mes traits tirés - je dors mal pendant les vacances - et m'approche le plus naturellement du monde de l'Ogme en proclamant : "Intéressant, tu ne trouves pas ? La pièce la plus lumineuse du château est réservée à ses morts." Ma voix forte mais maîtrisée résonne en écho dans le vide, accentuant le sentiment que nous sommes bien seuls, lui et moi, parmi les fantômes encore assoupis. "Je me demande quelle leçon en tirer, si il y en a bien une." Je m'arrête à distance raisonnable de lui, mon livre toujours sous le bras, pour jauger sa réaction et m'adapter en conséquence. J'ai entrouvert une porte qu'il lui appartient de traverser. S'il préfère, comme je m'y attends un peu, me givrer du regard, libre à lui.
De toute manière, je ne m'ennuie pas.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Lundi 23 décembre 2024 - 15h45
Septième année - 18 ans
______
Septième année - 18 ans
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Ma découverte du département des enchantements m'a laissé un souvenir impérissable avec, comme toujours lorsque je m'approche de l'un des mystères de ce château, un goût de trop peu et d'inachevé. J'ai besoin d'en savoir plus, de creuser là où personne n'a songé aller, de trouver ce que personne n'a imaginé chercher. Comme il faut un point de départ à tout, mes pas m'ont naturellement porté jusqu'à l'ossuaire. Après tout, Pernelle Flamel est morte. La Fontaine à son effigie dans les jardins aurait pu être ma première destination, mais disons que je lui donne plus une fonction décorative qu'autre chose. Mais qui sait ? Si mes recherches ici sont infructueuses, je m'y rendrai. J'ai tout le temps et l'espace durant ces vacances Noël où le château s'est vidé de la grande majorité de ses occupants. Enfin l'espace... si j'occulte ma surveillance ininterrompue par je ne sais qui ou quoi. A croire que ses yeux qui m'épient ne dorment jamais.
Voilà cinq bonne minutes, peut-être six, que je me tiens devant cette fresque mais nulle trace des Flamel. Ils devraient y être pourtant, vu l'empreinte qu'ils ont laissé sur l'académie et même toute la communauté française. Pas aujourd'hui en tout cas. J'aurai peut-être plus de chance avec les fantômes en revenant plus tard. J'en suis là de ma réflexion lorsqu'une voix qui ne m'est pas inconnue résonne dans la coupole. Si d'autres élèves avaient été présents, le doute aurait été permis, mais nous sommes seul. Florian Devigne s'adresse à moi et seul moi peut l'entendre. Curieux. Un sourire étire mes lèves tandis que mes yeux restent rivés sur la fresque.
- Florian Devigne. Je t'attendais, je dis posément en croisant mes mains dans mon dos avant de me retourner doucement, aussi altier dans mon uniforme que l'aristocratie dépeinte dans la fresque. Le sang bleu en moins.
Je l'attendais, vraiment ? Pas du tout. Mais ça, le garçon ne le sait pas. Il ne peut qu'en douter, jamais en être certain.
- Que les vivants aiment vivre parmi les ombres alors que les morts ont fini de se cacher ? Je réponds avec un sourire en coin, mon regard bleu glacé passant du sien au livre sous son bras avant de se replanter dans ses yeux sans plus les lâcher.
Je pourrai attaquer de suite, c'est une occasion en or. Je n'ai même pas eu besoin d'aller le chercher. Dès que j'ai su qu'il restait pour les vacances de Noël, j'ai su que c'était l'occasion parfaite pour me rapprocher de lui sous couvert d'aider Teilo dans son but. J'hésite. Ou alors j'y vais plus subtilement. Si je le braque, je le perds. Ca serait dommage, il a définitivement quelque chose que je déteste mais que je veux.
- Je suis curieux, qu'aimes-tu tant dans les livres pour ne jamais les quitter ?
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Il m'attendait. Je suis sûr qu'il dit vrai.
Je cache tant bien que mal mon étonnement. Monseigneur Vaillant est-il un de ces devins pouvant prédire l'avenir ? Si oui, pourquoi me signale-t-il d'entrée de jeu être au courant de ma venue ? Par suffisance ou pour prendre l'ascendant sur moi ? Au fond, peu importe. La seule information que je peux en retirer est qu'il souhaite me parler, je dois donc me méfier.
Je souris à la réponse qu'il me fait et hoche légèrement ma tête pour marquer mon approbation. Je ne suis pas loin de penser exactement ce qu'il vient de dire. Tous les vivants semblent délaisser le soleil et apprécier plutôt se vautrer dans l'obscurité fangeuse où se trament les complots, où se profèrent médisances et calomnies en pagaille. Les humains surtout, jouer avec leur propre mélasse les amuse, ils tuent le temps. Comme ils ont encore plus de moyens pour arriver à ces fins méprisables, les sorciers sont de loin les pires. La mort doit être une délivrance pour beaucoup, pas étonnant qu'ils fassent la fête. Dommage pour eux, ils n'ont plus de peau pour profiter du soleil.
La colère et l'étonnement devant cette réalité déprimante m'ont quitté depuis longtemps. J'ai du assez rapidement me faire à l'idée que tel était le monde dans lequel j'étais né et qu'à défaut de le changer, il fallait bien au moins que je m'y adapte.
Je soutiens le regard bleu de l'Ogme un instant et constate qu'une fois encore, il n'a pas l'intention de flancher. Que se passe-t-il dans sa tête pour qu'il ait sans cesse besoin d'affirmer sa supériorité ? Manque-t-il à ce point d'estime pour lui-même ? Non, ça je n'y crois pas. Y prend-il simplement du plaisir ? Combien de fois, combien de temps va-t-il chercher à me tester ainsi ? Ma main libre plonge dans ma poche pour qu'il ne puisse voir mes doigts se crisper. Plutôt que de m'engager à nouveau dans ce jeu avec la certitude de perdre, je détourne rapidement la tête et m'intéresse aux personnages de la fresque derrière lui, des personnages dont il a fort bien imité la posture à l'instant.
Alors que je m'apprête à lui poser une question, Vaillant me prend de court. C'est lui qui m'interroge sur mon goût pour la lecture. "Ah", je souris en baissant les yeux vers le livre que je lis en ce moment. "Ils ont un sérieux avantage. Je sais qu'ils me racontent des histoires." Instinctivement, je resserre le bouquin contre ma poitrine. "J'ai un petit faible pour les narrateurs non fiables et les protagonistes dysfonctionnels. Et l'imagination des auteurs non-mags est sans limite. Il ne faut jamais leur dire que la magie existe vraiment."
Mon sourire est sincère, comme tout ce que j'ai raconté. Je sens même mes joues rosir un peu. Il m'a poussé vers un des rares sujets qui me passionne vraiment au point d'en parler à coeur presque ouvert. Mais mon visage se referme. Drian Vaillant n'est pas mon ami et en sait suffisamment, peut-être déjà trop. Je ne vais pas non plus lui raconter d'où me vient cette passion, ni que je m'essaie à l'écriture depuis quelques années déjà, que mon plus grand rêve est d'être publié sous un faux nom. La gloire ne m'intéresse pas, l'argent non plus et la magie ne m'est qu'utilitaire. Je veux juste travailler le plus loin possible de la 'communauté' sorcière et raconter mes histoires, qu'elles parlent à des inconnus, qu'elles les touchent comme tant d'histoires m'ont déjà touché.
Je reviens vers la fresque qui s'anime... et y reconnait quelques figures de l'histoire sorcière dont on nous a fait apprendre les noms en Education Historique et Citoyenne. Certains semblent me saluer, je ne leur réponds pas.
"Du beau travail... mais pour la gloire de quelques uns. Et toi ?" Je me tourne vers Vaillant. "Tu ambitionnes de figurer là-dessus un jour ? Ou peut-être d'avoir ton propre ossuaire pour y inviter tes innombrables conquêtes ?"
Je lui souris en coin, mon ton est légèrement ironique mais c'est la question qui le veut. Il viendra au but quand il voudra. En attendant, la conversation me plaît et elle se fait rare en ce moment. Drian n'est pas inintéressant, contrairement à beaucoup d'autres pensionnaires de Beauxbâtons. Autant en savoir un peu plus sur lui. Qui sait, ça pourrait même m'inspirer.
Je cache tant bien que mal mon étonnement. Monseigneur Vaillant est-il un de ces devins pouvant prédire l'avenir ? Si oui, pourquoi me signale-t-il d'entrée de jeu être au courant de ma venue ? Par suffisance ou pour prendre l'ascendant sur moi ? Au fond, peu importe. La seule information que je peux en retirer est qu'il souhaite me parler, je dois donc me méfier.
Je souris à la réponse qu'il me fait et hoche légèrement ma tête pour marquer mon approbation. Je ne suis pas loin de penser exactement ce qu'il vient de dire. Tous les vivants semblent délaisser le soleil et apprécier plutôt se vautrer dans l'obscurité fangeuse où se trament les complots, où se profèrent médisances et calomnies en pagaille. Les humains surtout, jouer avec leur propre mélasse les amuse, ils tuent le temps. Comme ils ont encore plus de moyens pour arriver à ces fins méprisables, les sorciers sont de loin les pires. La mort doit être une délivrance pour beaucoup, pas étonnant qu'ils fassent la fête. Dommage pour eux, ils n'ont plus de peau pour profiter du soleil.
La colère et l'étonnement devant cette réalité déprimante m'ont quitté depuis longtemps. J'ai du assez rapidement me faire à l'idée que tel était le monde dans lequel j'étais né et qu'à défaut de le changer, il fallait bien au moins que je m'y adapte.
Je soutiens le regard bleu de l'Ogme un instant et constate qu'une fois encore, il n'a pas l'intention de flancher. Que se passe-t-il dans sa tête pour qu'il ait sans cesse besoin d'affirmer sa supériorité ? Manque-t-il à ce point d'estime pour lui-même ? Non, ça je n'y crois pas. Y prend-il simplement du plaisir ? Combien de fois, combien de temps va-t-il chercher à me tester ainsi ? Ma main libre plonge dans ma poche pour qu'il ne puisse voir mes doigts se crisper. Plutôt que de m'engager à nouveau dans ce jeu avec la certitude de perdre, je détourne rapidement la tête et m'intéresse aux personnages de la fresque derrière lui, des personnages dont il a fort bien imité la posture à l'instant.
Alors que je m'apprête à lui poser une question, Vaillant me prend de court. C'est lui qui m'interroge sur mon goût pour la lecture. "Ah", je souris en baissant les yeux vers le livre que je lis en ce moment. "Ils ont un sérieux avantage. Je sais qu'ils me racontent des histoires." Instinctivement, je resserre le bouquin contre ma poitrine. "J'ai un petit faible pour les narrateurs non fiables et les protagonistes dysfonctionnels. Et l'imagination des auteurs non-mags est sans limite. Il ne faut jamais leur dire que la magie existe vraiment."
Mon sourire est sincère, comme tout ce que j'ai raconté. Je sens même mes joues rosir un peu. Il m'a poussé vers un des rares sujets qui me passionne vraiment au point d'en parler à coeur presque ouvert. Mais mon visage se referme. Drian Vaillant n'est pas mon ami et en sait suffisamment, peut-être déjà trop. Je ne vais pas non plus lui raconter d'où me vient cette passion, ni que je m'essaie à l'écriture depuis quelques années déjà, que mon plus grand rêve est d'être publié sous un faux nom. La gloire ne m'intéresse pas, l'argent non plus et la magie ne m'est qu'utilitaire. Je veux juste travailler le plus loin possible de la 'communauté' sorcière et raconter mes histoires, qu'elles parlent à des inconnus, qu'elles les touchent comme tant d'histoires m'ont déjà touché.
Je reviens vers la fresque qui s'anime... et y reconnait quelques figures de l'histoire sorcière dont on nous a fait apprendre les noms en Education Historique et Citoyenne. Certains semblent me saluer, je ne leur réponds pas.
"Du beau travail... mais pour la gloire de quelques uns. Et toi ?" Je me tourne vers Vaillant. "Tu ambitionnes de figurer là-dessus un jour ? Ou peut-être d'avoir ton propre ossuaire pour y inviter tes innombrables conquêtes ?"
Je lui souris en coin, mon ton est légèrement ironique mais c'est la question qui le veut. Il viendra au but quand il voudra. En attendant, la conversation me plaît et elle se fait rare en ce moment. Drian n'est pas inintéressant, contrairement à beaucoup d'autres pensionnaires de Beauxbâtons. Autant en savoir un peu plus sur lui. Qui sait, ça pourrait même m'inspirer.
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